samedi 20 avril 2024

COMPTE-RENDU, concert. PARIS, Philharmonie, les 17, 18 mars 2018. WE « Les Oiseaux » / Messiaen / Williams / Brahms…

A lire aussi

- La Leçon de musique : Olivier MessiaenCOMPTE-RENDU, concert. PARIS, Philharmonie, les 17 et 18 mars 2018. WE « Les Oiseaux », orchestre Pasdeloup, E. Schwarz, direction, D. Bismuth, V.Warnier, H. Demarquette… L’hiver n’avait pas encore mis les voiles pour l’autre hémisphère, ce samedi 17 mars, et il fallut affronter une tempête de neige bien peu ordinaire pour regagner la Philharmonie et sa grande salle Pierre Boulez, où tous les oiseaux parisiens et d’ailleurs, ayant déserté les arbres et pour cause, s’étaient réfugiés. Telle une immense volière, les virtuels volatiles semblaient y trouver aise pour ainsi joyeusement gazouiller via les bandes enregistrées. Un charmant accueil réservé au public, augurant, le temps d’un concert, bien des moments de grâce. On y entendit aussi le lendemain, ce concert en hommage à Olivier Messiaen, avec au programme son Livre d’orgue, et le Quatuor pour la fin du Temps.

 

 

 

 

Les oiseaux nichent à la Philharmonie…

 

 

 

Elena SchwarzOiseaux de feuen ce 17 mars, on ne saurait que remercier Marianne Rivière pour son heureuse idée qui a donné naissance à ce très beau programme musical, réunissant l’orchestre Pasdeloup sous la baguette de la talentueuse Elena Schwarz (photo ci contre / © P Ketterer), et le pianiste David Bismuth, avec la participation de Fernand Deroussen (sons) et de Guilhem Lesaffre (textes lus). Sur fond de chants d’oiseaux enregistrés, lumière de printemps offerte en refuge ce jour de froidure, la musique émerge, paisible, avec un premier extrait: l’Envol de l’Alouette (The Lark Ascending) du compositeur britannique Ralph Vaughan Williams. Cette pièce bucolique interprétée avec grande finesse sous une direction précise et sensible, met en valeur le jeu souple et aérien du violoniste Arnaud Nuvolone, violon solo de l’orchestre. La Grive des bois succède au petit passereau, cette fois au son de la flûte et du cor: court extrait des Canyons aux Étoiles d’Olivier Messiaen (1971-74), magnifique fresque orchestrale dont l’intégralité des douze mouvements furent donnés la veille par l’Ensemble Intercontemporain et l’Ensemble of the Lucerne Festival Alumni, sous la direction de Matthias Pintscher. Ce vrai bijou de timbres, ciselé à merveille, ouvre son bouquet de couleurs sur l’espace d’une autre grande fresque, celle de la troisième symphonie de Brahms, opus 90, composée un siècle plus tôt. On entend son troisième mouvement « poco allegretto », à la douce mélancolie, joué ample, dans la respiration large et pleine du pupitre des violoncelles. Et comme un Brahms n’en cache pas un autre, David Bismuth s’empare du piano et rejoint l’orchestre dans le finale de son deuxième concerto opus 83, lumineux, éclairé de bonne humeur et de légèreté, avec la complicité d’ Elena Schwarz. Un régal! On n’aurait pu imaginer pareil programme ornithologique sans Rautavaara et son fameux Cantus Arcticus (1972), « concerto pour oiseaux et orchestre ». L’alouette revient, mais celle des étendues polaires, avec Melankolia. Ici la bande magnétique mêle les véritables chants d’oiseaux aux cordes, qui parviennent à dessiner les lignes d’une immensité en une fraction de minutes, dans la plus pure poésie. Quittant le Grand Nord, nous suivons le rossignol dans sa migration jusqu’aux Pins de Rome, de Respighi (1923). Son ambiance nocturne prélude à l’œuvre de Stravinski couronnant le concert, l’Oiseau de Feu. Elena Schwarz dirige avec précision et éclat la seconde suite tirée de la musique du ballet. Le bonheur se lit sur tous les visages, du public et des musiciens, qui ont fait le printemps par ce jour bien gris, tandis que dehors la neige recouvre les pavés.

Le lendemain (18 mars), la thématique trouvait une autre suite, l’après-midi, avec un concert d’hommage à Olivier Messiaen. De caractère plus austère, il réunissait deux œuvres monumentales du compositeur: en première partie son Livre d’orgue (créé en 1952), intégralement donné sur l’orgue Rieger de la Philharmonie, par l’organiste Vincent Warnier, titulaire de la tribune de Saint-Étienne-du-Mont à Paris, puis après l’entracte, le Quatuor pour la fin du Temps, interprété par quatre musiciens d’exception: Henri Demarquette au violoncelle, Eric Le Sage au piano, Paul Meyer à la clarinette, et Daishin Kashimoto au violon. La console munie de ses claviers et de son pédalier donne au début un peu de fil à retordre à notre organiste, produisant à sa mise en route, inopinément une note continue. Un cornement, lié à un problème électronique, nous explique Vincent Warnier, sans perdre son sang froid. La solution est rapidement trouvée qui rend l’instrument plus docile, et apte à obéir au jeu du musicien. Bien qu’il fasse référence à la musique liturgique d’autrefois, le Livre d’orgue de Messiaen n’est pas destiné à l’office. Formé de sept pièces, il est avant tout un « lieu » de recherche d’un langage musical poussée à l’extrême, utilisant l’atonalité, et explorant une liberté rythmique au-delà de la métrique classique. Vincent Warnier en exprime toute sa force, tant dans les pièces les plus arides et les plus abstraites (Reprise par interversion, par exemple), que dans celles empreintes du mystère divin (Pièce en trio) ou faisant référence aux oiseaux (Chants d’oiseaux). Il se joue de toutes les difficultés de ses pièces, et Dieu sait ce qu’elles requièrent de maîtrise technique tout autant que de concentration, notamment la dernière, véritable explosion rythmique, si difficile à appréhender par l’oreille. Enfin ce n’est pas un « petit » bis qu’il offre, avec Dieu parmi nous, extrait de la Nativité du Seigneur. Chapeau bas à ce musicien qui nous aura tant impressionné!

Ecrit en captivité en 1940, le Quatuor pour la fin du Temps, est une œuvre inclassable en huit mouvements, inspirée de l’Apocalypse de Saint-Jean. On est là aussi impressionné par le niveau de l’interprétation et l’excellence de ces musiciens hors pair, exigée par la partition qui met à nu chaque instrument. On pense notamment au solo de la clarinette dans l’Abîme aux oiseaux, virtuose et poétique, aux inflexions inspirées et à la mystique profondeur du violoncelle, aux accords immatériels du piano.

Ce concert ne laissa pas indemne. Il rendit bien difficile le retour à la vie ordinaire, au pavé parisien, mais avec le cœur et l’esprit baignés de couleurs intemporelles.

 

 

 

—————————

 

 

 

COMPTE-RENDU, concert. PARIS, Philharmonie, les 17 et 18 mars 2018. WE « Les Oiseaux », orchestre Pasdeloup, E. Schwarz, direction, D. Bismuth, V.Warnier, H. Demarquette…

 

 

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE, concert. LILLE, Nouveau Siècle, le 18 avril 2024. SIBELIUS : symphonie n°7 [1924] – BEETHOVEN : « GRAND CONCERTO » pour piano n°5 « L’Empereur » [1809]....

SUITE & FIN DU CYCLE SIBELIUS... La 7ème est un aboutissement pour Sibelius pour lequel l'acte de composition est...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img