ENTRETIEN AVEC Elisabeth ATANASSOV, directrice de la Schubertiade de Sceaux. Présentation de la nouvelle saison de musique de chambre à Sceaux. Dans l’esprit convivial, fraternel des soirées viennoises portées par Schubert et ses amis, la ville de Sceaux présente une fois par mois, du 13 octobre 2018 au 30 mars 2019, 6 concerts éclectiques et ouverts, où Schubert évidemment, mais aussi Mozart, Beethoven, Brahms, Schumann et bien d’autres sont à l’honneur… Le nouveau cycle souhaite rétablir la place de la musique de chambre à Sceaux, riche d’un passé déjà riche et prospère. L’accès aux concerts est facilité, chaque concert programmé à 17h30 s’adresse à tous les publics. Tour d’horizons des compositeurs, des interprètes concernés, ainsi que des valeurs que la nouvelle offre musicale souhaite cultiver.
CLASSIQUENEWS : Comment se déroule votre saison musicale ?
Elisabeth ATANASSOV : Nous bénéficions du soutien de la ville de Sceaux, du Maire en particulier qui encourage notre initiative. Depuis une dizaine d’années en effet, plus aucun concert de musique de chambre n’était programmé à Sceaux (et alentour) alors qu’une forte tradition de musique de chambre existe à Sceaux du fait de l’action du quartettiste et pédagogue Alfred Loewenguth, lui-même scéen. Avant de créer le Festival de l’Orangerie de Sceaux, il avait en effet mis en place, dans les années 1960, une saison de musique de chambre à raison d’un concert par mois et qui se passait le samedi après-midi. « La Schubertiade de Sceaux » reprend ce modèle.
Le public d’aujourd’hui était « en manque » ; d’autant que certaines personnes, plus âgées, hésitent à aller à Paris ou à se déplacer le soir. Nous avons donc choisi l’horaire de 17h30.
Cet horaire permet également aux plus jeunes de venir aux concerts ; nous avons pour eux des tarifs attractifs (entre 5€ et 10 €). Nous souhaiterions développer une action auprès des scolaires, mais cela est une autre histoire !
Avec « A vous la scène », et en partenariat avec Proquartet, nous avons souhaité développer une action en direction des musiciens amateurs qui jouent au sein d’ensembles constitués. D’après les responsables de Proquartet, l’opportunité de bénéficier d’un piano est rare et celle de jouer devant un public également. C’est pourquoi nous avons mis en place, à deux reprises dans la saison (voir le programme détaillé ici) des master-classes par les artistes invités au concert de l’après-midi, suivies d’une prestation publique pour les ensembles amateurs sélectionnés. L’heure choisie (entre 11h45 et 12h) et l’entrée libre permettront d’ouvrir ces manifestations à un très large public.
CLASSIQUENEWS : Quels sont les critères artistiques qui assurent à la programmation sa cohérence et sa singularité ?
Deux valeurs principales animent notre directeur artistique Pierre-Kaloyann, valeurs qu’il met en pratique avec ses amis du Trio Atanassov : excellence artistique et simplicité.
Et si nous l’avons appelé « Schubertiade », ce n’est pas pour n’y programmer que du Schubert mais avant tout pour recréer l’esprit de convivialité qui animait les réunions autour de Schubert dans la Vienne du XIX° siècle. Le compositeur chérissait par-dessus tout les rapports humains qui s’étaient développés entre les membres de sa communauté, ce lien invisible qui les unissait dans la complicité de l’amitié vécue simplement et profondément, dans une compréhension mutuelle immédiate, sans artifices.
C’est pourquoi Pierre-Kaloyann a invité des artistes d’excellence qui savent rester simples et proches du public.
Côté musique, il y aura du Schubert, bien sûr, mais pas uniquement. S’il nous tiendra lieu de fil rouge avec ses plus belles pages de musique de chambre (sonate, trios, quatuors, quintette à deux violoncelle), nous retrouverons aussi Mozart, Beethoven, Schumann ou Brahms, en compagnie d’un éventail de compositeurs jusqu’à aujourd’hui.
