Le printemps porte en lui l’idée de renouveau, de jeunesse, de fraîcheur, de vivacité, de limpidité. Un groupe musical possède en lui ces caractéristiques au plus haut niveau : c’est l’extraordinaire Trio Pantoum qui a clôturé le Printemps des arts de Monte-Carlo. Ce trio est un printemps à lui tout seul !
Il fallait l’entendre interpréter le Trio de Maurice Ravel. Cette œuvre est emblématique pour cet ensemble. Il a pris le nom, Pantoum, de son deuxième mouvement – forme poétique de Malaisie qui a inspiré Ravel. Nous avons rarement entendu une interprétation aussi fine, subtile, limpide, précise, transparente de cette œuvre. Le souffle d’un zéphyr passait sous leurs archets. Et ces pianissimi ! Avez-vous déjà entendu des nuances plus fines, des sons plus transparents ? Ces jeunes nous ont donné une leçon. Il fallait également les entendre dans le Quatuor pour la fin du temps d’Olivier Messiaen, dans lequel ils furent rejoints par la clarinettiste Ann Lepage. De cette œuvre créée dans les conditions atroces que l’on sait – dans un camp de prisonnier pendant la guerre – ils donnèrent une interprétation frémissante, élégante, jaillissante, inspirée, parfaite au plan de l’intonation, du phrasé, de la virtuosité. Ainsi s’enchaînèrent ces indescriptibles « Liturgie de cristal », « Vocalise de l’ange », « Fouillis d’arc en ciel » qui constituent cette œuvre. Lorsque la clarinettiste entama l’« Abîme des oiseaux », il se fit un silence dans la salle. On était accroché à son souffle. Le temps n’était peut-être pas fini. En tout cas, il était suspendu. Puis ce fut la « Louange à l’immortalité de Jésus » : à ce moment ultime de l’œuvre le chant solitaire du violon s’élève vers le ciel, accompagné de tintements angéliques du piano.
Ainsi s’achevait le Printemps des arts. Une « Fin du temps » pour une fin de « Printemps »…
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CRITIQUE, concert. MONACO, Salle Garnier, le 6 avril 2025. RAVEL : Trio / MESSIAEN : Quatuor pour la fin du temps. Trio Pantoum et Ann Lepage (clarinette). Crédit photographique © Alice Blangero