jeudi 28 mars 2024

Compte rendu, critique, concerts et festival. LILLE PIANO(S) FESTIVAL 2017. Dimanche 11 juin 2017 : 5 concerts

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Compte rendu, critique, concerts et festival. LILLE PIANO(S) FESTIVAL 2017. Dimanche 11 juin 2017 : 5 concerts. Le Carnaval des Animaux (The Amazing Keystone Big Band), Takuya Otaki, Lucas Debargue, Elena Bashkirova / Quatuors avec piano, Jean-Claude Casadesus et Hélène Mercier – Louis Lortie / Nicholas Angelich, Orchestre National de Lille.

LILLE PIANO(S) FESTIVAL : les 9, 10 et 11 juin 2017Depuis sa création par le chef fondateur de l’Orchestre National de Lille, Jean-Claude Casadesus, le premier festival des Hauts de France, dédié au clavier, a su trouver son public et préserver une étonnante cohérence malgré la grande diversité de son offre. La mosaïque est complète en matière de formes de concerts, de formations musicales, de talents et d’instruments en tous genres. On va à Lille en juin, comme en un pèlerinage quasi estival, sûr de rejoindre les diverses salles du Nouveau Siècle pour y mesurer l’audace et le tempérament des nouveaux princes du clavier, et redécouvrir la profondeur poétique de légendes plus connues. LILLE PIANO(S) FESTIVAL porte bien son nom : il s’agit bien d’une fête du piano sous toutes ses formes. Le nombre de lieux investis, la libre circulation dans l’enceinte du Nouveau Siècle soulignent l’activité du bâtiment (siège de l’Orchestre National de Lille et lieu familier pour les lillois et tous les festivaliers, tout au long de la foisonnante saison musicale annuelle), comme celle d’une ruche, une formidable concentration de propositions artistiques au renouvellement constant ; c’est un lieu de vie dans la ville devenue grâce à l’ONL, un foyer musical de premier intérêt (ce n’est pas la programmation de la nouvelle saison 2017-2018, récemment divulguée qui le démentira : prochaine synthèse à venir dans les colonnes de classiquenews…). Ici, la vitalité pléthorique de la programmation sait être d’excellente facture et d’une accessibilité préservée : le coût peu élevé des places et les formules d’abonnements assurent le plébiscite d’un public, de plus en plus motivé à participer et suivre les offres.

 

 

Récitals, grandes formations symphoniques, musique de chambre… et dès notre arrivée, ce dimanche 11 juin au matin : concert pour les familles, dans le vaste Auditorium recalibré pour un ensemble important de jazzmen : le déjà écouté ici même « Amazing Keystone Big Band », fédéré entre autres par l’un de ses fondateurs, le trompettiste David Enhco. A 11h, face à une salle comble, le récitant Sébastien Denigues chauffe la salle et raconte l’histoire animalière du Carnaval des Animaux d’après Saint-Saëns, où le loup et le lion se disputent la vedette, visitent un cirque, tentent d’y croquer quelques proies faciles… l’orchestre en formation Duke Ellington, nous régale par ses couleurs et son swing collectif. C’est un buffet de timbres, un festival de rythmes et de solos d’une liberté suggestive effrontée, où chaque instrument surenchérit par sa faconde libre et facétieuse (le tuba en éléphante matriarche vociférant barissant, reste mémorable). Le délire s’allie à la finesse, et tout le public, petits et grands suit sans manquer une nuance, ce spectacle réjouissant. Belle entrée en matière.

