Pour célébrer le centenaire de la mort de Puccini, l’Opéra national de Paris ressuscite la belle mise en scène de « Madame Butterfly » de Bob Wilson. Elle plonge la musique voluptueuse de Puccini dans l’univers japonais et minimaliste du théâtre nô. L’association des deux était inattendue : c’est le cas Puccinô !
« Butterfly » selon Wilson : le cas Puccinô !
Il ne faut pas croire que l’art de la mise en scène nécessite des installations extravagantes, des décors inouïs, des effets spéciaux d’un autre monde. Avec un seul écran blanc, Bob Wilson peut vous monter une « Madame Butterfly ». Imprégné de théâtre japonais, il vous fait défiler des personnages à petits pas serrés, il en fait passer d’autres en ombres chinoises, il fige ses chanteurs dans des attitudes de poupées de porcelaine, et voilà le résultat! Parfois l’écran ne reste pas blanc, se farde de couleurs pastel, s’ensanglante de rouge violent ou s’assombrit de bleu nuit. Mais le résultat est le même, d’un exquis raffinement. On le sait, cette mise en scène plusieurs fois reprise depuis 1993 a ses détracteurs. Préfèrent-ils les extravagances qu’on a vues ici ou là ces dernières années, ou certaines « japoniaiseries » qui nous ont été infligées dans le passé ? Tout, ici, est d’un parfait esthétisme, dégage une atmosphère de sérénité propice à l’épanouissement de la musique et du chant.Pendant l’interlude orchestral du deuxième acte, Bob Wilson attribue à l’enfant de Butterfly un rôle mimé et dansé. La scène est d’une totale poésie.
En revanche, une qui manque de poésie c’est la cheffe d’orchestre Speranza Scappucci. Contrairement aux personnages qui, sur scène, avancent à petits pas de geishas, elle fait marcher l’orchestre à grandes enjambées sans finesse. On pourrait faire beaucoup plus subtil avec un tel orchestre ! Le choeur, lui, est magnifique. La beauté du passage chanté à bouche fermée dans le deuxième acte a suscité les bravos de la salle.
Une qui a été également ovationnée c’est l’Italienne Eleonora Buratto. C’était mérité. Elle est la triomphatrice de la soirée, avec ses beaux aigus, la rondeur de sa voix, son timbre satiné. Nous avons, certes, entendu de meilleures Cio Cio San, mais elle s’impose ici en reine dans la mise en scène de Bob Wilson. Dans ce spectacle, elle se trouve entre Bob et Pop. Car Pop est le nom du ténor, interprète de Pinkerton : Stefan Pop. Il a une voix puissante qu’il émet parfois avec une certaine dureté. Son impitoyable personnage exige peut-être cela. Belle tenue, à ses côtés, de la mezzo Aude Extrémo en Suzuki ainsi que du baryton Christopher Maltman dans le rôle du consul. Carlo Bosi (Goro), Andres Cascante (Yamadori), Vartan Gabrielian (le bonze) et enfin l’Ukrainienne Sofia Anisimova (Kate) complètent cette distribution de qualité.
Et c’est ainsi qu’à la Bastille se pérennise la « Butterfly » façon Wilson.
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CRITIQUE, opéra. PARIS. Opéra Bastille, 17 septembre 2024. PUCCINI : Madama Butterfly. Eleonora Buratto, Aude Extrémo, Stefan Pop, Christopher Maltman… Robert Wilson/ Speranza Scappucci.