vendredi 8 novembre 2024

CRITIQUE, opéra. VERBIER, Tente des Combins, le 27 juillet 2023. BERG : Wozzeck. B. Skovhus, C. Nylund, C. Ventris… Verbier Festival Orchestra / L. Shani.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

30 ans ! C’est l’âge vénérable atteint par le Verbier Festival fondé (et toujours) dirigé par le suédois Martin Engström dans la très chic station de ski suisse de Verbier, où chaque été se presse le gotha de la musique classique – qui s’est d’ailleurs réuni le 24 juillet pour un concert-fleuve avec des noms aussi prestigieux que Bryn Terfel, Daniel Hope, Thomas Hampson, Daniil Trifonov, Benjamin Bernheim, Vadim Repin, Yuja Wang, Renaud Capuçon, Alexandre Kantorow…

 

Verbier 2023
Un Wozzeck ductile et envoûtant

 

Comme à chaque édition, l’opéra n’est pas oublié, et c’est autour des deux titres plutôt “osés” de The Rake’s progress de Stravinsky et Wozzeck d’Alban Berg que la mouture 2023 a mis à son affiche, en version de concert “amélioré”, les deux spectacles bénéficiant des images vidéos signées Martin Kuhn et Roger Krütli – avec l’appui de la célèbre mécène Aline Foriel-Destezet pour leur conception. Volontiers expressionnistes, les couleurs faisaient explicitement référence à la palette de Vincent Van Gogh, mais en instaurant une atmosphère angoissante et mystérieuse, avec notamment un Wozzeck ayant des allures de pantin écrasé sous le poids du destin.

Suite au forfait de la basse allemande Matthias Goerne, c’est finalement le baryton danois Bo Skovhus qui a endossé les habits du rôle-titre, avec les dons d’acteur qu’on lui connaît, et un art du chant somptueux. Les passages de “sprechgesang” sont rendus avec une précision d’intonation saisissante, mais dans les moments les plus lyriques, la voix retrouve toute sa luminosité et tout son éclat, pour rendre encore plus éloquente la souffrance de cet être broyé.

De son côté, la soprano finnoise Camilla Nylund s’investit sans retenue dans le rôle de Marie. Son soprano tour à tour tranchant ou moelleux donne corps à une sensualité oppressée, prête à éclater au grand jour. Le Tambour-Major aux rodomontades extraverties de Christopher Ventris, le Capitaine à l’extrême aigu abordé en fausset par Gerhard Siegel, et le Docteur à la basse acérée du vétéran allemand Albert Dohmen forment un terrifiant trio de tortionnaires. La Margret de la mezzo française Adèle Charvet, dont la beauté du pĥrasé et le chant velouté apparaissent presque comme décalés dans ce contexte. Une mention également pour l’Andrès de Sam Furness, et les Artisans de Matthieu Toulouse et Félix Gygli.

Par bonheur, l’interprétation musicale est également de premier ordre. A la tête du Verbier Festival Orchestra (composé de jeunes musiciens), le chef israélien Lahav Shani offre un superbe travail sur la transparence et la fluidité des couleurs. Il est parfaitement aidé par une phalange dont l’élégance et la ductilité envoûtent. Une grande soirée lyrique pour les 30 ans du Verbier Festival !

 

 

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CRITIQUE, opéra. VERBIER, tente des Combins, le 27 juillet 2023. BERG : Wozzeck. B. Skovhus, C. Nylund, C. Ventris… Verbier Festival Orchestra / L. Shani. Photo : Nicolas Brodard.

 

VIDEO : Bo Skhovus chante “Wir arme leut !” dans Wozzeck d’Alban Berg

 

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