Au lendemain de son concert d’ouverture mettant à l’affiche l’Orchestre de chambre de Lausanne dirigé par Renaud Capuçon (dans un programme 100 % Beethoven), et la veille des très attendus Troyens de Berlioz dirigés par Sir John Eliot Gardiner à la tête de son Orchestre Révolutionnaire et Romantique, le Festival Berlioz invitait Bruno Procopio et son Jeune Orchestre Rameau à fêter, aux côtés de la soprano wallonne Jodie Devos, le Maître de Dijon ainsi que le plus méconnu Antoine Dauvergne (de 30 ans son cadet).
Le Jeune Orchestre Rameau / Jodie Devos / Bruno Procopio : Que du bonheur !
Composés de jeunes instrumentistes venus du monde entier (mais encadrés par des chefs de pupitre plus chevronnés), le JOR est ainsi une formation qui a su s’adapter aux exigences, au style et à la manière d’interpréter Jean-Philippe Rameau. L’orchestre est redevable au travail du maestro franco-brésilien Bruno Procopio, architecte et maître d’œuvre de la soirée, qui entretient une véritable histoire d’amour avec le compositeur français, le plus important à nos yeux aux côtés d’Hector Berlioz. Il dirige d’une main experte les pages symphoniques des opéras au programme (Naïs, Dardanus, Les Indes Galantes, Castor et Pollux…). Et le moins que l’on puisse dire, sous sa baguette aussi fiévreuse qu’amoureuse, c’est que sa phalange a du rythme et de l’entrain : les danses, menuets, chaconnes et autres contredanses, nous soulèvent et nous entraînent – à l’instar des accents guerriers du « Bruit de guerre » extrait de Dardanus. Les extraits du “Hercule mourant” (1761) d’Antoine Dauvergne, dont nous avions eu la chance d’assister à la résurrection à l’Opéra Royal de Versailles par Christophe Rousset en 2011, complètent la partie instrumentale de la soirée. Le compositeur y honore Campra et Rameau, en soignant son orchestre et en surveillant son récitatif, mais le livret de Marmontel ne tient en revanche ni par la poésie ni par le théâtre, raisons pour lesquelles l’ouvrage fait toujours office de rareté.
Entrecoupant les morceaux purement instrumentaux, Jodie Devos défend avec autant d’ardeur que de probité les airs ramistes qui lui échoient, avec une souveraine articulation qui n’est pas le moindre des bonheurs que sa prestation offre. Cette Lakmé d’exception fait un sort à chacun de ses airs, qui assurent le grand écart entre le “Ranimez vos flambeaux” tiré des Indes galantes et l’air de déploration de Télaïre “Tristes apprêts” (dans Castor et Pollux) – qu’elle interprète avec un chant très physique qui la fait vivre pleinement ses personnages. Mais il faudra attendre son incarnation de La Folie, « Aux langueurs d’Apollon », pour que l’artiste donne la pleine mesure de son talent, car c’est alors un volcan en pleine éruption, un feu d’artifice sonore, des vocalises qui fusent, des graves tonitruants qui se tordent… qui mettent en émoi un public subjugué !
La pression redescendue, l’orchestre conclut la soirée sur la magnifique Chaconne de Naïs, avant que les artistes ne concèdent deux bis. Jodie Devos propose à nouveau l’air « L’amour vole », tiré de Zoroastre, et l’orchestre, de son côté, rejoue – pour notre plus grand bonheur – la somptueuse Chaconne finale des Indes galantes. En guise de conclusion, un concert réussi, mené par une équipe aguerrie et extrêmement bien préparée. Que du bonheur !
Jodie Devos / Bruno Procopio © classiquenews.tv
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CRITIQUE, concert. LA CÔTE SAINT-ANDRÉ, Chapelle de la Fondation des apprentis d’Auteuil, le 21 août 2023. RAMEAU / DAUVERGNE. J. Devos / Jeune Orchestre Rameau / B. Procopio. Photos (c) Emmanuel Andrieu
VIDEO : Le Jeune Orchestre Rameau interprète la « Chaconne pour tous les peuples » / extrait des « Indes galantes » de Jean-Philippe Rameau.