Après un programme Brahms / Chostakovitch en début du mois, l’Auditorium de Lyon a vibré cette fois entièrement sous les auspices du romantisme allemand, porté par l’excellence de l’Orchestre national de Lyon et la direction toujours aussi inspirée de leur directeur musical, le chef danois Nikolaj Szeps-Znaider. Associée à la virtuosité étincelante de la violoniste allemande Julia Fischer, cette soirée musicale a offert une interprétation mémorable de deux monuments du répertoire : le Concerto pour violon de Felix Mendelssohn et la Symphonie n°7 d’Anton Bruckner.
Dès les premières mesures du Concerto pour violon en mi mineur, op. 64 de Mendelssohn, Julia Fischer a captivé l’auditoire par son jeu à la fois puissant et délicat. Son violon (un Guadagnini de 1742) a chanté avec une clarté cristalline, épousant parfaitement la fluidité mélodique de l’œuvre. L’Allegro molto appassionato s’est déployé avec une énergie juvénile, où sa technique impeccable – doubles cordes, arpèges précis – servait une expressivité sans affectation. L’Andante a révélé une autre facette de son art : un cantabile d’une profondeur émouvante, soutenu par des interventions subtiles des bois de l’orchestre. Puis, le Finale (Allegretto non troppo – Allegro molto vivace) a emporté l’adhésion par son brio rythmique, Fischer dialoguant avec une verve joyeuse aux pupitres des cordes. A la tête de la phalange rhône-alpine, Szeps-Znaider, violoniste émérite lui-même, a dirigé avec une complicité rare, équilibrant l’orchestre en un écrin transparent pour la soliste. Les timbres chaleureux des violoncelles et la précision des pizzicati ont souligné la cohésion d’ensemble. Particulièrement acclamée, la violoniste a offert deux bis, annoncés en français : la Gavotte de la 3ème Partita de Bach, puis le diabolique 13ème Caprice de Paganaini.
Après l’entracte, la Symphonie n°7 en mi majeur de Bruckner a confirmé la maîtrise architecturale de Nikolai Szeps-Znaider. Dès l’Allegro moderato, il a sculpté les vastes arcs mélodiques avec une patience visionnaire, laissant les cuivres (notamment les quatre tubas wagnériens) rayonner sans jamais écraser les textures. L’Adagio, souvent associé à un hommage à Wagner (dont Bruckner apprit la mort pendant sa composition), fut un moment de gravité transcendante. Les longues phrases des cordes, portées par un vibrato subtil, culminaient dans un crescendo de cors et de tubas d’une intensité presque cosmique. L’émotion était palpable dans la salle, jusqu’au silence suspendu après les derniers accords. Le Scherzo, énergique et dansant, a contrasté par sa vitalité terrienne, avant que le Finale ne ramène une lumière triomphale. Szeps-Znaider a su éviter la lourdeur parfois associée à Bruckner, privilégiant des tempos fluides et une transparence des pupitres (mention spéciale aux harpes et aux bois).
Au final, standing ovation pour l’orchestre lyonnais et son chef, salués par un public lyonnais conquis. Une soirée où la musique, tour à tour intime et monumentale, a une fois de plus prouvé son pouvoir de transcendance.
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CRITIQUE, concert. LYON, Auditorium Maurice Ravel, le 26 avril. MENDELSSOHN / BRUCKNER. Orchestre national de Lyon, Julia Fischer (violon), Nikolai Szeps-Znaider (direction). Crédit photographique (c) Emmanuel Andrieu