vendredi 29 mars 2024

ENTRETIEN avec Adèle CHARVET, à propos de son nouvel album TEATRO SANT’ANGELO / Le Consort (1 cd Alpha classics)

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Chez Alpha classics, en complicité avec les instrumentistes aussi électriques qu’intimistes du Consort, la mezzo Adèle Charvet exprime son amour de la vocalità dramatique italienne, celle de Vivaldi et de plusieurs compositeurs que ce dernier, impresario et directeur du Théâtre San Angelo à Venise, a invités et dont il a créé les ouvrages ; l’époque est celle captivante de l’opéra, genre florissant alors dans la Venise du début XVIIIè. Le récital a sélectionné plusieurs airs lyriques, purs joyaux baroques qui fusionnent vertigineuse virtuosité, poésie pure, dramatisme incandescent. Associé à la vitalité d’un continuo efferverscent et juste, la jeune diva ressuscite ainsi plus de 10 airs en première mondiale (dont 2 de Vivaldi !), tout en dévoilant les figures oubliées d’un âge d’or de l’opéra vénitien, tels Chelleri ou Ristori ; leur acuité poétique et émotionnelle, leur sens théâtral indiquent la sûreté du goût du Vivaldi, impresario et directeur de théâtre… Ainsi renaît l’âge d’or de l’opéra vénitien, révélé avec passion et vitalité, avant que les Napolitains ne s’imposent partout en Europe. Pour Adèle Charvet, les défis de ce nouveau programme sont multiples. Décryptage pour CLASSIQUENEWS.COM

 

 

 

 

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CLASSIQUENEWS : Quels sont les critères qui ont présidé à la sélection des airs ?

Adèle CHARVET : D’abord le sujet. Celui du Vivaldi impresario qui a dirigé le Théâtre Sant’Angelo à Venise de 1705 à 1720 environ ; il y a créé ses opéras mais aussi invité de nombreux compositeurs, ce qui représente une multitude de partitions et d’auteurs encore méconnus. Cela signifie qu’il y a encore beaucoup de manuscrits inédits et à la clé, de nombreuses découvertes comme celles qui figurent dans notre album.

Ensuite nous avons choisi les morceaux pour la diversité des formations instrumentales requises : le programme comprend des airs avec seulement 3 instruments et d’autres qui réunissent un orchestre plus fourni, jusqu’à 20 instrumentistes. Nous souhaitions une palette instrumentale riche et variée, de la musique de chambre au souffle orchestral.

Enfin, ma voix : il fallait des airs qui lui conviennent, autant sur le plan de l’agilité, de la caractérisation, que de la tessiture. Nous avons conçu le programme comme un parcours en gondole ; des chansons charmantes et intimistes telles que peuvent les chanter les gondoliers à Venise, jusqu’à l’entrée à l’opéra avec les grands arias dramatiques…

 

 

CLASSIQUENEWS : Justement quel type de voix se précise à travers les airs choisis ? Quelles sont les qualités requises pour réussir leur interprétation ?

Adèle CHARVET : En réalité je souhaitais souligner ma prédilection pour le Baroque ; je chante ce répertoire depuis longtemps. Toutes les pièces offrent ce que j’aime et qui me fait plaisir : la vocalité et le caractère. Chaque air exige une technique solide, virtuose, flexible, mais aussi chaque séquence vocale soustend une intention. De ce point de vue, la palette des émotions et des sentiments est complète. Le programme comprend des airs intimistes comme le premier air d’ouverture (plage 1) « Il mio crudele amor » de Gasparini qui est la plainte d’une amoureuse trahie par son amant infidèle… ; ou la dernière pièce de Giovanni Porta : « Patrona reverita » (plage 17) ; toutes deux sont des « premières mondiales « ; notre programme en comporte 12 ! D’autres exigent une virtuosité redoutable : c’est le cas d’ « Astri aversi »/ Astres contraires… de Fortunato Chelleri, qui est avec Giovanni Alberto Ristori, un compositeur méconnu dont le tempérament est révélé dans le disque. « Astra aversi » est un air virtuose qui comprend aussi une remarquable partie pour le violon ; j’y retrouve le même feu et la même sincérité que chez Vivaldi. Chelleri sait exprimer la révolte d’une âme démunie, proie des dieux adverses.

 

 

 

 

 

CLASSIQUENEWS : Quels renseignements apporte la sélection des airs sur le Vivaldi impresario et les compositeurs dont il a créé les ouvrages au Sant’Angelo ?

Adèle CHARVET : L’activité y est foisonnante et souvent chaotique ; c’est un joyeux « bazar ». Le récital permet d’imaginer Vivaldi comme un chef d’entreprise, discutant avec ses solistes, concevant sa programmation selon un équilibre financier plutôt fragile, toujours précaire voire douteux… La période est celle où les théâtres d’opéra se multiplient, se livrant une forte concurrence ; pour chaque saison, il faut séduire un plus large public avec des moyens aléatoires. On sait par exemple que Vivaldi employait plutôt de jeunes chanteuses, car elles étaient moins chères que les castrats. On retrouve bien sûr la forme habituelle des arias da capo ; mais aux côtés des formats longs, il y a beaucoup de pièces plus réduites, qui deux fois plus courtes, savent exprimer la même intensité émotionnelle. Les airs de Ristori entre autres s’affirment ainsi par leur concision, leur richesse, leur caractère plus direct. Dramatiquement, c’est passionnant pour l’interprète.

