lundi 28 avril 2025

CRITIQUE, concert. PARIS, INVALIDES, jeudi 23 janvier 2025. « Ici Londres » : Beethoven, Bizet, Chausson, Ravel… Orchestre symphonique de la Garde républicaine, Svetlin Roussev, violon / Bastien Stil, direction

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Somptueux (et généreux) programme présenté sous la nef de la Cathédrale Saint-Louis des Invalides, le concert du 23 janvier promettait l’éclat et le raffinement des grandes soirées symphoniques. Pari tenu et même dépassé à l’écoute de partitions qui sont autant risquées que flamboyantes.

 

 

Après une Marseillaise aussi habitée que brillante, le maestro Bastien Stil, 10ème chef de la phalange et qui dirige ce soir son premier concert de la saison, engage toutes les ressources de l’Orchestre de la Garde Républicaine dans l’ouverture « Patrie » d’un Bizet qui est en 1874, maître de ses effets et ici, (répondant à une commande de l’Orchestre Pasdeloup), à la fois conquérant voire martial mais fabuleusement miroitant ; l’écriture impérieuse et conquérante, n’écarte pas de superbes vagues d’une volupté assumée (aux violoncelles entre autres), soulignant de la part des instrumentistes, leur capacité ciselée dans la puissance comme dans le détail et la nuance.

 

Fleuron de ce programme ambitieux, le Poème pour violon et orchestre d’Ernest Chausson qui révèle toute la science de l’élève de Massenet, surtout de César Franck dont il partage le goût des harmonies raffinées, du principe cyclique avec cette allusion saisissante pour la texture miroitante, sulfureuse, vénéneuse de Wagner. La partition est d’autant plus maîtrisée qu’elle est l’une des plus tardives (1896), étonnamment rare au concert, en raison de la difficulté exigée aussi bien de l’orchestre que du soliste ; défi relevé et avec quel style par les interprètes de ce soir : la compréhension de la pièce faussement libre et improvisée (en réalité très savamment architecturée), la fluidité raffinée en partage chez tous les pupitres (de l’alto primordial à la harpe aux scintillements franckistes…), l’attention du chef aux passages harmoniques, les phrasés en nombre, l’acuité des timbres admirablement détaillés, – c’est à dire individualisés mais en communion, … la pâte globale de la phalange, d’une transparence voluptueuse tout du long, composent une soie magicienne, à la fois enivrée et construite pour le soliste, le violoniste bulgare Svetlin Roussev, au son clair et vaporeux à la fois, dont le verbe articulé, poétique, dans une sonorité comme hallucinée et suave, produit cet envoûtement tant espéré de l’auditeur. Le pouvoir et la puissance de l’amour y sont exprimés avec une ineffable intensité dont pourtant les instruments, soliste en tête, savent préserver tout le mystère intranquille. L’orchestre produit une houle texturée, ample et souple qui sous la direction du chef se fait lave incandescente et feutrée. Exquise équation magnifiquement réalisée ce soir.

 

Au mérite du violoniste vedette, revient la lecture dans le même concert, en première partie, du Concerto pour violon de Beethoven, portique majestueux de 1806, et en réalité d’une tendresse infinie, qui souligne l’un des axes du concert, l’esprit de réconciliation entre France et Allemagne. Ainsi en avril 1943, Yehudi Menuhin donnait ce même programme (d’où le titre du concert : « Ici Londres »). Les dimensions nobles et d’une lumière intérieure souvent irrésistible doivent beaucoup au sentiment qui exalte alors l’inspiration du compositeur : bien que son opéra Fidelio n’ait pas eu le succès attendu (fin mars 1806), la période est heureuse, portée par l’amour de la fiancée secrète de Ludwig, Thérèse von Brunswick. Chef et instrumentistes soulignent d’ailleurs à juste titre l’entente entre l’orchestre et la partie du violon solo, continûment habitée par un sentiment aussi dense qu’éperdu, comme suspendu dans une sérénité épanouie. Le son de Svetlin Roussev éblouit au sens strict, par sa finesse d’intonation, son sens organique du chant, sa virtuosité brillante, jamais démonstrative mais au contraire comme mesurée et toujours contenue par un admirable sens de la pudeur. Comme dans le Chausson, le Larghetto, dans l’esprit d’une romance libre, fantaisiste même, fait surgir un climat de rêve voire d’extase où brillent en particulier ce soir les cors et les clarinettes, dialoguant remarquablement avec le violon solo.

 

Fracassante et éruptive, l’ouverture « Carnaval romain » de Berlioz (1844) accomplit une conclusion idéale ; la partition crépite et envoûte de la même façon, véritable résumé de l’opéra « Benvenuto Cellini » où rayonne entre autres solistes convaincants, le cor anglais pour le chant d’amour ; c’est une fin bienvenue, festive, et si raffinée dans ses contrastes et dans le jeu des timbres ; une partition qui souligne les qualités de l’Orchestre de la Garde Républicaine : intensité, élégance, cohésion. De quoi attendre avec impatience le prochain concert symphonique du 6 février 2025, même lieu et même audace assumée dans le choix des œuvres présentées : Requiem de Tomasi et Symphonie n°2 d’Elsa Barraine. Ce qui en fait là aussi un concert-événement.

 

 

Svetlin ROUSSEV et l’Orchestre de la Garde Républicaine sous la direction de Bastien STIL  © COCAF / Invalides 2025

 

Photos : Orchestre de la Garde Républicaine / © COCAF

 

 

prochain concert aux INVALIDES

INVALIDES, Cathédrale Saint-Louis. Jeu 6 fév 2025 : Requiem de Tomasi, Symphonie n°2 « Voïna » d’Elsa Barraine. Orchestre de la Garde Républicaine, Sébastien Billard (direction) :  https://www.classiquenews.com/invalides-jeu-6-fev-2025-requiem-de-tomasi-symphonie-n2-voina-delsa-barraine-orchestre-de-la-garde-republicaine-pascal-billard-direction/

 

INVALIDES. Jeu 6 fév 2025 : Requiem de Tomasi, Symphonie n°2 « Voïna » d’Elsa Barraine. Orchestre de la Garde Républicaine, Sébastien Billard (direction)

 

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LIRE aussi notre présentation annonce du concert ICI LONDRES aux INVALIDES, le 23 janvier 2025 :
https://www.classiquenews.com/paris-invalides-jeudi-23-janvier-2025-ici-londres-beethoven-bizet-chausson-ravel-orchestre-symphonique-de-la-garde-republicaine-svetlin-roussev-violon/

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