COMPTE-RENDUS, concerts. GSTAAD, New Year Music Festival, les 4 & 5 janv 2019. JS BACH: N Stutzmann, A Kapelis.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique et à l’opéra - et notamment avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Compte-rendu, concerts. New Year Gstaad Festival, Eglises de Rougemont et Lauenen, les 4 & 5 janvier 2019. Nathalie Stutzmann, Leon Kosavic et l’Ensemble Orfeo 55 (Rougemont), puis Aleksandros Kapelis et les Barock Solisten du Berliner Philharmoniker (Lauenen) dans des œuvres de J. S. Bach. La musique classique à Gstaad, ce n’est pas seulement le célèbre Menuhin Festival en période estivale et les Sommets Musicaux fin janvier, c’est aussi le Gstaad New Year Music Festival, manifestation fondée et inlassablement défendue par la Princesse Caroline Murat, une des arrière-petites-nièces de Napoléon 1er, installée dans la célèbre station alpine, pianiste renommée, mais également co-fondatrice des non moins fameux Festival de Verbier et Sommets Musicaux susnommés. Chaque année, depuis treize ans maintenant, la Princesse mélomane invite les grands noms de la musique classique et du chant lyrique, cette nouvelle édition n’échappant pas à la règle avec des artistes de grande renommée tels que Paul Gulda, Nino Machaidze, Michel Dalberto, Edwin Crossley-Mercer, ou encore la célèbre alto française Nathalie Stutzmann que nous avons pu entendre, ce 4 janvier 2019, – aux côtés du magnifique baryton-basse croate Leon Kosavic et dans un programme d’arias extraites de Cantates du Cantor de Leipzig – dans la ravissante église de Rougemont (à l’instar du Festival Menuhin et des Sommets Musicaux, les concerts ont lieu essentiellement dans les diverses petites églises du Saanenland).

stutzmann nathalie schubert lieder IMG_0389-Nathalie-RT-Warmer_(c)_Simon_Fowler-480Nommée  » Chevalier de l’Ordre de la Légion d’Honneur  » quelques jours plus tôt, Nathalie Stutzmann est venue avec l’ensemble (baroque) qu’elle a fondé il y a maintenant 10 ans, l’excellent Orfeo 55, et l’on devra d’abord saluer la cohérence et la pertinence d’un programme tout en nuances, qui permet de faire goûter à l’audience les différentes facettes du génie de Bach. Pour mettre en valeur sa phalange, et faire apprécier au public très chic et international de Gstaad sa grande qualité artistique, c’est par la Sinfonia de la Cantate BWV 42 que débute la soirée. Et si l’intériorité et la spiritualité de Bach sont bien entendu au rendez-vous, la sensualité de sa musique est également mise ici en avant. Ainsi, après le touchant et mélancolique « Vergnüte ruh » (BWV 170), c’est l’air « Getrost ! » – extrait de la Cantate BWV 133 – qu’elle délivre, avec des vocalises aussi ardues à exécuter que jubilatoires à écouter.
KOSAVIC LEON BARYTON portrait concert par classiquenews gstaad 2019 3.jpg__300x300_q90_crop_subsampling-2_upscaleSon collègue masculin, –Leon Kosavic, prend ensuite le relais avec les arie « Ich will den Kreuzstab gerne tragen » (BWV 56) et « Jesus ist ein Schild » (BWV 56). Le jeune chanteur, que nous avions découvert dans Les Noces de Figaro à Liège, la saison dernière, possède toutes les qualités requises pour rendre justice à cette page. Son baryton souple et flexible le destine tout naturellement aux airs de bravoure dont les redoutables vocalises ne lui posent aucune difficulté, ni en précision ni en justesse. Le velours du timbre en fait également l’interprète idéal des pages plus contemplatives, soutenues par un legato de miel. S’il n’existe pas de duo écrit par Bach pour leur typologie de voix respective, les compères ont contourné le problème grâce à l’air extrait du fameux Actus Tragicus « In deine Hände » (BWV 106) dans lequel un alto et un baryton interviennent bel et bien, mais chacun à leur tour.
La soirée se termine par le célébrissime « Ich habe genug » (BWV 82), que se réserve Nathalie Stutzmann, et dont elle fait un moment hautement spirituel. L’alto incarne au plus profond le personnage de Siméon qui peut mourir en paix après avoir rencontré un Messie qu’il avait attendu sa vie durant. Avec la délicatesse et la douceur du hautbois solo de l’ensemble, telle une présence séraphique au côté du prophète, la cantilène de l’un vient poursuivre les contemplations de l’autre. A ce moment précis, nous sommes alors bien loin d’une appréciation de performance vocale, mais bien dans l’entendement du Mystère de la Purification tel que le génial compositeur allemand l’avait décrit…

Le lendemain soir, – 5 janvier 2019, c’est à nouveau avec Bach que nous avions rendez-vous, mais cette fois dans la non moins charmante (et voisine) église de Lauenen, pour un programme entièrement instrumental cette fois, avec rien moins que les Barock Solisten du Berliner Philharmoniker (et le pianiste grec Alexandros Kapelis) pour une intégrale des concerti pour clavier et cordes. Bach a composé les Cinq Concerti BWV 1052 à 1056 pendant son séjour à Leipzig, une période pendant laquelle il s’était vu confier la direction des concerts du Collegium Musicum.

 

 

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Il se devait de fournir un répertoire sans cesse renouvelé et, s’agissant de la musique pour clavier, de répondre aux besoins de ses propres fils – pianistes émérites – lorsque ces derniers se produisaient dans ces mêmes concerts. Il fallait donc fournir, et, à cette fin, le musicien eut recours à une méthode qui lui était familière, consistant à reprendre et adapter quelques-unes de ses compositions antérieures, dans ce cas précis principalement des concertos pour violon. Face à un accompagnement aussi dynamique que luxueux, Kapelis souffle le chaud et le froid, selon qu’il s’attaque aux mouvements lents ou rapides. Avec un touché rond, un phrasé lumineux, étiré, soutenu (Larghetto du la majeur BWV 1055) et un lyrisme sans affectation (Adagio du fa mineur BWV 1056), il parvient à donner le ton et donner la vie à ces moments de douceur, qui sont autant de moments suspendus. Mais dès que la virtuosité est de mise, dans les parties rapides, le pianiste « accroche » (frôle les touches d’à côté), voire esquive certaines notes pour suivre le diabolique tempo imposé par un orchestre dont la virtuosité (de son côté) est sans faille. Le public ne semble cependant pas lui en tenir rigueur et lui fait une fête à l’issue du marathon pianistique dont relevait la soirée !

 
  

 

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Compte-rendu, concerts. New Year Gstaad Festival, Eglises de Rougemont et Lauenen, les 4 & 5 janvier 2019. Nathalie Stutzmann, Leon Kosavic et l’Ensemble Orfeo 55 (Rougemont), puis Aleksandros Kapelis et les Barock Solisten du Berliner Philharmoniker (Lauenen) dans des œuvres de J. S. Bach.

 

  

 

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