mercredi 12 février 2025

CRITIQUE, opéra. MONTPELLIER, Opéra Comédie, le 21 avril 2023. GLUCK : Iphigénie en Tauride. V. Santoni, J.S. Bou, V. Thill… R. Villalobos / P. Dumoussaud.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Un mois seulement après que l’Opéra National de Lorraine en a proposé (avec bonheur / mars 2023) une nouvelle mise en scène (par Silvia Paoli), Iphigénie en Tauride de Christoph Willibald Gluck était également à l’affiche de l’Opéra de Montpellier, dans une nouvelle production (en partenariat avec la Maestranza de Séville et l’Opéra Ballet des Flandres) du trublion espagnol Rafael R. Villalobos, qui a déjà monté in loco un Barbier de Séville et une Tosca, lesquels avaient fait couler pas mal d’encre…

 

 

 

 

Gluck actualisé à Montpellier
Iphigénie en … Crimée
Superbe Pylade de Valentin Thill

 

 

L’ancienne Tauride étant l’actuelle Crimée, il transpose l’action de nos jours en plein milieu du conflit armé russo-ukrainien, et la scénographie d’Emmanuele Sinisi montre un théâtre en ruine (celui de Marioupol ?), dont le plafond est éventré, un immense lustre gisant sur son sol, tandis que des réfugiés ont établi un camp de fortune à l’intérieur au milieu des débris. Oreste et Pylade, en tenues militaires kakis, en font partie, de même qu’Iphigénie – ici accoutrée d’un treillis et d’un marcel bien peu féminin… Thoas est lui une bête épaisse : on le voit brutaliser une des compagnes d’Iphigénie avant de lui arracher sa petite culotte pour se masturber ensuite au-dessus de son sexe, une scène tout à fait gratuite dont le metteur en scène aurait pu nous faire l’économie…
Mais pour « recoller » au sujet, Villalobos invoque la tragédie grecque dans deux scènes, et tout d’abord en préambule à la soirée, avant les premiers accords, avec un texte d’Euripide (en l’occurrence Iphigénie en Aulide), puis plus tard un autre de Sophocle (Electre), tous les deux déclamés et joués par des acteurs (plutôt bons). Le deuxième entraîne un changement de décors – un salon verdâtre où trône une table devant laquelle toute la famille des Atrides est réunie -, et l’on assiste à l’assassinat de Clytemnestre par Oreste, en lui tordant le coup !
Bref, un mélange de registres et de chronologie qui n’aide guère les spectateurs à retrouver leurs petits qui ne fait que rajouter à la confusion du propos qui peine à trouver une ligne directrice…

Par bonheur, la distribution vocale offre bien plus de satisfaction, hors l’Oreste vociférant de Jean-Sébastien Bou, dont on a toujours applaudi les performances tant vocales que théâtrales, mais qui ce soir pousse sa voix jusque dans des retranchement « véristes » totalement hors-propos dans la tragédie gluckistes du 18e siècle ! Du coup, c’est un peu l’histoire de « la carpe et du lapin » avec l’extraordinaire Pylade de Valentin Thill, dont on ne sait qu’admirer le plus : la beauté du timbre, le raffinement de la ligne, l’expressivité et les effusions de la voix, la vérité du personnage…
Même bonheur pour l’Iphigénie de Vannina Santoni, et si ce n’était un bas de la tessiture parfois un peu sourd, la soprano corse possède tous les atouts requis par son personnage, … une présence aussi évidente qu’éclatante. Avec sa grande voix de soprano lyrique, assez corsée, mais qui sait aussi s’éclairer de tendresse dans l’air célèbre « Ô malheureuse Iphigénie », elle est tout à la fois vierge et victime. Et il suffit d’entendre la richesse d’évocation qu’il y a dans sa façon de prononcer « Diane » (dans « Ô toi qui prolongeas mes jours ») pour mesurer la splendeur de son incarnation !
Enfin, les rôles secondaires sont également bien tenus, avec un Armando Noguera dont le Thoas met bien en valeur le superbe instrument, dans sa tessiture la plus flatteuse et percutante. La Diane de la soprano belge Louise Foor ne manque pas de séduire non plus, de même qu’un Chœur de l’Opéra national de Montpellier Occitanie qui impressionne tant par la précision de son intonation que par la pure beauté de son chant.

Dernier bonheur de la soirée, la fosse, ici magistralement menée par le jeune et talentueux chef bordelais Pierre Dumoussaud qui accomplit un travail remarquable, avec une qualité d’exécution qui n’a rien à envier aux plus célèbres formations baroques du moment (l’Orchestre National Montpellier Occitanie jouant pourtant ici sur instruments modernes…). Et la réussite est proprement éclatante, tant la noirceur des vents, l’acidité des cordes, mais surtout la direction ultra dynamique de Pierre Dumoussaud soulignent avec maestria la tristesse majestueuse et violente qui irrigue la partition de Gluck.

 

 

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CRITIQUE, opéra. MONTPELLIER, Opéra Comédie, le 21 avril 2023. GLUCK : Iphigénie en Tauride. V. Santoni, J.S. Bou, V. Thill… R. Villalobos / P. Dumoussaud. Photos (c) Marc Ginot

 

 

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VIDÉO TEASER : Iphigénie en Tauride à l’Opéra National Montpellier Occitanie

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