samedi 20 avril 2024

ENTRETIEN avec Pascal VIGNERON, organiste et directeur artistique du Festival JS BACH de TOUL

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TOUL-festival-Bach-annonce-concerts-festival-presentation-BACH-A-TOUL-2019-classiquenewsENTRETIEN avec Pascal VIGNERON, organiste et directeur artistique du Festival JS BACH de TOUL. 10ème édition en 2019. Autour du grand orgue Curt Schwenkedel 1963 s’est développée une large et riche programmation de concerts qui compose aujourd’hui, entre éclectisme et qualité, l’un des festivals européens les plus originaux dédiés à l’œuvre de Jean-Sébastien Bach. Tour d’horizon du Festival JS BACH de TOUL…

 

 

 

CNC / CLASSIQUENEWS : Voilà 10 ans d’existence pour le Festival BACH de TOUL. Qu’est ce qui rend ce festival BACH légitime à TOUL ? Les mélomanes présents, l’orgue, le patrimoine toulois… ?

vigneron-pascal-organiste-festival-BACH-TOULPASCAL VIGNERON : La légitimité du festival s’est imposée petit à petit, grâce notamment à la présence du Grand Orgue Curt Schwenkedel construit en 1963. C’est un instrument néo-baroque, dédié à la musique ancienne, avec une ouverture contemporaine sur le troisième clavier. C’est le plus grand opus de Curt Schwenkedel, et lorsqu’il fut construit, c’était un véritable pari sur l’avenir. Nous l’avons entièrement remis à jour, grâce au concerts de Maitre Yves Koenig, qui a compris d’emblée l’intérêt d’un instrument de cette taille pour l’interprétation de l’oeuvre d’orgue de Johann Sebastian Bach. Michel Giroud, qui fut apprenti de Curt Schwenkedel apporta un concours inestimable par ses conseils. En 2009, l’inauguration de la cathédrale restaurée, fut le point de départ de cette aventure. En compagnie de Marie-Christine Barrault, j’ai eu le plaisir de graver un cd sur les paraphrases de l’Apocalypse. Ensuite vint, l’enregistrement de ma première version des Variations Goldberg. Au fil du temps, les mélomanes furent de plus en plus nombreux, et l’accessibilité des programmes a été un des chemins de travail pour la réussite du festival. Le patrimoine Toulois est extrêmement riche, et il était évident que pour faire venir un public exigeant, il fallait à la fois ouvrir la programmation afin que tous les publics puissent y trouver attrait.

 

 

 

CNC / CLASSIQUENEWS : Comment avez vous conçu le fonctionnement du Festival (lieux, type de concerts, profil des artistes, offre aux publics, …) ?

PASCAL VIGNERON : Immédiatement, le fonctionnement a été programmé en deux périodes : juin, juillet puis septembre. En effet, le bassin du Toulois ne correspond pas à un lieu de villégiature estival comme on peut le trouver dans le sud ou l’ouest de notre pays. Les lieux de concerts à Toul sont principalement la cathédrale, la collégiale, le musée d’art et d’histoire, la chapelle de l’hôpital, et pour le piano : Citéa. Les artistes sélectionnés sont soit de grands noms de l’orgue, du piano, ou d’instruments divers, mais aussi des élèves sortant des grandes écoles européennes tel le Conservatoire national Supérieur de Musique de Paris, la Musikhochsucle de Stuttgart, L’école Normale de Musique de Paris et dorénavant le conservatoire Supérieur National de Lyon et d’autres grandes écoles qui petit à petit s’associeront au projet. Ainsi l’offre musicale pour le public est riche et complète : grands élèves des classes d’orgue, de piano, ensembles et choeurs internationaux, grands noms de la musique comme Rhoda Scott ou cette année Richard Galliano … Eclectisme et qualité sont les maîtres mots de notre festival.

 

 

 

CNC / CLASSIQUENEWS : Sur le plan artistique, qu’est ce qui assure au festival 2019, sa cohérence ?

PASCAL VIGNERON : La cohérence d’un projet, quel qu’il soit, est déterminée par sa logique. Après toutes ces années, un retour aux sources était impératif. C’est pour cela que nous pourrons entendre cette saison, l’intégrale du clavier bien tempéré en deux concerts avec Dimitri Vassilakis, piano solo de l’Ensemble Intercontemporain et Pieter Jan Belder, claveciniste mondialement reconnu pour son interprétation de l’œuvre de Bach. Nous avions donné le Clavier bien tempéré il y a 10 ans , dans les deux premières saisons. Avec les deux même artistes,  nous entendrons également les Variations Goldberg, que nous avions également données au début de nos programmations. Ensuite, pour qu’il y ait cohérence dans la continuité du festival, nous avons eu le 15 et 16 juin deux motets, et deux cantates avec choeur et orchestre, de grands solos des Passions de Bach. Je dois dire que le Choeur Musica Vera dirigé pas Nicolas Jean-Baptiste a été tout à fait remarquable. Les solistes lyriques (Matthieu Heim, Christophe Einhorn, Johanne Cassar, Christophe Gautier) ont été extrêmement brillants. Tous ces choix donnent une personnalité au Festival, et d’année en année, j’essaye de tenir cette cohérence. Eclectisme et ouverture sont les guides de cette cohérence.

