Ensemble Orchestral Contemporain
Daniel Kawka
Saison 2008 – 2009
Musique française
Mardi 16 décembre 2008
à 12h30 puis 20h30
Lyon, auditorium de l’Opéra
L’Amphi à midi
12h30 : Entrée libre
Présentation de l’oeuvre par Daniel Kawka
et 11 musiciens
Pierre Boulez: Dérive 2 ’
L’Amphi le soir
20h30
Daniel Kawka, direction
14 musiciens
Marc-André Dalbavie Tactus 1996 – 19’
Pierre Boulez Dérive 1 1984 – 6’
Youri Kasparov Hommage à Honegger 2005 – 10’
Philippe Leroux AAA 1995 – 17’
Journée à l’Amphi!
Mais plus qu’une séance d’apprentissage magistrale, les deux rv de la journée de ce 16 décembre 2008, offre aux 14 musiciens de l’Ensemble Orchestral Contemporain, ainsi qu’à leur chef et fondateur, Daniel Kawka; une opportunité exceptionnelle et vivante d’évoquer nos classiques du XXème siècle. Le chef au cours de la présentation à 12h30 souligne combien en chercheurs sur le timbre, Boulez (né en 1925), Dalbavie (né en 1961) et Leroux (né en 1959) créent un rapport dynamique entre temps, espace et monde environnant. De son côté, le russe Kasparov (né en 1955), amateur de sonorités et d’écritures françaises rend un hommage aux Symphonies d’Honegger. Le fil conducteur du programme demeure l’attention préservés à la résonance, aux timbres, aux répétitivités.
Daniel Kawka qui a créé le dernier opéra de G. Battistelli, Divorce à l’italienne présenté en création mondiale à l’Opéra de Nancy, à l’automne 2008, a fondé l’Ensemble Orchestral Contemporain en 1992. En quelques années, le maestro ardent défenseur des répertoires du XXème siècle et des écritures contemporaines, dans la Loire, connaît une véritable reconnaissance, ô combien méritée, à l’international, comme … chef lyrique: Tristan und Isolde de Wagner (dans la mise en scène créée à Genève d’Olivier Py que le regretté Armin Jordan avait dirigée, en juin 2009; Tannhäuser de Wagner toujours, mise en scène de Robert Carsen à l’Opéra de Rome à l’automne 2009, Wozzeck et Saint-François d’Assise à l’horizon 2009/2010… A Lyon, à la tête de son ensemble ligérien, le chef revient à ses fondamentaux, avec cette maestrià captivante propre à une approche inscrite dans l’approfondissement et l’analyse à la fois musicale, esthétique et philosophique de chaque oeuvre choisie, puis mise en perspective avec les autres. Car dans le cas de Daniel Kawka, la notion de programme ne répond pas à un simple déroulement anodin: il s’agit souvent d’une construction réfléchie dont l’écoulement naturel débouche sur de passionnantes découvertes …
De Dérives (1 et 2) en Hommage…
Les dérives, surtout Dérive 2 (2006) est une manière de mille feuilles instrumental et temporel dans lesquelles le compositeur accumule plusieurs strates de temps musical. Pierre Boulez cisèle en particulier les alliances de timbres, en constante régénération afin que l’oreille se tende au fur et à mesure de l’écoute pour y déceler tout ce qui produit ce foisonnement permanent qui fait sens. Pour 11 instruments.
Dérive 1 (1984) beacoup plus courte que sa « soeur »: Dérive 2 (qui se déroule sur circa 45mn), est une élégie fugace qui ne fait que 6 mn. Il s’agit bien selon l’habitude de Boulez de développer une idée musicale extraite d’une autre grande oeuvre, de s’intéresser particulièrement à un principe sommairement abordée dans un cycle plus vaste. Le compositeur isole et transplante ungreffon de recherche musicale pour en développer toutes les possibiltés… Pour 6 instruments, la partition créée à Londres extrapole une idée survenue pendant la composition de Répons. Boulez part de la prolifération d’une structure harmonique: série de 6 accords (à partir du cryptogramme de sir Wiilliam Glock auquel l’oeuvre est dédiée), permutés, transposés, inversés. Instrument résonant en continu, le piano fait vibrer chacune des notes de l’octave la plus basse. Tout se déploie librement en une richesse harmonique jubilatoire brusquement interrompue.
Dans Tactus (1996), Marc-André Dalbavie aborde pour la seconde fois le genre chambriste: en près de 20 mn, 5 mouvements se succèdent avec contrastes, les deux derniers étant enchaînés, grâce à un pont assuré par la note tenue par la clarinette qui emprunte sa sonorité à l’Abîme des oiseaux du Quatuor pour la fin du temps d’Olivier Messiaen. Le compositeur déconstruit la notion de temps régulier (qui est évoqué dans le titre), interroge même l’idée de désynchronisme entre temps régulier et temps musical, désaccord initiateur du rythme même. Dalbavie superpose aussi des temps différents. Comme il aime citer certains fragments de la culture musicale qui l’ont précédé: Requies de Berio dans le mouvement 2; mais aussi métamorphose et recyclage, ainsi le motif d’un thème brucknérien au cor s’emballe et prend une nouvelle autonomie. L’oeuvre a été particulièrement récompensée lors du Festival de Pâques de Salzbourg 1997.
Le triple A de Philippe Leroux dans « AAA« , pour sept instruments reprend une pièce conçue pour 4 contrôleurs à vent Midi. Le compositeur transpose des comportements musicaux propres aux sons électroniques, au domaine instrumental. Or le jeu des instruments classiques imposent des modes spécifiques qui produisent des phénomènes sonores étrangers à l’électronique. Leroux joue lui-même de la perception déformante d’un même fonds musical: « Dans un cas l’oreille s’attache surtout aux timbres, aux morphologies dynamiques
et aux couleurs harmoniques, tandis que dans l’autre c’est l’élément syntaxique qui apparaît
en premier parce que privilégié par l’unité de timbre référentiel (tout le monde a dans l’oreille les
sons de clarinette, de violon, etc.) et la prédominance des hauteurs. Dans les deux pièces, il s’agit
bien de la même musique, mais elle n’exprime pas la même chose« , précise le musicien.
En 10 minutes, Youri Kasparov rend hommage à Honegger. L’hommage composé en 2005 (Hommage à Honegger), pour l’Automne musical de Varsovie, commémore les 50 ans de la disparition du compositeur français. L’idée de la course du train, emprunté à Pacific 231, opéra d’Honegger impose sa rythmique spécifique, en un mouvement perpétuel qui compose l’attraction particulière du mouvement central, véritable pivot de l’oeuvre. Les thèmes des 5 symphonies d’Honegger apparaîssent et s’effacent dans la course générale.
Illustrations: Daniel Kawka (DR), Pierre Boulez (DR)