jeudi 23 janvier 2025

CRITIQUE, Opéra-Ballet. PARIS, Théâtre national de l’Opéra Comique (du 13 au 21 décembre 2024). RAMEAU : Les Fêtes d’Hébé. E. de Negri, M. Mauillon, L. Desandre, C. Auvity…. Robert Carsen / William Christie

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Pour la période des Fêtes, l’Opéra-Comique régale le public parisien en proposant une nouvelle production d’une oeuvre rare de Jean-Philippe Rameau, avec les Arts Florissants en fosse, dirigés par leur fondateur William Christie (dont on fête les 80 ans en ce mois de décembre 2024!). Le chef paraît à fait à son aise dans un répertoire qu’il connaît parfaitement, et retrouve un complice de longue date… le metteur en scène canadien Robert Carsen !

 

Opéra-ballet premier dans la catalogue du divin Rameau, « Les Fêtes d’Hébé ou Les Talents lyriques » affirment, dès 1739, un genre éclectique entre théâtre, chant et danse. C’est un type de spectacle dont la diversité des « entrées » pose un problème immédiat de cohésion ; pourtant, ici, le plan est simple et logique : les 3 entrées célèbrent les talents artistiques ainsi associés (poésie avec Sapho / musique avec Iphise et Tyrtée / danse avec Eglé). Peu d’interprètes comprennent la spécificité du genre dont l’unité découle surtout de la toute puissante musique : ses rythmes, ses rebonds, son activité réalisant le lien qui en unit toutes les parties. Sur le plan vocal s’affirme peu à peu la Sapho / Iphise de la mezzo franco-italienne Lea Desandre, vocalement très à l’aise, à la présence scénique aussi naturelle qu’évidente. Mais reconnaissons notre préférence pour l’Hébé, aussi affirmée que subtile, de l’excellente Emmanuelle de Negri, malheureusement absente dans la 2ème entrée : la soprano excelle à caractériser la figure centrale d’Hébé, déesse de la jeunesse.

 

Même sentiment pour le non moins crédible Cyril Auvity, hélas trop peu présent sur la scène, tandis que le Mercure de Marc Mauillon (entrée III) assume timbre et articulation si spécifiques au messager facétieux des dieux… ici déguisé en berger pour mieux tromper et ravir la belle Églé. La direction du grand « Bill » reste fidèle à elle-même, efficace avec de beaux passages, en particulier dans la veine héroïque et majestueuse de la 2ème entrée (apologie de la musique) où Rameau se montre particulièrement inspiré. C’est d’ailleurs cette entrée alliant dramatisme, vivacité et rythme dansant, qui fonde le succès immédiat de l’opéra (sans omettre le très bel air d’Iphise, l’un des plus émouvants de la littérature ramélienne).

 

Avouons en revanche notre réserve quant à la mise en scène de Robert Carsen, lequel nous avait habitué à davantage d’esthétisme comme de finesse. L’homme de théâtre collectionne tous les poncifs dans l’air du temps, au risque de sacrifier à la facilité, ce qui voisine souvent avec un goût douteux : pendant tout le Prologue, les acteurs n’arrêtent pas de se prendre en selfies devant le Palais de l’Élysée (avec apparition du couple présidentiel…), tandis que Vénus y est caricaturée en… influenceuse des réseaux sociaux. Les idées tournent vite à vide et les « trouvailles » restent des gadgets anecdotiques. Pas sûr que cette actualisation, répétitive à outrance, serve au mieux le théâtre de Rameau…

 

 

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CRITIQUE, Opéra-Ballet. PARIS, Théâtre national de l’Opéra Comique (du 13 au 21 décembre 2024). RAMEAU : Les Fêtes d’Hébé. E. de Negri, M. Mauillon, L. Desandre, C. Auvity…. Robert Carsen / William Christie

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