Les Grands Interprètes – avec une fibre baroque très vivace cette année – nous proposent à nouveau un concert d’exception, et si Le Bach de Raphaël Pichon nous avaient ravis, le Haendel de Laurence Equilbey en nous a pas moins enchantés !
Le magistral Messie de Laurence Equilbey
Dès la symphonie d’ouverture le geste souple et élégant de Laurence Equilbey obtient de son Insula Orchestra une interprétation vibrante, grandiose sans ostentation, avec une partie centrale d’un extrême raffinement. L’orchestre joue sur instruments d’époque, les violons sont soyeux, les bois lumineux, les trompettes et les timbales sont royales. Le Chœur Accentus reste un joyau parmi les meilleurs chœurs du monde. Chaque pupitre est idéalement équilibré avec des sopranos angéliques, des altos (mixtes) très timbrés, des ténors particulièrement élégants et des basses profondes et véloces. Chaque intervention du chœur sera un moment de pur bonheur. Les solistes ont été choisis avec grand soin. On ne présente plus Sandrine Piau dont la voix est idéale dans Haendel. Elle l’a beaucoup chanté sur scène et ses enregistrements d’airs sont parmi les plus aboutis que je connaisse par une soprano. Ce soir la voix est magnifique et la musicienne est très délicate. Ces airs sont magiques. Les parties d’alto sont confiés au contreténor Paul-Antoine Bénos-Djian. Son beau timbre riche et ambré fait merveille. C’est surtout son implication dans le texte qui est remarquable. Ses airs sont très émouvants. Le ténor anglais Stuart Jackson est idéal de tenue, de style et d’élégance vocale. Alex Rosen dans ses récitatifs et airs de basse est magistral. Timbre profond, intonation souveraine, le texte vibre dans son chant inspiré. Les vocalises si exigeantes sont incroyablement précises pour une voix de basse, et il sait les phraser avec une musicalité suprême. Ses dialogues avec la trompette sont des moments sidérants. Le soin apporté à cet équilibre vocal de solistes parfaits, ce chœur si précis, sensible et engagé et cet orchestre si vivant permettent à Laurence Equilbey d’obtenir tout ce qu’elle souhaite, et sa direction à mains nues est souple, énergique et dramatique. Son Messie est très vivant, dramatiquement très stimulant. La beauté formelle et musicale est équilibrée avec une profondeur éthique qui impressionne grandement le public qui restera très concentré tout du long. Le succès final est si vif que Laurence Equilbey nous offre de bisser le célébrissime Alléluia qui clos la deuxième partie. Lors du bis, les solistes participent ce qui amplifie encore ce moment d’exultation si prenant.
Une des plus belles interprétations du Messie qui se puisse rêver nous a été offerte ce soir. Un grand merci aux Grands Interprètes pour ce choix parfait avant Noël, comme un cadeau en avance…
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Critique. Concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 20 décembre 2023. Georg Frederich Haendel (1685-1759) : Le Messie, HWV 56. Sandrine Piau, soprano ; Paul-Antoine Bénos-Djian, contreténor ; Stuart Jackson, ténor ; Alex Rosen, basse ; Accentus, chef de chœur : Richard Wilberforce ; Insula Orchestra ; Laurence Equilbey, direction. Photo : H. Stoecklin.
VIDEO : Laurence Equilbey, Insula Orchestra et le Choeur Accentus interprètent le « Dixit Dominus » de Haendel