samedi 26 avril 2025

Compte rendu, danse. Paris. Opéra National de Paris (Palais Garnier), le 3 février 2014. «Onéguine» ballet en trois actes. John Cranko, chorégraphe. Tchaikovsky, musique. Karl Paquette, Ludmila Pagliero, Mathias Heymann… Ballet de l’Opéra. Orchestre de l’Opéra. James Tuggle, direction.

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Le Ballet de l’Opéra National de Paris aborde le ballet néoclassique de John Cranko, « Onéguine ». Le Palais Garnier s’habille donc avec les couleurs de la Russie impériale romantique pour cette exploration chorégraphique du célèbre roman en vers d’Alexandre Pouchkine. L’Orchestre de l’Opéra dirigé par James Tuggle interprète plusieurs arrangements de pièces méconnues de Tchaikovsky, sans pourtant toucher la musique de l’opéra éponyme du maître.

Une tragédie romantique de grande dignité

 

ONEGUINE DE CRANKO PARISJohn Cranko (1927 – 1973) est un chorégraphe sud-africain néoclassique de formation anglaise. C’est grâce à lui que le Stuttgart Ballet se modernise et devient une véritable compagnie internationale plutôt renommée. Son langage et son style a influencé des grands chorégraphes contemporains tel que William Forsythe et John Neumeier (ce dernier a dédié notamment le 4e mouvement de son ballet Troisième Symphonie de Mahler à la mémoire du Sud-africain l’année qui a suivi sa mort). Son ballet « Onéguine » crée en 1965, raconte l’histoire d’un quatuor amoureux ; le noble et blasé Eugène Onéguine, dont la jeune et naïve Tatiana est éprise, et l’ami d’Onéguine Lenski, épris lui d’Olga, la jeune sœur de Tatiana. La tragédie romantique ne perd rien de son charme ni de son émotion dans la chorégraphie de Cranko. Au contraire, le moyen s’avère idéal pour un tel artiste, qui met lucidement en mouvement la froideur et l’insouciance d’Onéguine avec autant de facilité que la naïveté et la candeur de Tatiana, mais pas seulement. Après l’avoir rejetée et humilié Onéguine réapparaît dix ans après et la retrouve mariée au Prince Grémine. Il essaie de la reconquérir, mais Tatiana refuse malgré elle et le rejette avec la même force qu’il avait eu auparavant.

Pour la première le couple d’Onéguine/Tatiana est interprété par les Etoiles Karl Paquette et Ludmila Pagliero. Ils commencent un peu réticents. Une certaine froideur se dégage dans leurs premières interactions mais cela s’accorde heureusement avec le livret. Si nous remarquons quand même rapidement les belles pointes et les dons d’actrice de Pagliero, ainsi que la tenue princière et détachée de Paquette, nous devons attendre jusqu’au pas de deux « du miroir » à la fin du premier acte pour être… ébahis. Elle nous impressionne avec une extension insolite, une pantomime un peu technique mais authentique, une coordination et une agilité sans défauts. En plus, pendant les trois actes nous remarquons que le personnage l’habite, quand elle ne danse pas, elle participe avec des regards furtifs, des soupirs. Sa performance est globalement extraordinaire. Quant à Paquette c’est un partenaire plus que solide, il n’impressionne pas moins avec sa maîtrise absolue des portés redoutables (trait que Cranko transmettra à un Forsythe ou un Neumeier). Dans leur pas de deux au dernier acte, se met en place un concert de sentiments contradictoires saisissant au point de susciter les frissons.

L’autre « couple » est formé par le Lenski de l’Etoile Mathias Heymann et l’Olga du sujet Charline Giezendanner. L’Olga de Giezendanner est pétillante et candide, avec un bel investissement scénique. Mathias Heymann est un Lenski inoubliable. Autant il est toute légèreté et toute finesse au première acte, autant il est expressif et touchant, avec un legato d’une beauté singuilère, au deuxième pendant son solo « sous la lune ». Le corps de ballet est fabuleux, surtout au premier acte. Le ballet les inspire jusqu’à la jouissance et leur performance ravit  le public.

Remarquons les décors et costumes somptueux de Jürgen Rose, de facture historique et aux couleurs vives, ainsi que les lumières efficaces de Steen Bjarke. La belle performance de l’Orchestre de l’Opéra dirigé par James Tuggle ajoute à cette réussite. Le chef réalise une lecture des pièces de Tchaikovsky arrangées et orchestrées par Kurt-Heinz Stolze aussi somptueuse, pertinante et jouissive que la chorégraphie. Paris. Opéra National de Paris (Palais Garnier), le 3 février 2014. «Onéguine» ballet en trois actes. John Cranko, chorégraphe. Tchaikovsky, musique. Karl Paquette, Ludmila Pagliero, Mathias Heymann… Ballet de l’Opéra. Orchestre de l’Opéra. James Tuggle, direction. A ne pas rater à l’Opéra National de Paris encore les 8, 10, 11, 16, 23, 24, 25, 26 et 28 février ainsi que les 4 et 5 mars 2014.

 

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