vendredi 25 avril 2025

COMPTE-RENDU, opéra, METZ, le 18 mai 2019. LEGRAND-LETERME : Les Parapluies de Cherbourg.

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les_parapluies_de_cherbourg_c_gael_bros_5COMPTE-RENDU, opéra, METZ, Opéra Théâtre Metz Métropole, le 18 mai 2019. LEGRAND-LETERME : Les Parapluies de Cherbourg. Réalisme poétique, esthétique de roman-photo, romance prisée des midinettes des sixties ? Peu importe. La récente disparition de Michel Legrand a été l’occasion pour beaucoup de découvrir l’œuvre multiforme de ce grand monsieur, dont ces célèbres Parapluies de Cherbourg, palme d’or du Festival de Cannes 1964. L’histoire est connue : Geneviève et sa mère tiennent un magasin de parapluies, qui périclite. La jeune fille aime Guy, qui travaille dans un garage. Celui-ci est appelé pour deux ans en Algérie. Enceinte et poussée par sa mère, celle-ci épouse Roland, riche bijoutier. Guy revient, blessé durant la guerre… Patrick Leterme a réalisé cette transposition lyrique du film de Jacques Demy pour une coproduction bienvenue du Palais de Beaux-Arts de Charleroi, de l’Opéra de Reims et de la Compagnie Ars Lyrica. Le Grand-Théâtre Metz Métropole a eu l’heureuse idée de la programmer.

Attaché à l’atmosphère singulière de cette oeuvre mythique, le spectacle reste fidèle au mélange de fantaisie et de gravité, de douceur et d’amertume, propre au cinéaste. Il est porteur d’une émotion au moins égale à celle du public qui découvrait le film entièrement chanté de 1964.
La mise en scène en est pleinement aboutie, autorisant un rythme cinématographique dans une succession rapide de séquences, sans la moindre rupture. Un système ingénieux de rideaux coulissant verticalement et latéralement permet l’ouverture sur des espaces confinés, mobiles, élargis, donnant l’illusion d’un film.
Les fenêtres sont colorées, fidèles à l’original, jouant sur trois tons principaux, le rouge, le vert et le bleu. Quelques accessoires réalistes, prosaïques comme il se doit, suffisent à créer l’atmosphère propre à chaque scène. Ainsi, L’ouverture instrumentale s’accompagne d’une projection façon cinémascope (partie supérieure, écran large) qui résume l’ouvrage de façon juste, dans l’esthétique appropriée. Les costumes sont à l’avenant, et les chorégraphies convaincantes. Cette comédie douce-amère évite le mélo. Bonheur et tristesse se mêlent tout au long de l’ouvrage, dans une langue simple, prosaïque, toujours intelligible et, surtout, juste. C’est là le miracle du travail de Michel Legrand et de Jacques Demy : réaliser un film chanté, sur un sujet encore douloureux, traité avec légèreté, sans sombrer dans le ridicule, avec une indéniable force émotionnelle.

les_parapluies_de_cherbourg_c_gael_bros_2Voix comme orchestre, tout est amplifié à un niveau parfois difficile à supporter pour le familier d’art lyrique. Mais la référence cinématographique, et la nécessité ont certainement été à l’origine du choix, d’autant qu’il est malaisé d’apprécier la puissance naturelle des voix des acteurs. Truffée de références musicales (la habanera de Carmen, un pastiche savoureux de musique baroque française accompagne la scène de mariage…), mêlant toutes les composantes de l’univers sonore de Michel Legrand – jazz, chanson, musique classique – la partition est un constant régal. Le talent de Patrick Leterme à recréer la variété, les couleurs, les rythmes d’inspiration, avec un souci de fidélité humble doit être souligné. On sait quel merveilleux arrangeur-orchestrateur fut le compositeur. La formation « Candide Orchestra », riche de ses 17 solistes, autorise tous les climats, toutes les atmosphères. Changements de tempi, de style, l’orchestre se prête avec souplesse et vigueur à la direction attentive de Patrick Leterme.
Les interprètes sont tous familiers de la scène et se révèlent excellents comédiens. La distribution vocale comporte quelques faiblesses. Qu’il s’agisse de l’intelligibilité des paroles ou du timbre, Camille Nicolas (Geneviève), et, dans une moindre mesure, Julie Wingens (Madeleine) pourraient progresser. Par contre tous les autres partenaires sont exemplaires.Jasmine Roy, chanteuse québécoise, familière de l’univers de la comédie musicale, nous vaut une excellente Madame Emery. Marie-Catherine Baclin chante Tante Elise, beau mezzo, à la voix ample et longue, un modèle d’intelligibilité. Quant aux hommes, Gaétan Borg (Guy), Grégory Benchenafi (Roland Cassard), et Franck Vincent (Monsieur Dubourg et Aubin) sont parfaits : voix solides, toujours compréhensibles, avec de réels talents de comédiens.
On sort ému, non seulement par la nostalgie, mais aussi et surtout par cette réalisation exemplaire. A signaler que le public ayant connu la guerre d’Algérie, comme la sortie du film, était très minoritaire dans l’assistance, et que les plus jeunes n’étaient pas les moins enthousiastes.

 

 

 

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COMPTE-RENDU, opéra, METZ, Opéra Théâtre Metz Métropole, le 18 mai 2019. LEGRAND-LETERME : Les Parapluies de Cherbourg. Crédit photographique © Gaël Bros

 

 
 

 

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