dimanche, décembre 10, 2023

Compte-rendu opéra. Lyon, Opéra. Gluck, Alceste, le 2 mai 2017. Deshayes / Behr (Admète)… Montanari (direction), Alex Ollé / La Fura dells Baus (mise en scène).

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Gluck à Paris (1774-1779)Compte-rendu, opéra. Opéra de Lyon le 2 mai 2017 : GLUCK, ALCESTE, Montanari / Ollié. NON ALCESTE N’EST PAS MORTE.  L’un des manifestes de la réforme de l’opéra du couple Gluck-Calzabigi est ici donné non dans sa version originale en italien, mais dans la version parisienne créée presque dix ans après en 1776. Cette version semble d’ailleurs plus conforme à l’idéal de la seconde réforme qui lorgnait fortement du côté de la tragédie française. Réduction drastique du nombre de personnages, rôle important accordé aux chœurs qui intègrent l’action tout en la commentant, absence de virtuosité gratuite et de péripéties complexes, ou encore de prologue allégorique, tous les ingrédients sont réunis dans cette tragédie lyrique d’une autre espèce, loin des poncifs versaillais. L’action très limitée (tout l’opéra ne vise qu’à glorifier la fidélité amoureuse d’Alceste à l’égard d’Admète) est un vrai défi pour le metteur en scène qui doit composer avec ce qui s’apparente à un long discours rhétorique diffracté.

Le parti-pris très personnel d’Alex Ollé et de ses complices catalans de la Fura dels Baus, s’avère être finalement une option qui a le mérite de sa cohérence. Pendant l’ouverture, en guise de prologue imagé, on assiste à la projection d’un film muet montrant un couple se disputant en voiture, ce qui provoque l’accident mortel de l’épouse, une manière, nous dit le metteur en scène, de « rendre crédibles [les] mécanismes psychologiques » des personnages. Lorsque commence l’opéra proprement dit, c’est un décor néo-baroque qui apparaît, assez monumental et paradoxalement presque intemporel, s’il n’y avait sur le côté droit une salle vitrée d’une unité de soins intensifs où l’on s’affaire à soigner successivement Admète, puis Alceste, nous ramenant ainsi à une contemporanéité suggérée par le petit film initial. On soulignera également la pertinence des vidéos de Franc Aleu qui donnent l’illusion de fresques assez spectaculaires et qui culminent dans les effets de trompe-l’œil fantastiques (des couleurs bleu strié à la Altdorfer) lors de la scène infernale du troisième acte où une horde de malades en chemise blanche d’hôpital incarne les divinités de l’Enfer. Seule ombre au tableau : la scène finale qui montre, après une ultime projection du film muet réunissant les protagonistes du drame dans l’exaltation du bonheur retrouvé et se dissolvant comme le sable d’une clepsydre, Admète en train de rendre un dernier hommage au cercueil de son épouse, contrevenant ainsi au lieto fine du livret.

 

 

 

Un nouvel orchestre pour un casting en demi-teintes

 

 

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Pour cette avant-dernière production de la saison lyonnaise, les spectateurs ont pu découvrir une nouvelle phalange baroque, issue de l’orchestre de l’opéra de Lyon, « I bollenti spiriti » (les esprits en ébullition) qui se produira désormais dans au moins une production lyrique et deux concerts par an. La direction dynamique et précise de Stefano Montanari est en tous points exemplaire, car chez Gluck, le drame est tout autant dans la déclamation pathétique du texte que dans la musique organisée comme un discours éloquent, avec ses propres figures rhétoriques. Les chœurs, toujours aussi bien préparés par Philip White, participent à la réussite de l’ensemble et servent d’écrin idéal à une distribution d’exception, en dépit de quelques menues faiblesses.

 

Dans le rôle-titre Karine Deshayes a le timbre, la diction et la projection idoines, même si l’émotion peine parfois à transparaître, notamment à cause de certains aigus un peu forcés, l’Admète de Julien Behr confirme la beauté et la brillance du timbre, tandis que Thibaut de Damas campe un Hercule un peu frustre et à l’allure faussement christique ; si la voix est vaillante, l’intelligibilité de sa diction laisse souvent à désirer.

GLUCK opera de lyon critique compte rendu classiquenew alceste g-rjeanlouisfernandez097Les autres rôles sont en revanche impeccablement tenus : Alexandre Duhamel en Grand-Prêtre, dont la voix sonore et puissante révèle une présence fascinante (inoubliable scène de spiritisme du premier acte), Florian Cafiero est un Évandre magnifique au chant noble, attentif aux moindres inflexions du texte, le Coryphée de Maki Nakanashi intervient avec grâce, et fait écho au beau chant de Tomislav Lavoie, Héraut et Apollon de haute tenue. Tous se souviennent au fond d’un des principes fondateurs de l’esthétique du compositeur : tendre autant que faire se peut « vers une noble simplicité ».

 

 

 

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Compte-rendu opéra. Lyon, Opéra de Lyon, Christophe Willibald Gluck, Alceste, le 2 mai 2017. Karine Deshayes (Alceste), Julien Behr (Admète), Alexandre Duhamel (le Grand Prêtre), Tomislav Lavoie (Apollon / Un Héraut), Florian Cafiero (Évandre), Thibault de Damas (Hercule), Maki Nakanishi (Coryphée), Paolo Stupenengo (L’Oracle), Paul-Henry Vila (Un Dieu infernal), Chœur et Orchestre de l’Opéra de Lyon, Stefano Montanari. (direction), Alex Ollé / La Fura dells Baus (mise en scène), Alfons Flores (décors), Josep Abril (costumes), Marco Filibeck (lumières), Franc Aleu (vidéo), Philip White (chef des chœurs).

 

 

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