CLASSIQUENEWS : Quels sont les 2/3 programmes forts de l’édition 2018 -2019 (ceux en particulier, emblématiques de votre ligne artistique) ?
Dire qu’il y a des « programmes forts », c’est reconnaître que les autres le seraient moins ! Et ce n’est pas l’état d’esprit de La Schubertiade ! Il nous sera donc difficile de souligner l’un ou l’autre concert car tous ont leur singularité, leur valeur, leur message à transmettre, que les artistes soient déjà de renom international ou qu’ils débutent une carrière prometteuse.
Bien sûr, on pourra souligner la venue du Quatuor Modigliani le 8 décembre, une formation de renom internationale qui a accepté de nous soutenir dans notre aventure en jouant pour cette première édition.
La participation de Frédéric Lodéon, parrain de La Schubertiade de Sceaux, pour présenter le concert inaugural le 13 octobre avec le Trio Atanassov, est importante pour l’image de marque de nos concerts. Figure emblématique, Frédéric Lodéon a ce pouvoir d’expliquer la grande musique par des mots simples, tout à fait dans l’esprit de convivialité que nous souhaitons donner à notre réalisation musicale et humaine.
Le 10 novembre 2018 est un concert tout à fait à part ; exceptionnellement, sans œuvre de Schubert. Nous avons tenu à célébrer le centenaire de l’Armistice de la Première Guerre Mondiale. Avec une création qui marie musique et mots, en compagnie du comédien Alain Carré, le Trio Atanassov rendra hommage à un musicien et compositeur de la Grande Guerre, Lucien Durosoir. C’est un spectacle qui a reçu le label de la Mission Centenaire 14-18.
Les trois autres concerts mettront la jeunesse à l’honneur côté artistes : un récital de piano avec le talentueux Guillaume Coppola le 16 février, un duo alto piano avec la jeune et prometteuse Léa Hennino le 19 janvier ; enfin pour clore cette première Schubertiade le 30 mars, l’une des œuvres emblématiques de Schubert : son extraordinaire Quintette à deux violoncelles, avec comme interprètes un jeune quatuor en pleine ascension, le Quatuor Elmire, associé à la violoncelliste Sarah Sultan.
CLASSIQUENEWS : Quelle est l’expérience que vit le spectateur / auditeur à chaque concert? En particulier, quelle expérience vit chaque jeune au sein du festival ?
Nous avons la chance d’avoir à disposition une salle idéale pour l’écoute de la musique de chambre : la salle Erwin Güldner de l’hôtel de ville de Sceaux avec une jauge de 200 places. Cela permet au public une proximité avec les artistes et respecte ainsi l’idée première de musique de « chambre ».
Nous tenons à ce que chaque concert soit présenté, pour permettre à l’auditeur d’entrer de façon encore plus intime dans l’œuvre, à travers une rapide analyse mais surtout à travers les mots des artistes qui partagent ainsi leur propre vision.
La musique de chambre, il faut le reconnaitre, n’a pas spécialement un auditoire d’enfants et de jeunes ; nous avons voulu mettre ces concerts en après-midi pour faciliter leur venue. Nous sommes persuadés que pouvoir vivre des moments musicaux de qualité tout près des artistes est la meilleure façon de les toucher.
Une autre envie et singularité de La Schubertiade de Sceaux est de faire participer le public :
J’ai déjà parlé plus haut de « A vous la scène » qui propose deux master-classes publiques couplées à deux concerts de midi à destination d’ensembles amateurs sélectionnés (19 janvier et 30 mars). Nous avons voulu donner au public l’occasion de connaitre l’envers du décor en découvrant la minutie de mise au point des musiciens.
Une autre initiative originale, « Dans la cour des poètes » permet la participation active des auditeurs en donnant la parole – ou plutôt la plume – à chacun, petit ou grand, invité à exprimer travers un poème ses impressions et émotions vécues au cours du concert. Une lecture de poèmes sélectionnés est prévue en fin de saison. Enfin, nous continuons le côté convivial en organisant un verre d’après concert entre public et artistes
CLASSIQUENEWS : Quels sont les critères qui vous ont conduit à choisir les 6 artistes / formations invité(e)s pour cette première saison ?
