Après les émotions du concert d’ouverture (avec la phalange suédoise Musica Vitae dirigée par Benjamin Schmid), en mai dernier, le Festival dos Capuchos a offert un concert de clôture tout simplement grandiose. Pour la première fois de son histoire, le festival a déplacé sa magie symphonique dans l’écrin de verdure du majestueux Parque da Paz, le plus grand parc urbain (50 hectares !) de la municipalité d’Almada. Une initiative audacieuse couronnée d’un succès populaire retentissant, réunissant plus de 5000 mélomanes et curieux sous un ciel estival clément.
L’ambiance et la ferveur était palpable dès avant les premières notes. Le directeur artistique du festival, Felipe Pinto-Ribeiro a chaleureusement accueilli le public, soulignant la symbolique de ce concert historique dans ce havre de paix urbain. La présidente de la mairie d’Almada, Inês de Medeiros, a ensuite pris la parole, exprimant sa fierté d’accueillir un événement d’une telle envergure et réaffirmant l’engagement de la ville en faveur de la culture accessible à tous. Ces mots, empreints d’enthousiasme et de vision, ont parfaitement préparé le terrain pour la musique à venir.
Sous la direction énergique et précise du jeune chef portugais Pedro Neves, son directeur musical, l’Orchestre Métropolitain de Lisbonne (protégé sous une grande tente emménagée) a immédiatement captivé l’immense auditoire avec l’Ouverture de Guillaume Tell de Gioachino Rossini. Dès l’évocation poétique de l’aube alpine (les violoncelles d’une sérénité remarquable), jusqu’à la célébrissime chevauchée finale, l’orchestre a démontré une cohésion et une vitalité exemplaires. Neves a parfaitement dosé les contrastes dynamiques et les changements de tempo, restituant toute la dramaturgie et la virtuosité orchestrale de ce chef-d’œuvre rossinien.
Le programme a ensuite pris une tournure plus dansante avec deux Danses Hongroises de Johannes Brahms (les n°5 et n°6, cette dernière dans l’orchestration rutilante d’Albert Parlow). Le n°5, si familier, a swingué avec un lyrisme généreux et un sens du rubato parfaitement maîtrisé. Le n°6, plus véloce et incisif, a permis aux cordes de briller par leur agilité et aux cuivres de montrer leur éclat sans rudesse. L’OML a savoureusement restitué les couleurs tziganes et le caractère improvisé de ces pièces, sous les applaudissements nourris du public.
Mais le cœur de la soirée était sans conteste la monumentale Symphonie n°9 « dite Du Nouveau Monde » d’Antonín Dvořák. Pedro Neves et son orchestre nous ont offert une lecture d’une grande maturité et d’une profonde émotion. Dès le mouvement initial (Adagio – Allegro molto), la puissance maîtrisée et la clarté des lignes ont impressionné. Le célèbre Largo (« Going Home ») a été un moment de pure grâce : le cor anglais (mention spéciale au soliste) a déployé une mélodie d’une poignante beauté, soutenu par des cordes d’une douceur et d’une plénitude remarquables. Le Scherzo (Molto vivace) a fait preuve d’une énergie folle et d’une précision rythmique électrisante, tandis que le Finale (Allegro con fuoco) a déchaîné toute la puissance et la richesse de l’orchestre, dans une construction dramatique implacable menée de main de maître par Neves. L’interprétation, tout en respectant la structure classique, a su insuffler une vitalité et une fraîcheur communicatives, soulignant à la fois les échos de la musique tchèque et les influences américaines perçues par Dvořák.
L’ovation debout, immédiate, tonitruante et prolongée, fut à la mesure de l’émotion partagée. Le public, transporté, n’avait nullement envie de quitter ce parc envoûté par la musique. En réponse à cette ferveur, Pedro Neves et l’Orchestre Métropolitain ont offert un bis parfaitement choisi : la Marche de Radetzky de Johann Strauss père. Ce tube viennois, lancé avec panache par les percussions, a été de suite repris en cœur par un public ravi (Neves encourageant les battements de mains avec un sourire). Bref, une conclusion festive, joyeuse et profondément unificatrice, dans la plus pure tradition des concerts en plein air et une véritable fête de la musique sous les étoiles d’Almada.
Un triomphe qui promet un bel avenir aux éditions à venir du Festival dos Capuchos !
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CRITIQUE, concert. ALMADA (Portugal), Concert de clôture du 5ème Festival de Musica dos Capuchos (Parc de la Paix), le 22 juin 2025. ROSSINI / BRAHMS / DVORAK. Orchestre Métropolitain de Lisbonne, Pedro Neves (direction). Crédit photo © Andreia Carvalho