 

 

 

CNC / CLASSIQUENEWS : Vous êtes organiste. Quelle vision défendez vous de JS BACH ? Comment avez vous choisi les oeuvres ainsi présentées, selon quels critères ? Si l’on parle des oeuvres que vous jouez, il y a entre autres les Goldberg. Pouvez vous nous livrer quelques clés de compréhension pour mieux les savourer ?

PASCAL VIGNERON : Tout d’abord, j’ai mené une carrière de soliste en tant que trompettiste. Après les années Maurice André, nous sommes passés dans un autre monde où la recherche musicologique est devenue plus importante que la musique dite  » instinctive « . Mais que serait la musique si l’instinct n’existait plus ? De grands chanteurs comme Mario Del Monaco étaient avant tout des musiciens d’Instinct. Etaient-ils de mauvais musiciens ? Non, bien au contraire ! Mais si la musicologie a fait faire d’incontestables progrès, elle ne peut survivre qu’en étant elle-même à l’écoute de la musique de son temps et de ses évolutions. Je favorise une vision globale et équilibrée de l’interprétation de l’œuvre de Johann Sebastian Bach. Le dogmatisme et l’intolérance ne peuvent être mes choix. Je suis tout autant admiratif des enregistrements de Karl Richter que ceux d’Herrewegue ou d’Harnoncourt. En musique, comme le disait Pierre Boulez, il n’y a pas de progrès, il n’y a que des différences. C’est pourquoi, si je ne préconise pas l’interprétation sur instruments d’époque (il faudrait déjà savoir de quelle époque) ou anciens (et savoir jusqu’où l’historicité est objective et musicale), je suis favorable à ce que la musique soit d’abord de la musique avant d’être une auto-satisfaction intellectuelle et puritaine. Keit Jarrett, Jacques Loussier, Glenn Gould, sont les témoins historiques de l’évolution humaine dans la musique, et non le contraire. Dans la vision des Goldberg, que je viens de graver, tous ces points sont mis en balance, pour trouver équilibre, beauté, rigueur, et à la fin,… logique. Bach nous parle à travers un système complexe de géométrie et de musique. Il est évident que sa pensée ne peut être décryptée que lorsque que l’on examine tous ces faits. La beauté des timbres, la rigueur de la pulsation sont les fondements d’un équilibre musical approfondi.

 

 

 

CNC / CLASSIQUENEWS : Pour le futur, que rêveriez-vous de réaliser au sein du Festival BACH de TOUL ?

PASCAL VIGNERON : Ayant déjà dirigé la Messe en si à plusieurs reprises, de nombreuses cantates, après avoir invité les grands noms de l’orgue, du piano, avoir mis en place une politique de concerts scolaires à destination des jeunes enfants, et enfin ayant conduit la restauration du Grand-Orgue de la Cathédrale Saint-Etienne de Toul, il est évident que le Festival BACH de Toul est au milieu du gué. Les passions, les oratorios, les cantates, et d’autres grands projets en compagnie des compositeurs qui ont tant cité comme exemple Bach, font partie de mes désirs. Une ouverture vers des mondes moins connus à destination du grand public, est également une de mes priorités. Une intégrale Messiaen, que le Grand Orgue de la Cathédrale sert si bien, pourrait voir le jour. Grâce à une municipalité et un premier magistrat absolument persuadé du bien fondé d’une telle entreprise, nous avons gravi en dix ans des échelons déjà énormes. Il nous reste donc à persuader dans le Grand-Est (y compris dans les pays voisins où je pense élaborer des partenariats ) des élus, des personnalités, des artistes, et évidemment le public déjà très nombreux afin de rendre ce moment de partage encore plus vaste et plus intense.
Pour partager l’immense œuvre de Johann Sebastian Bach, afin que tous puissent l’entendre, quelque soit sa condition, son parcours, sa source, ses racines, je ne pourrai terminer qu’avec la citation de Ciceron qui s’applique si bien au message philosophique du Cantor :  « La philosophie n’est rien d’autre que l’amour de la sagesse ».

Propos recueillis en juin 2019

 

 

 

LIRE aussi notre présentation, temps forts de la 10è édition du FESTIVAL BACH DE TOUL 2019, jusqu’au 12 octobre 2019

 

 

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