samedi 26 avril 2025

CRITIQUE, opéra. MONACO, Salle Garnier, le 19 février 2025. WAGNER : l’Or du Rhin. C. Purves, W. Ablinger-Sperrhacke, P. Kalman, D. Uzun… David Livermore / Gianluca Capuano

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André Peyrègne
André Peyrègne
André PEYREGNE est Président d’honneur de la Fédération Française d’Enseignement Artistique, Chroniqueur en Histoire et Musique de Nice-Matin, Collaborateur de Radio France et France Télévision et Ecrivain (son dernier livre paru : « Petites histoires de la grande musique » / Editions Desclée de Brouwer)

Parmi toutes les mises en scènes extravagantes de la Tétralogie qu’on a vues ces dernières années, voici celle de l’Or du Rhin de Davide Livermore qui est à l’affiche de l’Opéra de Monte-Carlo. On y voit rien moins qu’un crash d’avion – oui, un bon vieux Douglas bi-moteur des années trente qui s’engloutit dans le Rhin. La catastrophe survient alors qu’à l’orchestre se superposent les notes de l’arpège de mi bémol qui portent le sublime prélude de l’œuvre. Mise en scène moderne et musique sur instruments anciens vont se conjuguer pour nous donner un spectacle hors du commun, qui, doté d’une admirable distribution, s’avère totalement séduisant.   

 

Au tout début – avant le prélude musical – on voit, sur l’écran, un enfant pliant en forme d’avion la feuille sur laquelle il avait commencé à écrire. Lancée dans l’espace, cette feuille devient l’avion qui, pris dans un orage, chute et s’abîme dans le fleuve. La carlingue déchirée restera tout au long du spectacle, non seulement au fond du Rhin mais aussi, curieusement, au milieu du Walhalla et de la forge d’Alberich. Cela ressemble aux épisodes d’un immense jeu vidéo. On retrouvera l’enfant sur l’écran à plusieurs reprises mais aussi sur scène, aux côtés de Wotan. Quelles sont les symboliques de cet avion et de cet enfant ? On aura sans doute l’explication lors des épisodes suivants de la Tétralogie qu’a certainement l’intention de donner l’Opéra de Monte-Carlo au cours des saisons à venir. Les moyens techniques déployés sont considérables. Les projections vidéo en 3D sont impressionnantes. Les effets lumineux sont saisissants, notamment au moment de la découverte de l’or. Dans ce grand jeu, les dieux apparaissent en habits de soirée, entourés de serveurs en tenue. Les géants, eux, ont des allures de boucs. Quant à l’évocation du dragon, elle s’accompagne sur l’écran d’ images de villes bombardées et de défilés de troupes nazies.

Côté vocal, la distribution est superbe. Elle est dominée par l’Alberich robuste, vengeur, de Peter Kalman. Le Wotan de Christopher Purves a belle allure, s’imposant par sa noblesse plus que par sa puissance. Wolfgang Ablinger-Sperrhacke éclate dans son rôle de Loge. Il chante à un moment « Un rêve se joue-t-il de moi ? » C’est un peu ce qu’on se demande. Les deux basses robustes de David Soar et Wilhelm Schwinghammer donnent de la consistance aux géants Fasolt et Fafner. Les dieux des orages et du printemps, Donner et Froh, incarnés par Kartal Karagedik et Omer Kobiljak, ne sont pas en reste, de même que Mime chanté par Michael Laurenz. Côté féminin, Varduhi Abrahamyan, qui devait incarner Fricka, a été remplacée « à la suite d’un « incident » par Deniz Uzun, laquelle tient bien son rôle. La célèbre mezzo biélorusse Ekaterina Semenchuk, engagée pour les quelques minutes de son intervention d’Erda, déesse de la terre, y fait forte impression. « Weia! Waga! Wagalaweia! Wallala, weiala weia ! » chantent les Filles du Rhin en jouant sur l’allitération des W : Mélissa Petit, Kayleigh Decker et Alexandra Kadurina sont ces Filles aux ravissantes tenues d’ondines dont le chant a belle allure.

L’orchestre est celui des Musiciens du Prince-Monaco. Cet ensemble qu’on a connu jusqu’alors pour ses interprétations baroques fait très belle impression ici sur des instruments de l’époque de Wagner. Leur chef Gianluca Capuano réalise là un travail admirable. Un indéniable souffle wagnérien passe sur ce spectacle. Autant en emporte Wotan !

 

 

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CRITIQUE, opéra. MONACO, Salle Garnier, le 19 février 2025. WAGNER : l’Or du Rhin. C. Purves, W. Ablinger-Sperrhacke, P. Kalman, D. Uzun… David Livermore / Gianluca Capuano. Toutes les photos © Marco Borrelli

 

 

 

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