vendredi 29 mars 2024

CRITIQUE, CONCERTS FESTIVALS 2022. Musique et MÉMOIRE, ACTES I et II, les 16,17 et 18 juillet 2022. A NOCTE TEMPORIS, EMMANUEL ARAKELIAN.

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Fleuron des festivals d’été en Franche-Comté, MUSIQUE & MÉMOIRE poursuit son compagnonnage artistique en réservant une résidence de 3 années aux ensembles retenus. Cette année, c’est la 2ème session pour l’ensemble sur instruments historiques, « a nocte temporis », collectif fondé /dirigé par le ténor lyrique Reinoud van Mechelen en complicité étroite avec la flûtiste Anna Besson [qui est aussi sa compagne hors scène]. Temps forts de leur travail 2022 dans les Vosges du Sud, deux programmes qui soulignent ce qu’un chanteur d’opéra peut apporter à l’expérience du concert baroque : l’audace dramatique et scénique, un choix de pièces originales permis par le goût du chanteur.

 

 

Musique & Mémoire
L’enchantement estival dans les VOSGES DU SUD…

 

 

 

 

 

Samedi 16 juillet 2022, LUXEUIL-LES-BAINS, Basilique Saint-Pierre et Saint-Paul. D’abord évocation du soliste favori de Rameau, Pierre de Jéliote, haute contre d’exception capable d’une agilité fulgurante pour les rôles taillés pour lui par l’illustre Dijonais, Platée en tête. Le ténor a la puissance, de somptueux aigus et une attention au texte, particulièrement convaincants. Son expérience de la scène et des productions d’opéras lui assure un métier solide, une présence naturelle, qui transmet aux instrumentistes ce goût de l’incarnation, qui assume aussi crânement la direction de l’orchestre : le geste qui a mesuré (et souvent éprouvé sur les planches), les enjeux dramatiques de chaque situation ainsi incarnée, inspire et pilote d’autant mieux, chaque musicien ; le temps de ce concert, l’église de Luxeuil s’est converti en temple lyrique, de quoi transférer la fièvre de la scène sur les planches vosgiennes.

 

Le parcours retrace les temps forts de la carrière de Jéliote à l’Opéra : d’abord, au commencement, Suivant de l’Amour dans Hippolyte (1733) ; puis les premiers rôles (« Lieux funeste » de Dardanus ; surtout Platée, d’un délire comique inénarrable dont le « Que ce Séjour est agréable » contraste à propos avec la précédent Dardanus…), Castor (« Séjour de l’éternelle paix »), sans omettre, le sublime air d’Abaris des Boréades (« Charmes trop dangereux / Que l’amour embellit la vie »)… La valeur du cycle d’extraits lyriques est de compléter ce florilège Rameau, de séquences complémentaires, tels Daphnis et Alcimadure de Mondonville (air de Daphnis, chanté en languedocien), ou le très séduisant air d’Isménias « Pourquoi cruel amour t’opposer à ma gloire » d’Ismèe et Isménias de JB de La Borde… Le curieux ou l’amateur pourra revivre le contneu de ce concert grâce au cd déjà paru chez Alpha (« Jéliote, Haute-contre de Rameau »). On ne saurait disposer d’un hommage mieux conçu.

 

