vendredi 25 avril 2025

CRITIQUE, opéra. TOULON, Théâtre Liberté (du 10 au 14 avril 2024). MONTEVERDI : L’Incoronazione di Poppea. J. Delfs, N. Balducci, V. Bunel… Ted Huffmann / Leonardo Garcia Alarcon.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

 

C’est avec l’un des principaux succès de la mouture 2022 du Festival d’Aix-en-Provence que se poursuit la saison 23/24 de l’Opéra de Toulon, toujours hors les murs et s’expatriant (pour ce spectacle) au Théâtre Liberté (à deux encablure du bâtiment “historique”), une production du Couronnement de Poppée de Claudio Monteverdi signée par le metteur en scène new-yorkais Ted Huffman. On y retrouve la scénographie spartiate de Johannes Schütz, qui se distingue avant tout par cet énorme tube – moitié noir moitié blanc – qui reste suspendu au-dessus des protagonistes la soirée durant, comme un symbole de dualité entre le bien et le mal tout autant que leur fatal destin. Mais surtout Ted Huffman fait du vrai théâtre en musique, crée des personnages de chair et de sang, travaillés par l’ambition, et soumis à l’impitoyable dictature de leurs pulsions. Le physique des chanteurs permet de les dénuder et de faire parler leurs corps, à l’instar de la scène “trioliste” entre Poppée, Néron et Lucain, quand le duo final s’avère également d’un rare érotisme, et les deux principaux protagonistes échangent de frais baisers fougueux et passionnés.

 

 

Entièrement renouvelée par rapport aux représentations aixoises (hormis le Licteur, très bien chantant, de Yannis François), la distribution se montre du même haut niveau. A commencer par le contre-ténor italien Nicolo Balducci qui compose un Néron névrotique et sadique, avec un regard et une expression inquiétants, et qui convainc sans réserve autant par le jeu, très vif, que par le chant, d’une exceptionnelle projection. Si la soprano allemande Jasmin Delfs peut paraître un peu douce et sincère pour incarner la manipulatrice et carnassière Poppea, comment ne pas fondre devant la beauté de la voix et la musicalité sans faille de l’artiste. De son côté, la mezzo Victoire Bunel bouleverse en Ottavia, avec une intensité dans l’accent qui fait passer le frisson. Par la stature, la noblesse d’un grain profond et velouté, le sérieux inaltérable, le baryton-basse britannique Ossian Huskinson est d’emblée Seneca, avec des vocalises qui coulent de source ! Quant au jeune contre-ténor français Paul Figuier, il apporte beaucoup de relief au personnage d’Ottone, et il impressionne par une puissance vocale inhabituelle pour sa tessiture, en plus de sa remarquable présence scénique.Las, appelé à remplacer un collègue défaillant (Joel Williams), le ténor australien John Heuzenroeder (membre de la troupe du Köln Oper) chante faux et ne compense pas par ses qualités scéniques, car il n’est guère drôle dans les rôles pourtant en or des deux Nourrices (Arnalta et Nutrice). La soprano suisse (d’origine sicilienne) Laurène Paterno est une Drusilla délicieusement fruitée et le sort qui lui est réservé n’en paraît que plus cruel.  Mentionnons également la révélation que constitue L’Amore de la jeune et talentueuse soprano toulousaine Juliette Mey (Lauréate dans la catégorie “Révélation artiste lyrique de l’année” aux dernières Victoires de la Musique Classique), dorée des pieds à la tête et omniprésente ici, tandis que le Lucain de Luca Bernard et le Liberto de Sahy Ratia n’appellent aucun reproche. 

 

Dernier et principal bonheur de la soirée, le chef argentin Leonardo Garcia Alarcon (déjà en fosse à Aix) qui – à la tête de son excellente Capella Mediterranea – offre une lecture ample et charnue, souple, nerveuse et richement colorée de la magnifique partition de Monteverdi.

 

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CRITIQUE, opéra. TOULON, Théâtre Liberté (du 10 au 14 avril 2024). MONTEVERDI : L’Incoronazione di Poppea. J. Delfs, N. Balducci, V. Bunel… Ted Huffmann / Leonardo Garcia Alarcon. Photos (c) Frédéric Stephan.

 

VIDEO : Elsa Benoit et Jake Arditi interprètent « Pur ti miro » dans la production aixoise de Ted Huffman du Couronnement de Poppée de Monteverdi

 

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