samedi 20 avril 2024

Compte-rendu Festival de Royaumont 2018, concerts du 23 septembre, Trio Antara, L.N. Bestion de Camboulas, Lucie Berthomier, Eugénie Lefebvre, Marion Lebègue et le Secession Orchestra direction C. Mao-Takacs, autour de Debussy.

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Visuel_ROYAUMONT festival 2018 Festival_2018Passer de l’été à l’automne en douceur, c’est ce qu’offrait le Festival de Royaumont avec ses 40 concerts et spectacles réunissant musique et danse, chaque week-end du 25 août au 7 octobre. Lieu d’expériences et de rencontres artistiques unique, l’Abbaye rassemble ses nombreux musiciens en résidence pour célébrer l’art avec des programmes et ateliers thématiques originaux, créatifs, d’une variété qui permet à chaque visiteur d’y faire son miel. Notre choix s’est porté cette année sur deux grands temps forts: année Debussy oblige avec le centenaire de sa disparition, ce dimanche 23 septembre le festival mettait ce compositeur en « perspective », autour de transcriptions et orchestrations de ses plus belles pages; le samedi 29 septembre était quant à lui consacré jusqu’au cœur de sa nuit à un autre anniversaire: les 350 ans de la naissance de François Couperin.

1 – CLAUDE DE FRANCE

debussy_profil_430L’automne était bien au rendez-vous le 23 septembre, claquant sans sursis la porte au nez de l’été. Trois concerts crescendo firent oublier la pluie battante. À midi le trio Antara donnait un concert autour de la Sonate pour flûte, alto et harpe: Emmanuelle Ophèle préludait avec Syrinx pour flûte solo de Debussy, installant l’écoute et la couleur particulière de ce concert dans la salle des charpentes. L’ensemble proposa après la transcription de deux de ses Épigraphes antiques, la musique d’une compositrice et d’un compositeur contemporains de Debussy: Mel Bonis et Théodore Dubois, suivis de la pièce « And then I knew’twas wind » de Töru Takemitsu, introduisant par ses références la Sonate de Debussy. Rien ne troubla le sentiment de quiétude et de douceur constant émanant du jeu des musiciens, d’une finesse souvent arachnéenne, en particulier dans la transcription des Épigraphes antiques (Pour invoquer Pan, Dieu du vent d’été, et Pour un tombeau sans nom), et celle du Nocturne des Scènes de la forêt de Mel Bonis, à l’origine écrite pour flûte, cor et piano, la harpe évanescente tissant ses harmonies sous le chant tendre de l’alto et celui aérien de la flûte.

Un autre trio se produisait ensuite dans le réfectoire des moines autour de l’orgue tenu par Louis-Noël Bestion de Camboulas. Evocation des années de guerre, qui furent aussi les dernières de la vie de Debussy: « 14-18: Soleils couchants et morts héroïques », ce programme mettait en scène le l’orgue Cavaillé-Coll 1864 de l’Abbaye, conçu pour la musique de chambre, dans une suite de transcriptions qui auraient pu être données autrefois dans la villa de son propriétaire, remplissant ainsi sa fonction d’orgue de salon. On entendit ainsi des œuvres vocales de Hahn, Lili et Nadia Boulanger, Wolf, Ravel, interprétées avec grande sensibilité par Eugénie Lefebvre, accompagnée à l’orgue et à la harpe, ainsi que des pièces transcrites pour orgue: la sicilienne de Pelleas et Mélisande de Fauré, et un Clair de lune de Debussy pour le coup improbable sur cet instrument! Ce trio inattendu a conquis l’auditoire par l’engagement de ses interprètes: quel relief et quelles couleurs dans le jeu de la harpiste Lucie Berthomier qui ne se contente pas d’effleurer son instrument! L. N. Bestion de Camboulas donne à l’orgue tour à tour sa ronde puissance dans le jeu symphonique (choral de Franck) et une assise, une présence sonore profonde et douce lorsqu’il s’agit de le marier aux accents parfois vifs et bondissants de la harpe. Quelle poignante interprétation du Pie Jesu de Lili Boulanger, par Eugénie Lefebvre, aux inflexions vocales si justes et si émouvantes, sachant être tout à la fois dans la force dramatique et la pudeur!

Secession Orchestra, orchestre de chambre comptant une trentaine de musiciens, a été fondé en 2011 par son chef Clément Mao-Takacs. Beau concept qui permet d’entendre à Châteauroux, Deauville et dans bien d’autres villes encore, tout comme à Royaumont, le répertoire symphonique des XXème et XXIème siècles, mais aussi des orchestrations de mélodies françaises comme ce soir-là, celles de Claude Debussy, ou encore de Jean Cras et d’Henri Duparc. Une plongée dans l’univers baudelairien avec des mélodies célèbres, comme le Balcon, Harmonie du soir, et l’Invitation au voyage par la mezzo-soprano Marion Lebègue. L’expression lyrique et le timbre généreux de la chanteuse aura servi à merveille le caractère poétique et enflammé des mélodies de Duparc, orchestrées par le compositeur lui-même. Les mélodies de Debussy (transcrites ici par C. Mao-Takacs et John Adams), se seraient davantage accommodées d’une relative retenue vocale qui aurait laissé percevoir leurs teintes mystérieuses et fines, et préservé leur caractère intimiste. L’orchestration par C. Mao-Takacs de l’Île Joyeuse donne, par le traitement des timbres, un tour tout à fait intéressant à cette pièce si riche de couleurs écrite pour piano, et a contrario la version réduite de la Mer ne perd en rien de sa puissance contenue et de ses troublantes et changeantes lumières. On aura apprécié la direction fine et précise du chef, tout autant que l’énergie insufflée, que l’orchestre n’eut pas à envier aux grandes formations symphoniques.

 

 

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Compte-rendu, Festival de Royaumont 2018, concerts du 23 septembre, Trio Antara, L.N. Bestion de Camboulas, Lucie Berthomier, Eugénie Lefebvre, Marion Lebègue et le Secession Orchestra direction C. Mao-Takacs, autour de Debussy.

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