Ultime chef-d’oeuvre de Johann Sebastian Bach (1685-1750), la Messe en si mineur a connu une histoire chaotique. Si son oeuvre fut créée peu avant le décès du Cantor de Leipzig, sa composition s’étend sur une vingtaine d’années. En effet Bach réutilisa des parties de cantates ou de concertos composées pour certains entre 1724 et 1733, date à laquelle le kyrie et le gloria furent donnés à l’occasion de la prestation de serment du nouveau prince électeur de Saxe Frédéric Auguste II. Les trois dernières pièces de la Messe furent composées en 1748 et 1749. Tombée dans l’oubli dès la disparition de son compositeur, la Messe en si ne fut créée dans son intégralité, telle que nous la connaissons, qu’en 1859. C’est le Collegium Vocale Gent, placé sous la direction de Philippe Herreweghe, son chef historique et fondateur, qui interprète cette nouvelle version du chef-d’oeuvre de Bach.
La Messe en si de JS Bach
Philippe Herreweghe qui connait bien le chef d’oeuvre de Bach, il l’a déjà enregistré avec le Collegium Vocale Gent, dirige la Messe d’une main ferme et sûre. Les solistes qu’il a invités, sont intégrés au choeur : ils chantent intégralement la partition. Musicalement d’ailleurs c’est presque parfait ; l’orchestre qui travaille avec son chef depuis le début, le suit avec une rigueur et une précision millimétrique, notre seul bémol concerne l’intervention du cor; certes la maitrise du cor ancien est difficile et demande un gros travail de préparation, mais les fausses notes entendues en ce 14 juillet sont gênantes à un niveau aussi élevé. Est-ce dû au trac? à la jeunesse du corniste? Ce sont des possibilités qui ont quand même handicapé la basse Peter Kooy à peine audible dès le milieu de la nef. Vocalement le petit choeur du Collegium Vocale Gent est parfait et le renfort des solistes élève encore un niveau déjà très haut. Dans le quintette vocal, saluons les excellentes performances de la soprano Dorothée Mields, du ténor Thomas Hobbs et de l’alto Damien Guillon qui travaille régulièrement avec Philippe Herreweghe. Ces trois artistes, malgré la brièveté de leurs interventions, excellent tant dans les duos que les parties solistes. Plus à la peine, la mezzo soprano Margot Oetzinger; une grossesse déjà avancée pénalise la mezzo dont la voix, au demeurant plutôt belle, a bien du mal à passer par dessus l’orchestre. De même, elle est facilement couverte par Dorothée Mields lors de leur duo (Christe Eleison). Si la première intervention de Peter Kooy est en demi teinte, la seconde est remarquablement menée, et la voix claque dans l’église abbatiale avec une insolence irrésistible.
Malgré quelques accrocs, somme toute mineurs, c’est une Messe en si remarquablement interprétée et menée de main de maitre qu’offrent Philippe Herreweghe et le Collegium Vocale Gent. Cette ultime Messe du Cantor de Leipzig, monumentale et profonde, est le testament de Bach. Philippe Heerewghe en cisèle une lecture forte et parfaitement limpide.
Compte rendu, concert. Saintes. Abbaye aux dames, le 14 juillet 2015. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : messe en si mineur. Dorothée Mields, soprano; Margot Oetzinger, mezzo soprano, Damien Guillon, contre ténor; Thomas Hobbs, ténor; Peter Kooy, basse; Collegium Vocale Gent; Philippe Herreweghe, direction.