Il existe encore un patrimoine musical inconnu à découvrir ; le nombre des manuscrits et des partitions oubliés est incroyable. D’ailleurs nous avons été surpris par la masse des airs concernés ; … et d’autant plus embêtés pour établir notre sélection. Les sources sont multiples et reflètent souvent les déplacements et la carrière diffuse des compositeurs italiens qui ont essaimé depuis le Sant-Angelo, dans toute l’Europe. Avec Olivier Fourés, spécialiste des opéras de Vivaldi et de l’opéra vénitien en général, nous avons sélectionné des partitions depuis les archives numérisées de Dresde (Ristori), et jusqu’en Suède pour Chelleri, lequel s’est établi en Allemagne puis en Suède. Le programme renseigne ainsi sur la diffusion de l’opéra vénitien en Europe, avant l’essor du style napolitain (au début des années 1730).

 

 

 

 

CLASSIQUENEWS : Et qu’en est-il du Vivaldi compositeur ?

Adèle CHARVET : Bien sûr l’œuvre vivaldienne est mieux connue ; ainsi nous avons choisi des pièces célèbres telles « Siam Navi » de L’Olimpiade, ou surtout le grand air « Sovvente il sole » d’Andromeda liberata de 1726 (avec sa partie de violon solo) ; mais figurent aussi deux arias inédits : « Ah non so, se quel ch’io sento » d’Arsilda de 1716 et « Quella bianca e tenerina » de l’Incoronazione di Dario de 1717 qui est une seynette dans l’esprit d’une blague, sur un rythme de danse enjouée ; l’air dévoile toute l’invention et les multiples facettes propres au génie vivaldien.

 

 

 

 

CLASSIQUENEWS : Quelle pourrait être la suite de ce récital lyrique baroque ? Pensez-vous à de futurs rôles sur la scène dans son prolongement ?

Adèle CHARVET : Il y a un rôle auquel je rêve depuis toujours : celui d’Ariodante de Haendel. Je trouve la musique merveilleuse. J’ai été bercée par les airs de ce chef d’œuvre de Haendel en écoutant les cantatrices qui ont abordé le personnage : Sarah Connolly, Anne Sofie von Otter, Lorraine Hunt… J’imagine aussi chanter dans le futur davantage d’opéras italien aux côtés de Mozart ou de Rossini, des mélodies et du lied.

 

 

 

 

CLASSIQUENEWS : Comment se sont déroulés le travail et les sessions d’enregistrement avec les musiciens du Consort ?

Adèle CHARVET : Nous collaborons ensemble depuis 4 ans, avec à la clé, beaucoup de concerts. Tout a été naturel et facile car ce sont de grands professionnels qui ont le sens de l’efficacité. Ce sont des travailleurs acharnés, de très fins musiciens, qui savent aussi favoriser l’improvisation, la spontanéité, et… le plaisir. Le programme est d’autant plus révélateur que sous la direction du violoniste Théotime Langlois de Swarte, le Consort a joué pour la première fois en grand effectif, en formation d’orchestre. Théotime a montré sa capacité à fédérer avec un naturel impressionnant. Le programme Sant’Angelo révèle aussi la capacité des instrumentistes du Consort à maîtriser toutes les formes : à 3 parties comme en grand effectif. Écoutez l’Adagio de la Sonate en Trio de Chelleri. C’est ma pièce préférée en réalité ; sans voix et si expressive.

 

Propos recueillis en avril 2023

 

 

 

 

 

CRITIQUE CD

LIRE ici notre critique développée du CD Teatro Sant’Angelo par Adèle Charvet et Le Consort : https://www.classiquenews.com/cd-evenement-critique-teatro-santangelo-vivaldi-chelleri-ristori-adele-charvet-le-consort-1-cd-alpha-classics/

 

CD événement, critique. TEATRO SANT’ANGELO, Vivaldi, Chelleri, Ristori…: Adèle Charvet / Le Consort (1 cd Alpha classics)

 

CONCERTS
Adèle CHARVET et Le Consort en CONCERT

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PARIS, le 3 juin 2023
Auditorium de Radio France
https://www.maisondelaradioetdelamusique.fr/evenement/musique-baroque/ouvertures-et-airs-dopera-adele-charvet

NOIRLAC, le 1er juillet 2023, 21h
Festival Les Traversées
https://www.abbayedenoirlac.fr/lagenda/traversees-samedi-1-juillet/

PAYS-BAS, Festival Wonderfeel, le 23 juillet 2023
https://wonderfeel.nl

 

 

CD événement, annonce
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LIRE aussi notre annonce du CD événement : Sant-ANGELO / Adèle Charvet / Le Consort / CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2023 :

CD événement, annonce. TEATRO SANT’ANGELO : Adèle Charvet / Le Consort (1 cd Alpha classics)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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