Dimanche 17 juillet 2022, CORRAVILLIERS, église Saint-Jean Baptiste. Un même engagement, généreux et précis dans le choix des airs, s’affirme dans le programme constitué d’extraits de cantates de JS Bach, donné le lendemain à Corravillers. Sens du texte et articulation là encore construisent et jalonnent l’action fervente du croyant, qu’il soit submergé par l’inquiétude (« Erbarme dich! » / BWV 55) ou caressé bienheureux par la grâce de Dieu ; l’air de Simeon (« Ich habe genug » / BWV 82) totalise et exacerbe le sentiment de plénitude comme d’accomplissement et de contentement dans le parcours spirituel. Le soliste a manifestement choisi chaque air avec un goût sûr et une belle intelligence dans leurs enchaînements. L’arche tendue est jalonnée de stations vocales les unes plus ardentes et intenses que les autres avec toujours la facilité des aigus, la projection naturelle sur toute la tessiture qui transporte. Le programme est d’autant mieux connu qu’il a déjà été enregistré et publié lui aussi, soulignant ce geste lyrique et cette sûreté vocale qui singularisent aujourd’hui le ténor flamand. A ses côtés, la flûte ciselée d’Anna Besson, comme le hautbois rayonnant de Benoît Laurent apportent leur couleur et leur virtuosité, tout en complicité.

 

 

 

Lundi 18 juillet 2022, LUXEUIL-LES-BAINS, Basilique Saint-Pierre et Saint-Paul. Chaque édition de Musique & Mémoire comprend un ou plusieurs concerts qui mettent en scène, l’orgue ; à l’heure où il devient de plus en plus rare d’écouter les pièces du répertoire, comme de mesurer les ressources expressives de tel clavier historique, la programmation conçue par Fabrice Creux sait rappeler nos fondamentaux. Le concert qui fait résonner (et chanter) l’orgue XVIIè de la Basilique Saint-Pierre et Saint-Paul, son buffet et le cul de lampe, récemment restaurés, relève de cette action profitable.
C’est en définitive un récital attendu, permettant de goûter dans sa plénitude plurielle, la palette sonore et expressive du grand orgue de Luxeuil-les-Bains, perles baroques du territoire. En particulier sous les doigts, plus qu’agiles du jeune organiste Emmanuel Arakelian, soucieux de faire chanter et même danser le sublime orgue historique basilical.

 

 

 

 

Pendant le concert, l’auditeur a tout loisir d’analyser les maints détails exceptionnels de la sculpture qui orne son buffet (daté entre 1615 et 1685, porté par un atlas dans sa partie basse, et par 4 atlantes), tout autour des 3 médaillons traités en bas relief et représentant, la remise des clés à Saint-Pierre, mais aussi Cécile, patronne des musiciens, une Cécile organiste…enfin David Harpiste…
Dans un programme complet célébrant les auteurs du XVIIème, de TITELOUZE à de GRIGNY, sans omettre GUILAIN qui serait probablement Marchand lui-même, l’organiste exploite avec un sens très personnel des étagements, de l’architecture, des couleurs et dans des registrations personnelles, les immenses possibilités de l’instrument restauré par Jean Deloye, présent parmi l’auditoire.

Le jeu fait valoir le caractère opératique et dansant des pièces françaises avec chez GRIGNY, ce sens de la majesté sonore idéalement « Grand Siècle ». Pour clore ce récital qui rappelle combien Musique et Mémoire a raison de programmer le répertoire baroque d’orgue, Emmanuel Arakelian, qui a été récemment nommé (2019) organiste titulaire (par quart) de l’orgue historique de la Basilique Saint Maximin La Sainte-Baume, offre une transcription saisissante de la chaconne des Indes Galantes, belle évocation du génie français des Lumières [lui qui fut organiste sans laissé de partitions autographes pour l’instrument], dont l’écriture à la fois claire et vive, est une apothéose idéale, inventive et lumineuse, un feu d’artifice qui réveille et électrise au delà des attentes, l’orgue impressionnant de Luxeuil.