lille-pianos-festival-2017-recital-de-pianoPuis à 14h, autre salle, autre ambiance. Place à l’intimisme et au jeu réflexif tout en tensions. Le récital du jeune japonais Takuya Otaki (Salle Québec), dernier lauréat du Concours Piano d’Orléans 2016 était l’un de nos temps forts de cette édition 2017. Le programme est ambitieux, contrasté, d’une exigence intérieure et lui aussi, d’un enjeu suggestif percutant, concentré. En présence du compositeur barcelonais Hector Parra (qui est en résidence au sein de l’Orchestre National de Lille), le pianiste joue d’abord deux nouvelles pièces : Caricies cap al blanc (Etude n°2) et Una pregunta (Etude n°5) : le mystère, l’énigme d’un développement réservé qui reste dans l’ombre, mettent en lumière toute la capacité imaginative de l’auteur espagnol qui conçoit chaque séquence comme une miniature ; puis c’est le non moins onirique Rain Tree 1 et 2 de Takemitsu d’une puissance économe inouïe, qui inspire davantage la forte concentration du pianiste. Trop bavard et inféodé à son admiration pour Liszt, la Rhapsodie de Bartok, œuvre de jeunesse, paraphrase le maître parfois au risque de la répétition. La tension ciselée à son maximum voire son paroxysme se réalise dans l’ivresse et les vertiges spirituels – déflagrations hypertendus de la Mephisto Waltz de Franz Liszt, – rien n’égale en définitive le diamant brut du plus grand des pianistes virtuoses du XIXè. Lutin au nerf acéré vif argent, le Japonais architecture un instant d’élévation et de construction acrobatique.

On quitte la salle Québec après le récital de Takuya Otaki – alors que rentrent plusieurs jeunes lauréats du 7ème Concours orléanais. On ne peut malheureusement pas tout suivre et la nécessité de choisir organise le déroulement de la journée, riche en découvertes pianistiques, comme parfois en frustration : plusieurs concerts se déroulent au même moment. En sortant du Nouveau siècle, direction le Conservatoire et son auditorium, beau vaisseau ovale, aux proportions humaines; à l’acoustique très flatteuse. Soit 10mn à peine de marche, sur le pavé lillois : heureuse pause extérieure d’un marathon qui se passe surtout en intérieur. Au programme musique de chambre avec piano : Quatuors de Mozart et de Schumann ; la prestation est quasi familiale et souligne la complicité entre les instrumentistes. Répond à la puissance maternelle, parfois brute et dure, à la fois puissante et structurée de la pianiste Elena Bashkirova, le violon plus tendre de son fils Michael Barenboim (le fils de Daniel) et le très solide alto de Gérard Caussé… la coque de la salle amplifie idéalement et naturellement le jeu des quatre instrumentistes (avec le violoncelliste Tim Park), au point qu’on aurait demandé plus de suavité murmurée, de piani joués piani, surtout quand la tendresse caressante d’un Mozart inspiré par la grâce s’invite soudainement dans le IIIè mouvement (jeu dialogué entre piano et alto).
Belle idée de jouer dans la continuité, le Quatuor de Schumann (créé en 1842 chez Mendelssohn) car dès le premier mouvement, Robert / Eusebius installe immédiatement un climat intérieur d’une rare plénitude, en particulier dans le mouvement second, d’une éloquence mozartienne.

debargue lucas pianoIl est 15h : il est temps de rejoindre l’Auditorium du Nouveau Siècle pour écouter enfin celui que toute la planète piano encense comme le nouvel élu, frais moulu et soudainement couronnée par le dernier Concours Chopin 2015 : le Français Lucas Debargue. Très concentré, silhouette longiligne, un peu raide, le jeune homme s’engage immédiatement après son entrée en scène dans la Sonate n°16 de Schubert : le jeu est souvent tendu, parfois heurté, en manque d’abandon suggestif. De toute évidence, l’interprète fouille, explore… mais il ne trouve pas. Visiblement l’ombre du magicien Schubert n’a pas paru cet après midi. La Sonate n°2 de Szymanowski (1911) est beaucoup mieux investie, pensée, architecturée ; plus aérée, et libre. Et pourtant son déroulement est un labyrinthe technique d’une portée souvent inatteignable … ce pour nombre de pianistes (y compris parmi les plus célèbres). Lucas Debargue quant à lui, vainc chaque difficulté, jalon progressif d’un écheveau énigmatique et complexe, précisément dans les 8 variations et fugues du second mouvement, alternant constamment entre délire parodique et surgissement poétique d’essence baroque (menuet ou sarabande). La versatilité dont est alors capable le pianiste, sans rien perdre de l’unité profonde du développement ni déconstruire le vaste plan poétique des harmoniques raffinées, est impressionnante. Le feu, la flamme, dansante et trépidante jaillissent en raffinement harmonique et flexibilité maîtrisée. Le voici donc ce talent dont on nous parlait avec ravissement. L’explorateur enivré enchanté des Medtner, Roslavetz, Maykapar peu connus, et sous ses doigts agiles et bien orientés, a révélé son jeune talent et sa forte personnalité. A suivre.

