DVD, compte rendu critique. Youri Grigorovitch : L’Âge d’or de – Ballet du Bolchoï (1 dvd BelAir classiques). Quand le Bolchoï replonge dans sa fabuleuse histoire chorégraphique, il profite ici des 90 ans du maître de ballet, Yuri Grigorovich, son ancien directeur (30 années d’un pilotage quasi tyrannique à l’époque du régime soviétique), pour reproduire l’un de ses ballets à la fois techniquement abouti et politiquement correct : L’âge d’or (1982), véritable manifeste apparemment nostalgique d’une certaine grandeur communiste propre à l’ère stalinienne. Le sujet exploite le souffle qui naît des tableaux collectifs (que Grigorovich a toujours parfaitement organisés et réglés – cette maîtrise a fait le triomphe de son ballet Spartacus et surtout Ivan le terrible).
Les décors qui citent les Années Folles, avec citations jazzy mêlées au constructivisme russe produisent un choc esthétique qui renforce l’impact de la recréation. D’autant que dans cette manière de Music-Hall et de cabaret occidental, russifié (avec lettres cyrilliques), la danse reprend ses droits ; un art théâtral à proprement parler car Youri Grigorovich défend un style chorégraphique dramatiquement très soigné, où le corps exprime tout.
Ainsi, ce n’est pas tant l’apparente ballerine, très fluide et sobre, Nina Kaptsova dans le rôle de la femme convoitée par deux hommes (Rita) que la complice du chef de Gang Yashka, Lyuska qui captive de bout en bout : la jeune danseuse de Bolshoï, Ekaterina Krysanova, jaillit et brille par sa grâce athlétique et sa gestuelle mesurée et précise. Le jeune amoureux transi (de Rita) Boris (jeune pêcheur) ne trouve pas l’effusion tendre et sincère pourtant inscrit dans ses solos et pas de deux avec son aimée : Ruslan Skvortsov se cherche tout le ballet durant.
Mikhail LOBUKHIN, la classe superlative
Le danseur étoile ici demeure le ci-dessus nommé chef maffieux, Yashka : Mikhail Lobukhin dont la maîtrise et la grâce expressive restent simples, naturels, d’une évidente sincérité qui écarte tout maniérisme flatteur. En lui s’incarne l’idéal masculin selon Grigorovitch, une danse virile, souple et élégante qui sait suggérer sans surloyer. Le Corps de Ballet sublime la vitalité et la poésie habitée des ensembles que le chorégraphe savait transcender, véritable image d’une nation réunie, soudée, harmonieuse. On y croirait.
Pourtant Staline rejeta ce ballet trop occidentalisé, pas assez bolchévique.
La musique de Chostakovitch (jugée décadente et brouillonne à l’époque de la création), comme à son habitude, sait exprimer l’ambivalence du tableau en apparence conforme : la trépidation rythmique vire souvent à la mécanique millimétrée comme pour mieux dénoncer allusivement la déshumanisation de l’homme par un art au pas. Le dvd a le mérite de mesurer toutes les significations d’un ballet plus riche qu’il n’y paraît, postérieur aux grands succès de Grigorovich : Légende d’amour, Spartacus, Ivan… Superbe recréation. Lecture à compléter avec le DVD documentaire biographique dédié à Yuri Grigorovich, édité chez le même label.
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DVD, compte rendu critique. Yuri Grigorovich : L’âge d’or (1982). Recréation, octobre 2016, Moscou, Bolshoï. Avec Nina Kaptsova (Rita), Ruslan Skvortsov (Boris), Mikhail Lobukhin (Yashka) et Ekaterina Krysanova (Lyushka) 1 dvd BelAir classiques BAC 143 — CLIC de CLASSIQUENEWS.