Bonne nouvelle : l’opérette n’est pas morte ! Même si, en France, au cours des deux dernières décennies, des théâtres qui lui étaient consacrés ont fermé leurs portes, il en est un dernier qui résiste : l’Odéon à Marseille ! Vous partez du port où flottent les souvenirs de Pagnol, vous remontez la célèbre Canebière chantée par Vincent Scotto et, en haut, vous tombez sur une impressionnante file de gens dont la conversation est ensoleillée par l’accent marseillais. Que font là ces gens qui pourraient être pris pour un public d’un match de l’O.M. ? Il s’apprêtent à assister à une représentation de La Belle Hélène de Jacques Offenbach. Ils ont réservé leurs places des semaines à l’avance, se réjouissent déjà, savent qu’ils vont être heureux. Au pays de la Bonne mère, l’Odéon est le lieu de la bonne humeur.
Cette Belle Hélène montée par Bernard Pisani est bien sûr à cent lieues des spectacles intello où l’on se prend la tête pour imaginer les intentions du metteur en scène. Ici, tout se situe au premier degré. Le but des acteurs, du metteur en scène, du directeur (en l’occurrence l’excellent Maurice Xiberras) est quelque chose de tout simple qui échappe à tant de pros du spectacle contemporain : le désir élémentaire de rendre le public heureux.
Il faut entendre les rires et les applaudissements dans la salle. Le public est de toutes les générations. On y voit beaucoup plus de jeunes qu’on ne pourrait imaginer. Certains – les plus âgés – fredonnent « Dis moi Vénus, quel plaisir trouves-tu... » D’autres rient aux bons mots du dialogue. Telle est la gaieté lyrique. Les artistes, sur scène, appartiennent au monde si particulier de l’opérette où l’on est à la fois chanteur et comédien.
Ce jour-là Laurence Janot se trouvait en tête d’affiche. Elle incarne la Belle Hélène aussi bien vocalement que physiquement, assumant la beauté et l’intimité de son personnage dans une belle scène de bain. Dans la troupe qui l’entoure, il est difficile de faire des distinctions : ce spectacle est le succès d’un groupe. On y trouve Matthieu Justine, Marc Barrard, Philippe Ermelier, Carole Clin, Alfred Bironien, Frédéric Cornille. Il en est pourtant un qui mérite une mention spéciale : Jean-Claude Calon : à… 83 ans, il ne fait pas rimer Ménélas avec hélas – Ménélas, vous savez… l’« époux de la reine-pou de la reine » ! L’orchestre, dirigé par Didier Benetti, était composé de musiciens de l’Opéra de Marseille.
Ce jour-là, se trouvait anonymement dans la salle une spectatrice pas comme les autres, la descendante du compositeur, Tatiana Offenbach. Tous les spectacles Offenbach, en France, n’ont pas l’honneur de sa présence. A la fin, ceux qui étaient au courant de sa venue épièrent son verdict. Ravie ! Cette Belle Hélène l’avait séduite. Cela vaut tous les compliments…
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CRITIQUE, opérette. MARSEILLE, Théâtre de l’Odéon, le 23 février 2025. OFFENBACH : la Belle Hélène. L. Janot, M. Justine, J.C. Calon, M. Barrard… Bernard Pisani / Didier Benetti. Crédit photo © Christian Dresse