mardi 16 avril 2024

Compte rendu, opéra. Paris. Opéra Bastille, le 23 juin 2015. Cilea : Adriana Lecouvreur. Angela Gheorghiu, Marcelo Alvarez, Luciana D’intino, Alessandro Corbelli… Choeur et Orchestre de l’Opéra National de Paris. Daniel Oren, direction. David McVicar, mise en scène.

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Le plus élégant des vérismes revient à l’Opéra de Paris cet été avec la reprise d’Adriana Lecouvreur de Francesco Cilea ! La production du metteur en scène Ecossais David McVicar dispose d’une distribution étoilée fabuleuse à souhait, avec nulle autre que l’Angela Gheorghiu dans le rôle-titre et les belles personnalités d’une Luciana D’Intino, d’un Alessandro Corbelli ou d’un Raul Giménez, entre autres. La musique passionnante et raffinée est interprétée par l’orchestre et les choeurs de la maison, dirigée par Daniel Oren. Un palpitant cadeau musical pour une soirée d’été !

Cilea : l’élégance romantique revisitée

cilea francesco adriana lecouvreur 300Francesco Cilea est un compositeur que l’on entend peu. Or, il s’agît du plus raffiné et sensible représentant des dits « véristes » italiens. Un titre qui lui sied plus ou moins bien. Il est juste dans le sens où le compositeur cherche à mettre en musique la vie de ses personnages, et pour se faire le sentiment prime toujours sur la forme. Mais il est quelque peu injuste puisque avec Adriana Lecouvreur de Cilea, nous ne sommes pas devant une œuvre qui sacrifie tout à l’effet et qui abuse d’un bel canto conventionnel et outré, comme c’est le cas chez d’autres véristes de première et seconde zone… L’héroïne de l’opéra est un personnage historique, l’une des grandes interprètes de Corneille et de Racine, et une
amie intime de Voltaire. Elle a vécu de 1692 à 1730. Le livret d’après la pièce de Scribe pimente l’histoire véridique avec la mort de l’actrice, une scène finale, magistrale pleine de panache. En vérité, nous ne connaissons pas la cause de la mort inattendue de l’actrice tant regrettée à son époque. L’histoire de sa rivalité amoureuse avec une Princesse et son empoisonnement par elle est une construction romantique … tout à fait délicieuse !

 

 

 

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Délicieuse, savoureuse, surtout touchante est la prestation de toute la distribution ce soir (ou presque!). Nul autre qu’Angela Gheorghiu interprète le rôle-titre. Un des ses personnages fétiches qui lui va toujours très bien, malgré les plaintes exagérées et plutôt injustifiées des quelques journalistes qui semblaient ne pas pouvoir (vouloir?) entendre son souffle (certes, moins puissant qu’auparavant, mais toujours présent) ni son bellissime legato, une chose rare. Elle a dans ce rôle une prestance extraordinaire. Si elle aurait pu être plus imposante lors du récit de Phèdre à l’acte III, elle touche profondément l’auditoire dans la totalité du IVe. La Princesse de Bouillon de la mezzo Luciana D’Intino est une rivale digne de ce nom. Elle est impressionnante sur scène et son duo avec Adriana au IIe acte est l’un des moments forts, l’un des plus palpitants. Le Maurizio du ténor Marcelo Alvarez est aussi convaincant, mais dans une moindre mesure cependant. Il fait preuve de délicieuses nuances vocales et son émission est correcte. Souvent ovationné par le public (comme la Gheorghiu d’ailleurs), il est davantage crédible dans son quiproquo amoureux et son partage sentimental juvénile. Félicitons fortement l’Abbé de Raul Giménez, à la voix large et au beau timbre, et surtout le Michonnet d’Alessandro Corbelli, dont l’excellentissime prestation vocale et scénique restera dans les annales.

La performance de l’orchestre maison sous la direction de Daniel Oren est également remarquable, voire extraordinaire. La tension est omniprésente en grand partie grâce aux nuances de sa lecture, riche en effets, certes, mais elle surtout d’une incroyable efficacité dramatique, plein de tension (chose peu évidente pour une œuvre de 4 actes avec deux entractes et un très très long précipité). Les piani des cordes frémissantes, la justesse des cuivres et la finesse des bois… Tout y est présent pour notre plus grand bonheur. Quant à la mise en scène de David McVicar, elle est très claire et efficace, tout en composant un véritable tableau visuel, fastueux et grandiloquent. Nous y trouvons un ballet comique, du théâtre dans le théâtre, de la tension dramaturgique et de l’émotion à fleur de peau, parfois facile mais jamais compassé ni ennuyeux ! Le travail d’acteur est lui aussi remarquable. Si nous aurions préféré une autre solution pour le long précipité de 7 minutes entre les deux premiers actes, la production demeure extrêmement satisfaisante et franchement réussie.

A voir absolument à l’Opéra Bastille encore le 29 juin, et les 3, 6, 9, 12 et 15 juillet 2015.

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