samedi 14 septembre 2024

CRITIQUE, festival. LA CÔTE SAINT-ANDRE, Festival Berlioz, le 28 août 2024. Orchestre Français des Jeunes / Elisabeth Leonskaja (piano), Kristiina Poska (direction).

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

 

Bruno Messina a tenu à placer la nouvelle édition du Festival Berlioz sous le signe de la jeunesse, avec comme titre général “Une Jeunesse européenne”, une appellation qui a tenu toute ses promesses – en cette soirée du 28 août – qui se déroulait dans la cours du Château Louis XI et qui mettait à l’affiche l’Orchestre Français de Jeunes, placé sous la direction de leur (jeune et nouvelle) cheffe : Kristiina Poska. Et comme soliste, pas une jeune fille mais une grande dame, et en l’occurrence rien moins qu’une légende du piano mondial : la pianiste russo-autrichienne Elisabeth Leonskaja (née en 1945). Après l’avoir admirée au Festival de Pâques d’Aix-en-Provence, en avril dernier (en récital solo), puis à Lisbonne deux mois plus tard (toujours en récital), c’est donc cette fois accompagnée d’une formation symphonique que nous la retrouvons. Car c’est une édition 2024 plus (pour pas dire essentiellement…) symphonique que lyrique qu’a voulu son fringant directeur, qui nous a promis cependant une place plus importante accordée à la voix et à l’opéra sur la prochaine édition, à l’été 2025. 

 

 

Après le « tour de chauffe » tout berliozien que constitue l’exécution de l’Ouverture de Benvenuto Cellini, un rien sage pour un ouvrage aussi coloré et pétaradant, c’est le Deuxième Concerto pour piano de Piotr Ilitch Tchaïkovski, autrement rare que le Premier (lui très souvent donné…), que le public était invité à écouter, sous la battue de la cheffe estonienne et sous les doigts infinis de Mme Leonskaja. Fidèle à son image (si sa consoeur Martha Argerich n’avait pas acquise avant elle son patronyme de “lionne”, voilà une image qui lui aurait bien sied !),la pianiste s’engouffre dans la partition de Tchaïkovski avec un jeu percussif parfaitement adapté, dans lequel elle enflamme l’Allegro brillante d’entrée de jeu. Mais si l’interprétation est irréprochable, de même du côté d’un orchestre répondant à la perfection à toutes les injonctions de sa cheffe, avouons que l’ouvrage apparaît comme singulièrement déséquilibrée. Ainsi, le Finale est significativement plus bref que les deux premiers mouvements, eux-mêmes d’intérêt plutôt inégal, entre clinquant et grands élans, tendresse et auto-parodie. Elisabeth Leonskaja ne s’y montre pas moins royale, et éblouit et fait fondre ensuite le public en donnant, en bis, une mémorable « Plus que lente » de Claude Debussy.

Bien plus intéressante s’avère la seconde partie du concert qui donne à entendre la fameuse Troisième Symphonie (dite “Rhénane”) de Robert Schumann. Créée en février 1851, la partition s’écoule comme un fleuve impétueux, riche en images et en couleurs qui affirme encore et toujours, un esprit rageur et combatif. Les indications en allemand soulignent la germanité du plan d’ensemble dont la vitalité revisite Mendelssohn, et l’ambition structurelle, le maître à tous : Beethoven. Paysages d’Allemagne honorés et brossés avec panache et lyrisme depuis les rives du Rhin, la Rhénane s’affirme ici – sous l’impulsion de la jeune formation enthousiaste et enthousiasmante – par son souffle suggestif. En particulier dans le Scherzo : la houle généreuse des violoncelles, aux crêtes soulignées par les flûtes, y évoque (selon Schumann lui-même) une « matinée sur le Rhin », comme l’indique le superbe contre-chant des cors dialoguant avec les hautbois aux couleurs élégantes dont l’activité gagne les cordes. Le Nicht schnell baigne dans une tranquillité pastorale qui met en lumière le très beau dialogue dans l’exposition des pupitres entre eux, surtout cordes et vents. Mais le point d’orgue de la Rhénane demeure sans conteste le 3ème épisode « Feierlich » (maestoso), dans lequel Schumann inscrit comme un emblème la grave noblesse et la solennité majestueuse de l’ensemble. L’ampleur Beethovénienne de l’écriture impose une conscience élargie, comme foudroyée… Le caractère du mouvement est celui d’un anéantissement, aboutissement d’un repli dépressif et exténué… avant que ne retentissent, comme l’indice d’un salut recouvré, les accents haletants, dansants, irrépressibles du Lebahft final. 

Et c’est un triomphe bien légitime que reçoivent tous les artisans de cette belle soirée symphonique ! Vive la Jeunesse et… l’ETERNELLE jeunesse de Mme Leonskaya !…

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CRITIQUE, festival. La Côte Saint-André, Festival Berlioz, le 28 août 2024. Orchestre Français des Jeunes / Elisabeth Leonskaja (piano), Kristiina Poska (direction). Photos (c) Bruno Moussier.

 

VIDEO : Elisabeth Leonskaja interpète l’Andantino de la Sonate D. 959 de Franz Schubert

 

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