vendredi 29 mars 2024

Compte-rendu, Festival de Royaumont 2018, le 29 sept, Aline Zylberajch, Manuel Weber, Jean-Luc Ho, la CRITIQUE CONCERT sur @CLASSIQUENEWS

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Compte-rendu Festival de Royaumont 2018, concerts du 29 septembre, Aline Zylberajch et Manuel Weber, Jean-Luc Ho, Violaine Cochard, Marianne Muller, Emily Audouin, ensemble Le Caravansérail, autour de Couperin.

Visuel_ROYAUMONT festival 2018 Festival_2018Commencer une journée consacrée à François Couperin par des pièces de clavecin, cela tombe sous le sens. En confier l’interprétation à Aline Zylberajch relève de l’évidence. C’est un bien délicieux début d’après-midi qu’elle nous fit savourer, avec son partenaire de scène le comédien Manuel Weber. Le programme mariant textes de Couperin, Louis XIV, Racine, Boileau, et d’autres avec la musique pour clavecin du compositeur français, extraite de ses quatre Livres, avait tout pour séduire et convaincre. Art de la conversation, la musique de Couperin l’est dans sa proximité avec le langage parlé, par la déclamation, le rythme, et sa respiration.

2-COUPERIN LE GRAND

François_Couperin___[d'après]_Bouys_[...]_btv1b8432122fCe fut le propos de ce spectacle, imbriquant intimement les textes dits et accompagnés de pas de danses, et les pièces de clavecin, parfois interrompues, parfois faisant irruption au cœur des mots. Une façon originale et particulièrement éloquente de mettre en évidence ce lien étroit entre musique et verbe. « Touchant » un superbe clavecin au son lumineux et doux (copie Rückers), Aline Zylberajch nous a charmés par son jeu souple et expressif, teinté parfois d’humour, ou de cette mélancolie si particulière en filigrane de l’œuvre de Couperin, maniant avec un goût sûr et raffiné une forme de licence dans la conduite mélodique. Il émane de son art une force de conviction naturelle qui se passe de grandiloquence, mais joue la carte de la tendre confidence. Nulle musicienne ne sait donner mieux qu’elle ce temps à chaque phrase, et au discours lui-même, cette respiration généreuse sans qu’elle ne paraisse excessive. Belle harmonie avec les textes savoureux dans la diction à l’ancienne mais néanmoins vivante et captivante de Manuel Weber, tout cela dans un décor étudié avec soin et minutie dans des teintes parfaitement assorties.

Autre clavecin, autre interprète, autre grand moment: celui de l’inauguration du clavecin commandé par la Fondation Royaumont au facteur Emile Jobin. Copie du clavecin Antoine Vater 1732 du Musée de la Musique de Paris, Emile Jobin nous en décrit toutes les étapes de sa fabrication. Le résultat est somptueux, aussi bien dans l’apparence que dans le son, dans le ramage que dans le plumage oserions-nous dire! Habillé de noir, et de rouge, et souligné d’or, il livre sous les doigts cette fois de Jean-Luc Ho un timbre opulent et puissant, qui sied admirablement au caractère noble et parfois solennel des pièces choisies par l’interprète. Concert en deux temps, sur le thème des Nations: « La Françoise et la Piémontoise », Jean-Luc Ho a donné pour sa première partie un récital mêlant musique allemande (Bach, Buxtehude, Telemann) et française (Couperin, Lully, D’Anglebert et Duphly). On a apprécié le jeu structuré et l’excellente tenue dans la conduite du discours du musicien, qui n’a pas son pareil pour faire sonner l’instrument, notamment dans son registre grave souvent privilégié dans ces œuvres et mettre en valeur leur dimension harmonique. La deuxième partie du concert rassemblait en formation de chambre les musiciens parmi les plus talentueux de la sphère baroque (Alice Piérot, Nima Ben David, Bérangère Maillard, Olivier Riehl, Neven Lesage, Alejandro Perez, Aurélien Delage et Jean-Luc Ho). Une formation étoffée choisie par Jean-Luc Ho, pour interpréter deux extraits des « Nations », inspirées des sonates en trio de Corelli. C’est un Couperin coloriste que l’on découvre grâce à l’instrumentarium choisi, chaque timbre mis tour à tour en valeur, soit en « soliste », soit dans de gouteux assemblages au sein de l’ensemble. Au fil de ces suites de danses, à la légèreté enjouée, des moments de grâce, avec l’émouvante expressivité de la viole de Nima Ben David, et un duo de traversos fondant de douceur dans la Piémontoise.

Le soir venu, fut proposée une nuit Couperin, avec à nouveau un concert en deux temps: le premier nous fit entendre la viole selon le compositeur. Dans ces pièces tardives (Les Goûts réunis, et la Suite en mi mineur pour viole et basse continue), Marianne Muller et Emily Audouin font des merveilles de l’écriture délicatement ornementée qu’il transpose au soir de sa vie du clavecin aux cordes. Dans le grand réfectoire des Moines, on se serait plutôt crus au coin de l’âtre d’une chambre, dans l’intimité de ces deux instruments. Quelques pièces piochées par Violaine Cochard dans les premiers et quatrième Livres mettent en valeur le clavecin Goujon 1749 de Jean-Luc Ho: la Florentine, Les Idées heureuses, les Tours de passe-passe, toutes jouées cette fois avec un art de l’éloquence et de la théâtralité prononcé. En seconde partie l’émotion de la voix mise en musique par Couperin, avec les Trois leçons de ténèbres, par l’ensemble le Caravansérail dirigé du clavecin et de l’orgue positif, par Bertrand Cuiller. Maylis de Villoutreys et Rachel Redmond forment un duo parfait, en dépit, non, plutôt grâce à leurs personnalités si différentes.  On est touché par le timbre pur et la plasticité, la souplesse du chant de Maylis de Villoutreys, la finesse et la justesse de l’expression avec laquelle elle donne sens à l’affliction, au contexte dramatique, sans verser dans l’effondrement pathétique. Rachel Redmond apporte le réconfort d’une voix solaire, très homogène, et stable. Son timbre lumineux et chaleureux vient, dans un soutien parfait de la ligne de chant, ajouter la pointe d’espérance, de clarté à la déploration tragique. De la combinaison des deux voix émane une grande douceur et cette tendresse contenue dans tout l’œuvre de Couperin.

Une journée entière avec ce vieux monsieur Couperin: qui aurait cru cela pensable trois siècles plus tard? Musicien du sensible et de l’intime, il parvient à nous convaincre que le diamant de l’émotion demeure inaltérable, et la fraîcheur de l’expression toujours authentique. Eternel Couperin!

 

 

 

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Compte-rendu Festival de Royaumont 2018, concerts du 29 septembre, Aline Zylberajch et Manuel Weber, Jean-Luc Ho, Violaine Cochard, Marianne Muller, Emily Audouin, ensemble Le Caravansérail, autour de Couperin.

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