Je pense que nous avons répondu, en partie déjà, à cette question de critères dans la question n°2. Mais j’ajouterai un point primordial en précisant ce qu’est la clef de voûte de La Schubertiade de Sceaux et en quelque sorte son credo : la célébration de la musique de chambre.
C’est pourquoi notre directeur artistique privilégie les ensembles constitués car la musique de chambre est un art délicat et de longue haleine qui demande temps, patience et écoute : un véritable travail d’orfèvre, fruit d’un mariage subtil entre recherche et spontanéité, exigence et compromis, pour aboutir à une unité de langage qui ne gomme en rien les énergies individuelles. Le quatuor à cordes et le trio avec piano présents à quatre reprises lors de la saison en sont, sans nul doute, deux exemples privilégiés.
CLASSIQUENEWS : Pouvez-vous nous donner quelques clés pour mieux comprendre et mesurer les défis de la musique de chambre de Schubert ?
Schubert, c’est sous une apparente légèreté, un langage à la richesse extrême, une inspiration débordante, un voyage imaginaire dans l’émotionnel, moyen d’évasion pour ce compositeur qui ne quitta jamais Vienne et dont nombre de ses compositions ne furent publiées ou jouées qu’après sa mort. Schubert, c’est tous les sentiments humains exprimés dans une musique divine.
CLASSIQUENEWS : Quels aspects de sa musique les 6 concerts à venir vont-ils éclairer en particulier ?
Cette première édition présente un raccourci étonnant : en effet, à la première œuvre pour trio avec piano écrite par Schubert à l’âge de quinze ans (1812), la Sonatensatz jouée comme première œuvre au concert inaugural du 13 octobre, répondra le Quintette avec violoncelle (1828), l’œuvre ultime et poignante du compositeur, interprétée pour clore la saison lors du dernier concert le 30 mars.
Pierre-Kaloyann Atanassov a souhaité laisser les interprètes libres de choisir l’œuvre ou les œuvres de Schubert. Un choix qui présente ce compositeur dans toute sa diversité émotionnelle et instrumentale.
L’un des traits caractéristiques de Schubert est ses œuvres inachevées comme le Sonatensatz pour trio (13 octobre Trio Atanassov) ou le mouvement de quatuor à cordes Quartettsatz D 703 (8 décembre quatuor Modigliani) qui date de 1820, année au cours de laquelle Schubert n’acheva aucune de ses oeuvres.
Nous aurons aussi quelques instantanés de grâce avec les valses nobles (1827) et sentimentales (1823) pour piano (concert 16 février avec Guillaume Coppola) où, derrière l’apparente légèreté et élégance, la tristesse cachée n’est jamais loin.
Plusieurs œuvres emblématiques du compositeur sont bien sûr au programme de cette première édition comme le trio op. 100 (concert 13 octobre Trio Atanassov), la Sonate Arpeggione pour alto et piano (19 janvier Léa Hennino et PK Atanassov), la Sonate funèbre pour piano (16 février Coppola), le Quintette à deux violoncelles (30 mars 2019 par le Quatuor Elmire et Sarah Sultan). On y retrouve cet aspect bien particulier à Schubert qui emporte l’auditeur dans une joie gagnée sur la souffrance, avec cette alternance si caractéristique entre angoisse et allégresse. La programmation met en évidence la dimension fantastique, les audaces et la profondeur de sa musique.
——————————————————————————————————————————————————
SCEAUX (92, HAUST DE SEINE SUD) – La Schubertiade de Sceaux, du 13 octobre 2018 au 30 mars 2019, 6 concerts événements – la musique de chambre à Sceaux, les Samedis à 17h30, à l’Hôtel de Ville de Sceau.
LIRE notre présentation générale de La SCHUBERTIADE DE SCEAUX,
LIRE la présentation et la programmation détaillée sur le site de La Schubertiade de Sceaux 2018 – 2019
VISITEZ le site du Trio ATANASSOV, partenaire privilégié de la Schubertiade de Sceaux :
www.trioatanassov.com