Compte rendu, concert Gershwin, Montpellier, opéra Berlioz, Le Corum, Festival Radio France Occitanie, Montpellier, le 20 juillet 2018. Schwitzgebel/ONF/Krivine. Si on oublie sa fabuleuse production de standards, quatre des œuvres les plus populaires de Gershwin – avec Porgy and Bess – nous sont proposées par l’Orchestre National de France, dirigé par Emmanuel Krivine, avec Louis Schwitzgebel au piano. Ce dernier remplace Stefano Bollani, initialement prévu. Figure emblématique du jazz, le pianiste italien a, du reste, enregistré Gershwin, dès 2010, avec Riccardo Chailly à la tête du Gewandhaus de Leipzig. C’est dire sa familiarité à ce répertoire. Pour une raison que l’on ignore, c’est donc Louis Schwitzgebel qui jouera le concerto en fa comme la Rhapsody in blue. Le public est très nombreux pour ce concert diffusé en direct par France Musique. Illustration : E. Krivine (DR).
Un concert rien que … scolaire et bien exécuté
C’est en grande formation que l’orchestre se présente. Dès le début de l’Ouverture cubaine, on s’interroge. Outre les percussions nombreuses, placées à l’arrière, quatre percussionnistes, devant l’orchestre, jouent des instruments typiques de la musique latino-américaine. Raides ils sont, le regard rivé à leur partition. Soyons honnête : même si les claves ou les bongos ajoutaient une frappe ou en retranchaient une, la musique en sortirait indemne. Par contre l’absence de cette indispensable souplesse lascive est impardonnable. C’est appliqué, c’est tout. Les bonds du chef n’y font rien : sa battue, très scolaire, génère une lecture formelle, techniquement irréprochable, mais privée de sens… peut-être les musiciens n’attendent-ils que cela de lui ? Il suffit d’observer le jeu des huit contrebasses : une seule semble avoir compris ce qu’était une rumba. Les autres jouent mécaniquement le rythme écrit, comme un exercice solfégique. Manifestement le music-hall et le jazz ne sont pas dans les gênes d’Emmanuel Krivine ni dans ceux de la grande majorité des musiciens, hormis les vents. Dommage.
Le pianiste Louis Schwizgebel, trentenaire longiligne, maîtrise parfaitement l’instrument. Sa carrière l’a déjà consacré comme un interprète recherché. Il propose un concerto en fa fort correct. Mais il a oublié d’écouter Gershwin, qui joua la partie de piano à la création de sa Rhapsody in blue. Son staccato, dont les seuls les jazzmen possèdent le secret, aurait-il disparu ? C’est propre, avec un tout petit zeste de fantaisie, virtuose, mais loin de la source d’inspiration du compositeur. On en regrette d’autant plus l’absence de Stefano Bollani, qui aurait certainement donné du fil à retordre au chef et à ses musiciens, à moins qu’il ne leur ait communiqué sa dynamique. Pas une once de swing à l’orchestre. Seule la petite harmonie réserve de beaux moments dans le mouvement lent, dont les couleurs et les phrasés sont admirables. Au finale, ma voisine me signale que le chef doit diriger du Sibelius…
La Rhapsody in blue pâtit des mêmes travers, jouée comme un concerto du répertoire. Quelles que soient les qualités individuelles et collectives des musiciens, la respiration y est courte, ça ne bouge pas. Dans mon ennui, j’observe les têtes du public devant moi. Toujours figées, parfaitement immobiles, sans que le moindre balancement, naturel, se manifeste. Les interjections des cuivres, dans le dernier mouvement, sont parfaitement en place, mais n’ont rien à voir avec des riffs.
Par chance, l’orchestre s’assouplit un peu pour Un Américain à Paris, réservé pour la fin. La qualité des bois est superlative, la direction sait, maintenant, se faire fluide. Le mastodonte se mue parfois en libellule. Comme les vents sont à l’honneur, enfin ça swinge !
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Compte rendu, concert Gershwin, Montpellier, opéra Berlioz, Le Corum, Festival Radio France Occitanie, Montpellier, le 20 juillet 2018. Schwitzgebel/ONF/Krivine.