 

 

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CRITIQUE, CONCERTS FESTIVALS 2022. Musique et MÉMOIRE, ACTES I et II, les 16,17 et 18 juillet 2022. A NOCTE TEMPORIS, EMMANUEL ARAKELIAN. Photos / Festival Musique & Mémoire 2022, DR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Précédent programme élu CLIC de CLASSIQUENEWS :

France Musique. Journée Rolando Villazon, dimanche 26 mars 2017, 9h puis 20h. SECONDE CARRIERE… Après un début de carrière intense et éreintant, dédié principalement au grand répertoire lyrique verdien (Manrico du Trouvère, Rodolfo de La Traviata, le Duc de Rigoletto, …) et puccinien (Rodolfo de la Bohème), sans omettre Nemorino de l’Elixir d’amor de Donizetti (un rôle toujours défendu avec ardeur et sincérité), le ténor franco mexicain à l’ascension fulgurante, Rolando Villazon, aura appris récemment les vertus du chant classique (mozartien) et baroque (Monteverdi et Cavalli). Voilà plus de 10 ans, il découvrait avec Emmanuel Haim (2006), au fil de disque et de programme savamment construit, la langue sensuelle et expressive du premier bel canto, celui ciselé par l’inventeur de l’opéra Monteverdi. A lui, les Orfeo et Ulisse, mais aussi Testo du Combattimento : l’art de dire et de nuancer allait être un remède reconstructeur pour une voix fatiguée. En acclimatant sa puissance naturelle au service de la mesure et d’un chant plus nuancé et proche de la parole, le chanteur allait trouver les fondements d’une nouvelle carrière. Exit le vibrato continu, le jeu parfois surexposé voire surexpressif. Une nouvelle intériorité, ample et profonde, chaude et articulée a surgi, quand beaucoup parmi ses confrères (et consoeurs), s’étant brûlé la voix, ne peuvent plus prétendre à une seconde chance. Chaque été depuis 4 ans, le ténor s’implique aux côtés du chef Nézet-Séguin, dans une intégrale réunissant les plus grands opéras de Mozart, en version de concert à Baden, enregistrés live pour Deustche Grammophon : si Cosi était un peu faible, les Noces puis l’Enlèvement (Belmonte) ont nettement affirmé la valeur d’un chant reconstruit, plus stable, sûr, rond sur toute la tessiture…

La journée que lui dédie France Musique ce 26 mars 2017, souligne les apports d’un revirement intelligent et bénéfique pour une voix qui s’était perdue à force d’engagements. Le corps a ses raisons que l’esprit tend à ignorer : combien de chanteurs, surtout au début de leur carrière, acceptent les rôles et les enchaînent afin d’affirmer leur place sur un marché de plus en plus concurrentiel. Pourtant les belles voix capables de nuances dramatiques restent rares. Et l’art, si précieux, avance et murit à son propre rythme. Lenteur de l’excellence ; précipitation de notre époque.

Villazon rolandoROLANDO, NOUVEL ULYSSE ? Point fort de cette journée Rolando Villazon sur France Musique : le soir du 26 mars 2017 à 20h : Ulisse, précisément, Il ritorno d’Ulisse in patria de Monteverdi, dramma in musica créé à Venise au Teatro San Giovanni e Paolo en 1640 ou 1641, soit avant le dernier chef d’oeuvre, L’Incoronazione di Poppea. L’ouvrage est contemporain de La Didone de Cavalli, élève de Monteverdi. Ainsi le début des années 1640 marque l’âge d’or de l’opéra vénitien. Le librettiste Giacomo Badoaro s’intéresse particulièrement à la figure du héros grec parti faire la guerre de Troie, puis éreinté par un voyage de retour périlleux (confronté au chant des sirènes, en proie au doute et à l’angoisse permanente sur sa destinée et sa légitime prétention au bonheur…). Après Monteverdi, dans le Retour, Badoaro poursuit son portrait ulyssien, pour Sacrati dans un nouvel opéra Ulisse errante, précisant le profil d’un voyageur opiniâtre, déterminé, prêt à prendre des risques pour connaître le danger ; Ulysse ne connaît pas la peur… une préfiguration du héros wagnérien (Siegfried), un frère spirituel pour Oreste, dont le courage et la résistance aux épreuves forcent l’admiration. Contre Ulysse se dresse la parti de Neptune, mais Minerve veille au salut et à l’intégrité du héros souhaitant retrouver à Ithaque, son épouse Pénélope et leur fils, Télémaque, que harcèlent les prétendants, soucieux de tourner la page et épousant celle qui depuis le départ du héros à la guerre, est restée la Reine d’Ithaque. Tout le génie de Monteverdi dans son opéra est de concilier la profondeur expressive du personnage central d’Ulysse, mais aussi de satisfaire à la nouvelle mode de l’opéra payant, loisir majeur de la Cité République, où tout un chacun depuis l’inauguration du premier opéra publique, le San Cassiano en 1637, soit 3 années seulement avant l’Ulysse de Monteverdi, achète son billet pour être diverti et ébloui (actions spectaculaires, délire comique, voir ici le goinfre Iro…, machineries et transformations à l’appui…). Il en résulte un nouveau drame lyrique, à plusieurs personnages (jusqu’à une vingtaine), peu de choeurs, des situations théâtrales qui mettent en avant le texte, sur un continuo resserré à quelques instruments… En diffusant la prise de rôle de Rolando Villazon, Ulysse prometteur, France Musique souligne l’évolution notable dans la carrière du ténor au charme international. A noter dans la distribution, le ténor Mathias Vidal, excellent diseur et acteur, dans le rôle de Télémaque, le fils d’Ulysse.

