L’orchestre invité par Les Grands Interprètes à la Halle-aux-Grains de Toulouse n’est pas comme les autres car la Staatskapelle Dresden… est le plus ancien du monde (1548) ! Sa sonorité reste unique et garde une excellence quasi indescriptible. La soliste Sol Gabetta (avec son violoncelle Goffriller) trouve des sonorités uniques. Sa musicalité est si personnelle qu’elle enivre l’auditeur le plus exigeant dans son immense répertoire. Le chef ossète Tugan Sokhiev est l’un des plus aimés tant des critiques que du public, ainsi que des orchestres en raison d’un engagement envers les musiciens hors du commun. Le programme de ce concert est par ailleurs d’une grande richesse : le Premier Concerto pour violoncelle de Dmitri Chostakovitch et la Septième Symphonie d’Anton Bruckner.
Dernier concert d’une tournée internationale, l’émotion était à son comble d’autant que Tugan Sokhiev retrouvait son public toulousain tant aimé. Dès les premières notes du Concerto de Chostakovitch, il est certain que l’interprétation sera inoubliable. Avec une musicalité suprême, Sol Gabetta s’empare de cette partition exigeante pour la faire chanter, vibrer, tonner, rugir ou languir. Elle renouvelle cette œuvre si spectaculaire écrite pour Rostropovitch en 1959. La beauté de ses sonorités comme de ses phrasés nous ensorcelle. Les nuances sont d’une subtilité extrême. La noirceur de certains passages n’en est que plus inquiétante. Tugan Sokhiev met les splendeurs de l’orchestration de Chostakovitch au service de cette version si personnelle du Concerto, lui aussi nuançant admirablement et en obtenant de l’orchestre des sonorités sublimes ou effrayantes. Le succès est retentissant et Sol Gabetta, avec le célesta, très à l’honneur dans cette partition, va donner un bis très original adapté d’un chant populaire de De Falla.
La deuxième partie du concert nous entraîne dans le monde simple et grandiose de Bruckner. Cette vaste symphonie va devenir une ode hédoniste à la nature et sa sublime grandeur. La Staatskapelle de Dresde va éblouir encore davantage par des sonorités incroyablement riches. Les cordes ont une solidité et une chaleur sublimes. Les bois plus frais que ronds offrent un complément de couleurs passionnant. Mais ce sont les cuivres qui ont une présence terriblement efficace dans cette partition qui les met à l’honneur. Le cor solo offre des moments de pure merveille, et les tutti de cuivres sont majestueux et magnifiques. La direction de Tugan Sokhiev, à main nue, sculpte le son avec une élégance infinie. Les gestes sont de plus en plus évidents, et la musique semble sortir de ses mains. Tugan Sokhiev, qui connaît parfaitement les qualités et les défauts acoustiques de la Halle-aux-Grains, construit des nuances d’une extraordinaire subtilité arrivant à des forte terrifiants sans jamais saturer.
Le public conscient de la splendeur de cette interprétation fait un triomphe aux interprètes. Rarement Les Grands Interprètes n’auront si bien mérité leur nom, et l’excellence qu’il contient. L’an prochain, Les Grands Interprètes fêteront leurs 40 ans avec faste. De très nombreux concerts porteront les marques de cette excellence !
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CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle-aux-grains, le 28 mai 2025. CHOSTAKOVITCH / BRUCKNER. Sol Gabetta (violoncelle), Orchestre de la Staatskapelle de Dresde, Tugan Sokhiev (direction). Crédit photo (c) Hubert Stoecklin