vendredi 25 avril 2025

CRITIQUE, concert. CLERMONT-FERRAND, Opéra-Théâtre, le 6 avril 2025. BACH : La Passion selon Saint-Matthieu. W. Güra, L. Morvan, J. Roset, G. Bridelli… Orchestre National Auvergne-Rhône-Alpes, NFM Choir, Enrico Onofri (direction)

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Ce samedi soir, l’Opéra-Théâtre de Clermont-Ferrand a vibré au rythme d’une superbe interprétation de La Passion selon Saint-Matthieu de Jean-Sébastien Bach, sous la direction inspirée du chef italien Enrico Onofri. Avec l’Orchestre National Auvergne-Rhône-Alpes, un ensemble de solistes exceptionnels et un chœur d’une précision remarquable, cette soirée s’est imposée comme un moment de grâce musicale et spirituelle.

 

Spécialiste reconnu de la musique baroque, Enrico Onofri a insufflé à cette Passion une énergie à la fois dramatique et méditative. Son approche, alliant dynamisme et sensibilité, a permis de révéler toute la richesse polyphonique de l’œuvre, tout en maintenant une tension narrative captivante. Les contrastes entre les moments introspectifs et les épisodes tumultueux (comme les turbulents turba, ces foules hostiles) étaient parfaitement maîtrisés, soulignant le génie dramatique de Bach. Sous sa baguette, l’Orchestre National Auvergne-Rhône-Alpes a déployé une palette sonore d’une grande finesse, avec des cordes chaleureuses, des bois expressifs et une basse continue à la fois souple et rigoureuse. La phalange auvergnate a par ailleurs démontré une maîtrise totale du style baroque, bien que jouant sur instruments modernes (hors un clavecin et une viole de gambe), avec des nuances subtiles et un dialogue constant avec les voix. 

Le ténor allemand Werner Güra, grand spécialiste du rôle crucial de l’Évangéliste, a livré une performance d’une intelligence musicale rare. Sa voix claire, son phrasé impeccable et son engagement dramatique ont donné à la narration une intensité presque théâtrale. Chaque récitatif était empreint d’une émotion subtile, qu’il s’agisse de décrire la trahison de Judas, le reniement de Pierre ou la crucifixion. Son timbre à la fois noble et fragile a apporté une dimension profondément humaine à ce récit sacré. De son côté, le jeune Louis Morvan, dans le rôle du Christ, a impressionné par son autorité vocale et sa présence scénique. Sa voix de basse, à la fois sombre et rayonnante, a apporté une solennité touchante aux paroles du Fils de Dieu. Son « Eli, Eli, lama sabachthani ? » (« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?« ) fut un moment d’une poignante intensité. Autour d’eux, les autres solistes ont brillé par leur excellence, à l’instar de Julie Roset (soprano) qui a ébloui par la pureté cristalline de son timbre et son agilité dans les airs, notamment « Aus Liebe will mein Heiland sterben », où sa voix semblait flotter avec une grâce angélique. L’alto italienne Giuseppina Bridelli (alto) a captivé par sa riche palette expressive, notamment dans « Erbarme dich », accompagnée d’un violon solo bouleversant, tandis que Fabien Hyon (ténor) a apporté une ferveur remarquable à ses interventions, notamment dans son « Geduld ». Enfin, Thomas Dolié (baryton) a marqué les esprits par son engagement et sa puissance dramatique, notamment dans les airs de méditation.

Quant au Chœur NFM (de Wroclaw), préparé avec rigueur par Lionel Sow, ils ont été d’une précision et d’une expressivité rares. Les turba (chœurs de la foule) étaient particulièrement saisissants, alternant entre violence et moquerie avec une énergie communicative. 

Bref, une performance qui a touché l’âme de son public… et qui ne manquera pas d’enthousiasmer le public parisien du Théâtre des Champs-Elysées où le concert sera repris ce mercredi 9 avril !…

 

 

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CRITIQUE, concert. CLERMONT-FD, Opéra-Théâtre, le 6 avril 2025. BACH : La Passion selon Saint-Matthieu. W. Güra, L. Morvan, J. Roset, G. Bridelli… Orchestre National Auvergne-Rhône-Alpes, NFM Choir, Enrico Onofri (direction). Crédit photographique © Emmanuel Andrieu

 

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