jeudi 18 avril 2024

Compte-rendu, critique, danse. Paris. Opéra Garnier, le 12 novembre 2017. Soirée Balanchine/Teshigawara/Bausch

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bausch pian sacre du printemps garnier opera novembre 2017 critique ballet critique concert par classiquenewsCompte-rendu, critique, danse. Paris. Opéra Garnier, le 12 novembre 2017. Soirée Balanchine/Teshigawara/Bausch. Germain Louvet, Léonore Baulac… Ballet de l’opéra. George Balanchine, Saburo Teshigawara, Pina Bausch, chorégraphes. Orchestre de l’opéra, Benjamin Shwartz, direction. Programme dédié aux 20e et 21e siècles cet automne, au Ballet de l’Opéra National de Paris. Les reprises du chef d’œuvre balanchinien Agon et du Sacre de Pina Bausch entourent une création, troisième commande de l’Opéra au chorégraphe contemporain japonais Saburo Teshigawara, intitulée « Grand Miroir ». Les célèbres musiques de Stravinsky ainsi que le Concerto pour Violon de Salonen (2009) sont interprétés par l’Orchestre maison, dirigé par le chef Benjamin Shwartz.

L’éclectisme dansant ou le programme inégal

La représentation commence avec Agon, chef-d’oeuvre abstrait du maître néoclassique et l’un des meilleurs exemples de collaboration artistique au 20e siècle. Sur la musique quelque peu sérielle de Stravinsky, se déroulent des pas de trois autour d’un pas de deux. Si ce fameux ballet est toute abstraction, il est de même toute virtuosité, sans être froid, ni prétentieux, ni dépourvu d’humour d’ailleurs ; l’Etoile Germain Louvet se distingue par son en dehors, son ballon, sa formidable extension. Les trois danseurs du 2e pas de trois impressionnent par la beauté et la propreté de l’exécution… Des entrechats, six s’enchaînent, sans apparente difficulté pour Hannah O’Neill, Paul Marque et Pablo Legasa. Si nous apprécions toujours l’excellence de la Première Danseuse, les jeunes hommes se montrent aussi particulièrement prometteurs dans leurs performances. Remarquons enfin le spectaculaire pas de deux des Etoiles Karl Paquette et Myriam Ould-Braham, partenaires de prestige : elle, troublante de beauté avec ses pointes et torsions.

Un Grand Miroir, perlimpinpin et paillettes ?

Après un entracte est venue la création, un moment toujours très attendu que nous avons la chance de vivre souvent dans la Maison nationale avec toutes ses nouvelles productions… Si Aurélie Dupont, l’Etoile, nous a impressionné lors de la création précédente du japonais Teshigawara (Darkness is hiding black horses, octobre 2013), nous nous trouvons aujourd’hui bien loin de l’aspect métaphysique saisissant d’auparavant, malheureusement.
Dansé par 10 danseurs sur le Concerto pour violon de Salonen (2009) magistralement interprété par la violoniste Akiko Suwanai, « Grand Miroir » est une œuvre inspirée d’un poème de Baudelaire. Comme d’habitude, Teshigawara signe chorégraphie, scénographie, costumes, lumières et… body-painting ? En effet, les danseurs sont peints intégralement dans des couleurs quelque peu fluos, ce qui rend difficile l’identification des interprètes (et ce même depuis le 2e rang au parterre).
CRISE EXISTENTIELLE… Mais qu’elle est la place de ses aspects extra-chorégraphiques dans la critique d’un ballet, et plus pertinemment, dans le ballet même ? Il nous a fallu lire les explications, poèmes, textes descriptifs et autres pour comprendre enfin que cette création est en vérité le produit d’une sorte de crise existentielle et artistique. S’il y a un ou deux moments presque hypnotiques (habitude du chorégraphe), et que nous sommes particulièrement frappés par l’abandon et l’énergie d’un Antonio Conforti et d’un Julien Guillemard, nous restons perplexes devant les 30 minutes de pirouettes et des bras tournants à droite et à gauche, comme toutes les extrémités d’ailleurs, ici et là, comme ci et comme ça. On explique bien au programme dans un texte aux aspirations vaguement philosophiques que l’œuvre de Teshigawara n’est surtout pas de l’improvisation, mais qu’il questionne l’idée même de la chorégraphie… L’explication post-moderniste au 21e siècle ne fait plus l’alibi, à notre avis.

Sacré Sacre…

Passons au saisissant Sacre du Printemps de Pina Bausch, dont le Ballet de l’Opéra est l’interprète privilégié (après, bien sûr, la compagnie de l’Allemande). L’archi-célèbre partition est interprétée par l’orchestre avec beaucoup de sagesse et retenue… Peut-être est-ce dû à la personnalité du chef invité? Il ne voulait peut-être pas choquer l’audience avec un son plus charnu et de meilleurs contrastes, mais nous ne sommes pas en 1913 et un peu plus de brio n’aurait pas fait venir la police dans la salle comme au moment de la création de l’œuvre originale de Nijinsky et Stravinsky. Bref, sur le plan chorégraphique, peut-être que la danse s’accorde aussi à cet aspect très sage de l’interprétation musicale. Du côté des femmes se trouve le bijou ; elles sont hétérogènes, fortes, faibles, peureuses, solidaires ; elles incarnent presque entièrement l’aspect troublant et dévastateur du livret où l’on sacrifie une jeune fille au printemps. Remarquons la prise du rôle de l’élue de l’Etoile Léonore Baulac, une réussite bouleversante. Du côté des garçons (mot choisi pertinemment, sachant qu’il y a des danseurs sur scène dans la 40e), nous apprécions les physiques, les torses exposés et les formes moulantes, … une énergie tout à fait fraîche et pétillante… Leur prestation est souvent beaucoup plus attirante que terrifiante, ce qui nous fait admirer davantage la performances des femmes qui ont incarné une peur que les mâles sur scène n’arrivaient pas à transmettre. Encore à l’affiche au Palais Garnier les 14 et 16 novembre 2017. Un classique du répertoire de l’Opéra de Paris, inusable, magistral.

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Compte-rendu, critique, danse. Paris. Opéra Garnier, le 12 novembre 2017. Soirée Balanchine/Teshigawara/Bausch. Germain Louvet, Léonore Baulac… Ballet de l’opéra. George Balanchine, Saburo Teshigawara, Pina Bausch, chorégraphes. Orchestre de l’opéra, Benjamin Shwartz, direction.

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