Depuis six ans déjà, les deux grands festivals de musique classique du Pays basque – Musique en côte Basque et l’Académie Ravel – ont fusionné pour créer une nouvelle manifestation : le Festival Ravel. Désormais placé sous la houlette conjointe des pianistes Jean-François Heisser et Bertrand Chamayou, la manifestation basque offre à son public, depuis le 23 août et jusqu’à demain 9 septembre, plus d’une vingtaine de concerts, mettant à l’affiche de prestigieux ensembles (Orchestre des Champs-Elysées, Ensemble Intercontemporain, Jerusalem Quartet, Orchestre de l’Opéra de Paris, Orchestre et Choeur du Poème Harmonique…) et solistes (les deux directeurs artistiques pour des récitals en solo ou en duo, Sol Gabetta, Patricia Kopatchinskaja, Renaud Capuçon, Karine Deshayes…). Des concerts disséminés dans les lieux les plus emblématiques de la région, comme les églises de Hendaye, de Cambo-les-Bains ou encore d’Ascain, le Théâtre de Bayonne et celui d’Anglet, ou encore l’Église St Jean Baptiste de St Jean de Luz, célèbre pour avoir abrité le mariage de Louis XIV avec l’Infante Marie-Thérèse, scellant au passage la paix avec la puissante Espagne.
Et c’est dans cette même église, font baptismal de l’ancien festival comme du nouveau, que se tenait le concert final (majeur) de l’édition 2022, avec la venue de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse, ville dont est issue Bertrand Chamayou, même si c’est son collègue Jean-François Heisser qui se charge du discours introductif – en guise de remerciement pour les 15 jours écoulés (avec une billetterie record pour cette édition !). Quelques jours plus tôt, la phalange occitane avait interprété la Symphonie fantastique de Berlioz au Festival Enescu de Bucarest, et c’est ce même ouvrage qu’elle reprend en terre basque, toujours placée sous la houlette de Josep Pons. Le chef catalan en livre une lecture particulièrement poétique et envoûtante, privilégiant les textures foisonnantes de la partition, loin de tout histrionisme malvenu. C’est merveille que d’entendre, sous sa battue, toutes les subtilités d’un ouvrage d’une prophétique modernité. Rêveries et passions sont investies d’un lyrisme et d’une chaleur débordantes, le Bal d’une légèreté jouissive et la Scène aux champs de détails bucoliques aux chatoyantes couleurs. Les deux derniers mouvements, la Marche au supplice et le Songe d’une Nuit de Sabbat convainquent tout autant par l’ironie grinçante et la sulfureuse folie que chef et orchestre y insufflent.
Dans une première partie, ce sont deux ouvrages de Ravel et Debussy qui servent de tour de chauffe, avec pour commencer la rare (et courte) Fanfare – qui sert de prélude au ballet collectif L’éventail de Jeanne, composée en 1927. Et ce sont les plus célèbres et conséquents deux premiers Nocturnes (“Nuages” et “Fêtes”) de Claude Debussy qui lui fait suite. Josep Pons donne à la texture orchestrale de Nuages une transparence presque éthérée qui fige l’image sonore, tandis que, dans Fêtes, le pupitre des cuivres rehaussé par les percussions redonne la parole à l’élan rythmique et aux sonorités chaudes. L’épisode du cortège et son effet de « travelling sonore » au milieu du mouvement est superbement réglé par le magicien des sons qu’est le directeur musical du Gran Teatro del Liceu de Barcelone qui offre en bis – sous la pression des vivats du public – la version orchestrée par Claude Debussy de la fameuse Gymnopédie n°1 d’Erik Satie.
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CRITIQUE, concert. SAINT-JEAN DE LUZ (Festival Ravel), Eglise de Saint-Jean de Luz, le 7 septembre 2023. RAVEL, DEBUSSY, BERLIOZ. Orchestre national du Capitole de Toulouse, Josep Pons (direction). Photo © Emmanuel Andrieu
VIDEO : Tugan Sokhiev dirige l’Orchestre du Capitole de Toulouse dans la Symphonie fantastique de Berlioz