jeudi 18 avril 2024

CRITIQUE CD événement. STRADELLA : Amare e fingere (Andrea De Carlo / Mare Nostrum 2 cd Arcana)

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CRITIQUE CD événement. STRADELLA : Amare e fingere (Andrea De Carlo / Mare Nostrum 2 cd Aracana) – Le drame a été commandé par la famille Chigi à Rome, mais créé à Sienne en 1676, résidence de villégiature et ville natale de Flavio Chigi, grand mécène de Stradella. Le livret pourrait être de la plume de Giovanni Filippo Apollini, écrivain au service des Chigi à Rome et déjà auteur pour Cesti, de l’Argia, La Dori, voire L’impio punito de Melani. Amare e Fingere montre la facilité dramatique et lyrique de Stradella à Rome, rival célébré des autres compositeurs Pasqualini, Melani et Agostini. Stradella s’impose par sa capacité à exprimer les vertiges du cœur humain, au sein d’un quatuor individuel à l’épreuve du désir et de l’amour contrarié.

 

 

 

Résurrection totale et révélation d’un opéra inconnu de Stradella

 

L’intrigue d’Amare e fingere (aimer et simuler) cultive les fausses identités de départ, tisse un écheveau complexe où s’entremêle les passions croisées et souvent douloureuses, avant que la vérité ne surgisse dans le dévoilement des vraies personnalités ; ainsi la sœur recherchée par Artaban (Prince de perse devenu Philène), Despina, est en vérité Cloris, la suivante de la reine d’Arabie, Oronte, laquelle revient aux affaires et accepte in fine toutes les obligations de sa charge. Après la confusion et la dissimulation, place à la responsabilisation et à l’équilibre. L’intrigue peut enfin se dénouer sur l’union des deux couples : Rosalbo / Coraspe avec Despina / Cloris ; Artaban / Philène avec Oronte / Célia. 

Déjà Stradella avant Mozart (Cosi fan tutte) imagine un labyrinthe des cœurs où les attractions et les désirs contreviennent à la bienséance ou au devoir. Le vrai sujet ici est le parcours sentimental et les confrontations de toute sorte, riche en quiproquos et vertiges des sentiments… de toute évidence, une intrigue et un goût pour les coups de théâtre multiples au diapason d’une vie « caravagesque » celle de l’auteur lui-même, fuyant Venise avec la jeune fille d’un patricien, leur fuite à Turin puis à Gênes où il est assassiné … A présent que l’on sait sa date de naissance enfin fixée – Stradella est né à Bologne en 1643, sa formation musicale à Rome comme protégé des Della Rovere est désormais attestée. L’opéra recréé par Andrea De Carlo souligne la force créative de son auteur et sa place singulière dans le paysage romain. 

Andrea De Carlo poursuit son exploration féconde en révélant plusieurs drames inédits de Stradella, personnalité décidément majeur dans l’évolution de l’opéra romain du plein XVIIè. On pensait que l’importance des chœurs était l’emblème de l’opéra romain ; que nenni : ici triomphe l’individualité qui souffre mais dans les épreuves subies, révèle sa vraie nature et son identité réelle en fin de drame. En outre, les rôles « secondaires » comiques (Silvano, Erinda) révèle une connaissance aigüe de l’opéra vénitien, habile à mêler les genres, sentimental et comique, tragique et cynique. L’analyse des airs qui se succèdent, laisse mesurer l’agilité de Stradella, inspiré dans l’effusion fugace (chaque air ne dépasse pas 2mn40), de quoi cristalliser l’intensité d’un sentiment comme l’épanchement fulgurant d’une bambochade rapide, aussi brûlante qu’éphémère.

La distribution comme c’est le cas de tous les déjà nombreux enregistrements réalisés (Amare e fingere est le 7è enregistrement Stradella à l’initiative du chef Andrea De Carlo), convainc par sa cohérence et la juste caractérisation des personnages. Sur le plan vocal, le baryton, souple et sobre, percutant, articulé, Mauro Borgioni (Artaban / Philène) tire son épingle du jeu : mordant et palpitant : de bout en convaincant. Rien à regretter des autres chanteurs : tous défendent et réussissent le profil de leur caractère, soulignant l’acuité émotionnelle de chaque situation. D’autant que l’on dénombre au moins 10 aria a 2, et au moins 2 cori a 4… Le continuo ciselé, vivace, souvent percutant et souple affirme l’affinité d’Andrea De Carlo et son ensemble Mare Nostrum avec le théâtre vif argent, volubile de Stradella. La sensibilité des interprètes accrédite la justesse de cette première mondiale, redécouverte absolue, qui fait suite à La Doriclea, précédente perle stradellienne ainsi révélée. Magistral défrichement.

 

 

Enregistré en nov 2018 à Herne (Allemagne)   –   Plus d’infos sur le site de l’éditeur Arcana / Outhere : https://outhere-music.com/fr/albums/stradella-amare-e-fingere

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