 

Fidèle à sa ligne généreuse exigeante, le Festival de piano lillois convainc en 2017

DIVERSITÉ STIMULANTE

 

 

Enfin le dernier concert (concluant le Festival 2017, et ses 3 journées de d’exploration musicale non stop)… est le plus éloquent. Copieux et divers, comme une fête à vivre à plusieurs ; 3 pianistes paraissent ainsi sous la baguette di chef fondateur. Le récital symphonique du soir, réunit la phalange organisatrice, l’Orchestre National de Lille, et une pointure française au jeu ourlé, naturellement fluide et caressant : Nicholas Luganski … et ses 10 doigts magiciens, en étroite et constante effusion avec le geste du chef, créateur de l’événement, Jean-Claude Casadesus.
Devant un Auditorium du Nouveau Siècle à guichets fermés, précédant l’apothéose Luganski, c’est d’abord le Concerto pour deux pianos et orchestre de Poulenc (1931) qui séduit par sa fluidité permanente, un sentiment de liberté qui s’épanche et batifole en fantaisie et esprit de jeu (caractères chers à Poulenc) grâce aux deux pianistes complices et qui se font face : Hélène Mercier et Louis Lortie.

 

LILLE. Jean-Claude Casadesus : le Poème de l'ExtaseAprès la courte pause, géant aux pas tranquilles, Nicholas Angelich fait son apparition ; au clavier, la silhouette se métamorphose, s’anime soudain : une somptueuse sonorité s’affirme immédiatement. Elle exprime avec agilité et cœur, une partition incroyablement virtuose et pourtant profonde (Concerto n°3 de Prokofiev), dans ses éclairs furtifs et ses accents crépusculaires qui citent Rachmaninov. C’est un écho formidablement ciselé au concert de la veille où l’argentin Nelson Goerner autre fabuleuse sensibilité aussi pyrotechnique qu’intérieure jouait le Concerto n°2 du même Prokofiev. Ce soir, Angelich, l’incroyable pianiste doué de poésie conquérante traverse climats martiaux, motricité presque mécanique d’une partition électrique, caresse furtive d’un toucher félin. Un tour de force magistral, d’une ivresse poétique déconcertante qui ne pouvait pas mieux conclure cette déjà 14è édition du LILLE PIANO(S) FESTIVAL. A 1h de Paris, comment manquer ce rv unique dont la diversité et le profil des solistes invités n’a pas d’équivalent dans l’Hexagone ? Cette année, la réalisation a honoré les promesses de l’affiche : Debargue et Angelich, comme précédemment Goerner ou l’excellent Stephen Hough qui ouvrait la session dans la Rhapsodie sur un thème de Paganini piloté là aussi par Jean-Claude Casadesus, sans omettre le Glass de Vikingur Ólafsson auront marqué l’édition 2017 du LILLE PIANO(S) FESTIVAL. Suivez dès à présent la prochaine programmation de l’édition de juin 2018, celle des 15 ans. Illustrations : © Ugo Ponte / ONL Orchestre National de Lille 2017 (sauf Lucas Debargue, DR)

 

 

 

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lille-pianos-festival-2017-presentation-du-festival-CLIC-de-CLASSIQUENEWS-festival-evenement-3-raisons-pour-y-aller-absolumentCompte rendu, critique, concerts et festival — LILLE PIANO(S) FESTIVAL, dimanche 11 juin 2017. Le Carnaval des animaux / The Amazing Keystone Big Band. Récital des pianistes Takuya Otaki, Lucas Debargue. Musique de chambre avec Elena Bashkirova. Concert de clôture : Concertos de Poulenc et de Prokofiev (n°3), par Nicholas Luganski, Hélène Mercier et Louis Lortie, Orchestre National de Lille, Jean-Claude Casadesus (direction).

 

 

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