Phalange que nous apprécions toujours beaucoup quand elle est en fosse pour « accompagner » la saison lyrique de l’Opéra Grand Avignon, l’Orchestre Régional Avignon-Provence est ce soir « tout seul comme un grand » pour un concert symphonique intitulé « Accents tragiques, clarté solaire ! », consacré à Tchaïkovsky et Schubert, et dirigé par l’excellent chef belge Patrick Davin, actuellement premier chef invité de l’Orchestre Philharmonique de Liège et directeur musical et artistique de celui de Mulhouse. Comme mise en bouche – et pour « chauffer » l’orchestre -, Davin donne à entendre une Ouverture de Carla Maria von Weber que l’on a peu l’occasion d’entendre, celle de son second opéra Peter Schmoll, dans laquelle on peut entendre une instrumentation et des motifs que l’on retrouvera dans ses futurs chefs d’œuvre comme Euryanthe ou Obéron.
Entre ensuite la soliste, la violoniste française Fanny Clamagirand (née en 1984) – lauréate du Concours International Fritz Kreisler en 2005 à Vienne, puis des Violin Masters de Monte Carlo en 2007 – venue interpréter le fameux Concerto pour violon et orchestre en ré majeur de Piotr Ilitch Tchaïkovsky, dont l’énergie, la fougue – mais aussi le fort pouvoir émotionnel – ravissent toujours les auditeurs. Nombreux sont les violonistes qui l’ont à leur répertoire, mais nombreux également sont ceux qui s’y « brûlent » les ailes. On peut vanter l’ardeur de certains, mais parfois au détriment de la précision, quand d’autres, plus rarement, choisissent de soigner chaque trait, mais souvent au détriment de l’énergie et de la mélancolie intrinsèque à cette pièce ô combien difficile ! Fanny Clamagirand, quant à elle, nous offre : énergie, fougue, chaleur du son, lignes mélodiques soignées et justesse impeccable. Cela vous emporte, tout simplement, grâce à une déferlante de notes, de musique et d’émotions musicales. De son côté, la phalange provençale lui offre un magnifique soutien, avec la même chaleur, la même énergie, la même pâte sonore, qui se déroule sans jamais retomber. Visiblement émue par les récents et tragiques événements parisiens, elle dédie à la mémoire des victimes un bis d’une bouleversante intensité.
Après l’entracte, la soirée se poursuit par la Symphonie n°4 dite « Tragique » de Franz Schubert, et l’ORAP conquiert à nouveau le public. Avec fièvre, le chef prend l’ouvrage réellement au tragique, sans concession intimiste, et son Schubert est coulé dans le même bronze qu’un monument beethovénien : le ton est fervent, la scansion péremptoire, les crescendi expansifs. Pupitres consciemment en osmose, les bois épousent les cordes et rehaussent ainsi leur étoffe, tandis qu’aucune lourdeur ne transpire. Avec ses mouvements nerveux et belliqueux, Davin manie la baguette comme d’autre l’épée, et ce soir Schubert est défendu comme jamais…. Bravo à lui et au superbe orchestre avignonnais !