mardi 16 avril 2024

COMPTE-RENDU, opéra. STRASBOURG, ONR, 18 sept 2019. VENABLES : 4.48 psychosis. R Baker / T Huffman

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COMPTE-RENDU, opéra. STRASBOURG, Opéra National du Rhin, 18 septembre 2019. 4.48 psychosis. Philip Venables, compositeur. Gweneth-Ann Rand, Susanna Hurrell, Lucy Schaufer… Membres de l’orchestre philharmonique de Strasbourg. Richard Baker, direction. Ted Huffman, mise en scène. Création française de l’opéra contemporain « 4.48 psychosis » du compositeur queer Philip Venables, livret d’après le texte éponyme de l’auteure anglaise Sarah Kane. La création française est assurée par le chef d’orchestre Richard Baker, dirigeant chanteuses et instrumentistes (un ensemble composé des membres de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg). Seulement trois ans après sa création mondiale au Covent Garden à Londres (2016), nous avons droit à cette œuvre de grande justesse et intensité enfin sur le sol français !

 

« At 4.48, when depression visits, I shall hang myself »

/ à 4h48, quand viendra la dépression, je me pendrai…
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Difficile de se réjouir du suicide de Sarah Kane, à 28 ans. Son opus posthume « 4.48 psychosis » fut notamment décrié à sa création, parce qu’il a paru impossible à un critique de commenter ce qu’il considérait comme une « note de suicide de 75 minutes ». Que les temps ont changé ! Non seulement il s’agît ici de la toute première œuvre lyrique sur un texte de Sarah Kane approuvé par sa famille ; les talents concertés pour l’occasion relèvent de la sérendipité, tellement c’est harmonieux.

Philip Venables met en musique le texte particulier de Sarah Kane dans une succession de 24 scènes, sans véritable fil conducteur à l’instar de la pièce originale. Si tout essai pour expliquer le contenu ou la forme de l’œuvre serait une réduction, nous pouvons dire qu’il s’agît d’une sorte d’exposition des états psycho-émotionnelles de la psychose, un regard subjectif des différents visages de la dépression, un commentaire social d’une grande pertinence, interprété par 6 chanteuses et 12 instrumentistes, sur une scène dépurée et dédoublée où sont projetés parfois les paroles de la pièce. La scène est dédoublée dans le sens où les musiciens se trouvent en hauteur, derrière le plateau, la fosse d’orchestre est condamnée. Si la mise en scène de Ted Huffman peut paraître minimale sur le plan scénographique (une tables, quelques chaises…), le travail d’acteur est poussé au paroxysme et bouleverse l’auditoire.

 

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S’agissant d’un opéra contemporain avec recours aux collages électroniques et d’autres procédés de notre temps, nous ne pouvons que nous réjouir de l’ingéniosité percutante et très intéressante du compositeur. Remarquons l’effet de synesthésie linguistique qu’il suscite par exemple quand il fait dire/lire aux percussions le dialogue projeté sur la scène basse au fond blanc (deux percussionnistes sur la scène haute « jouent » le texte, souvent par syllabes). Saluons l’implacable performance des six chanteuses sur scène, qui bougent en permanence, et dont la partition est redoutable. A l’investissement dramatique et théâtral se joigne une intensité musicale indéniable. La chanteuse qui mène le bateau ici : la soprano Gweneth-Ann Rand ; sa force expressive et sa dextérité dans l’instrument laissent pantois. Elle a joué à la création mondiale, tout comme la soprano Susanna Hurrell et la mezzo-soprano Lucy Schaufer, également sur scène ce soir. L’incroyable sextuor de la première française se compose également de Robyn Allegra Parton, soprano et de Samantha Price et Rachael Lloyd, mezzo-sopranos.

Parmi les spécificités musicales de la partition, dans la lignée de la tradition anglaise depuis Purcell, distinguons des textes parlés bien rythmés et à un lyrisme ponctuel, au milieu du brouhaha expressif à souhait, et plutôt gentil pour l’ouïe, qui n’est pas sans rappeler sporadiquement la Seconde École de Vienne, particulièrement Webern.

 

Une expérience lyrique inoubliable pour adultes, avec des équipes engageantes et engagées sur tous les fronts. L’œuvre mérite d’être reprise et popularisée. A découvrir ! Uniquement à l’Opéra National du Rhin, à Strasbourg les 20, 21 et 22 septembre 2019. Illustrations : photos © K Beck / opéra national du Rhin / ONR 2019

 

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