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logo_france_musique_DETOUREFrance Musique, journée Rolando Villazón, dimanche 26 mars à 9h et à 20h. Le ténor franco-mexicain est à l’honneur des ondes radiophoniques, pour 2 rvs sur France Musique.

> À 9h : PLATEAU, talk show. Musique émoi / Elsa Boublil : Les Métamorphoses de Rolando Villazón. Rolando Villazon partage deux heures d’antenne hautes en couleur, s’interrogeant pour cette nouvelle rencontre sur le thème de la métamorphose : comment transcender sa propre identité, son image et sa manière d’envisager l’art ?  Pour répondre à cette question, Rolando Villazón s’est entouré de nombreux artistes reconnus pour avoir mêlé répertoires et genres…
Avec :
Emmanuelle Haïm et quelques instrumentistes du Concert d’Astrée; Emiliano Gonzalez Toro (ténor); Julie Fuchs (soprano); Sonia Wieder-Atherton (violoncelle); Simon Ghraichy (piano); Pablo Marquez (guitare); …

>> À 20h : OPERA. En clôture de cette journée, place à l’opéra avec la diffusion du Retour d’Ulysse dans sa patrie de Claudio Monteverdi, enregistré le 28 Février 2017 à PARIS, au TCE.
Le Concert de 20h : Le Retour d’Ulysse dans sa patrie de Claudio Monteverdi Opéra enregistré

Rolando Villazón : Soliste, Ulysse, Ténor
Magdalena Kozena : Soliste, Pénélope, Mezzo-soprano
Katherine Watson : Interprète, Junon, Soprano
Kresimir Spicer : Interprète, Eumée, Ténor
Anne Catherine Gillet : Interprète, L’Amour / Minerve, Soprano
Isabelle Druet : Interprète, La Fortune / Mélantho, Mezzo-soprano
Maarten Engeltjes : Interprète, La Fragilité humaine / Pisandre, Contre-ténor
Callum Thorpe : Interprète, Le Temps / Antinoüs, Baryton-basse (voix)
Lothar Odinius : Interprète, Jupiter / Amphinome, Ténor
Jean Teitgen : Interprète, Neptune, Baryton (voix)
Mathias Vidal : Interprète, Télémaque, Ténor
Emiliano Gonzales Toro : Interprète, Eurymaque, Ténor
Jörg Schneider : Interprète, Irus, Ténor
Elodie Mechain : Interprète, Euryclée, Alto (voix)
Le Concert d’Astrée : Choeur
Emmanuelle Haïm : Chef d’orchestre

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