vendredi 29 mars 2024

Compte rendu, concert. Montpellier, Festival Radio France-Occitanie-Montpellier, opéra Berlioz, le 21 juillet 2017. Orch National de Lille, Alexandre Bloch.

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thumbnail_Orch_Lille_bloch_trepscki-2107_6Compte rendu, concert. Montpellier, Festival Radio France, le 21 juillet 2017, 20 h. ; Simon Trpceski, piano, Orchestre National de Lille, Alexandre Bloch. Sans oublier les dizaines de récitals, de concerts de musique de chambre, les opéras, rares sont les festivals – comme les capitales en pleine saison – qui sont en mesure de nous offrir tant de concerts symphoniques, confiés à autant de formations prestigieuses, que celui de Radio France-Occitanie-Montpellier. L’Orchestre National de Lille, construit puis conduit à la pleine maîtrise par Jean-Claude Casadesus, est maintenant confié à Alexandre Bloch. Il nous offre ce soir un riche programme, alléchant, mais dont on chercherait vainement le fil conducteur, n’était son titre : « De Moscou à Rome ». Au cœur du programme, le spectaculaire et populaire 3ème concerto pour piano de Prokofiev, le plus joué depuis sa création en 1921.

La nouvelle jeunesse de l’Orchestre National de Lille

Pour commencer, une œuvre d’un compositeur opprimé, rejeté par l’appareil stalinien, Nikolai Roslavets, dont on commence seulement à découvrir la personnalité et l’œuvre, extraordinaires. Ainsi, ses 24 préludes et fugues, bien antérieurs à ceux de Chostakovitch, et qui soutiennent largement la comparaison.  Une sorte de poème symphonique écrit aux environs de 1912, « Aux heures de la nouvelle lune » ouvre le programme. C’est à Alexandre Raskatov, connu comme compositeur lyrique, que l’on doit sa reconstitution. L’écriture, très personnelle, surprend à plus d’un titre : le langage est d’une rare audace pour le temps, sans jamais sembler redevable à quelque courant contemporain. L’orchestration en est virtuose, et on aimerait savoir quelle part relève du transcripteur. Quoi qu’il en soit, c’est à une découverte importante que nous sommes conviés. La séduction joue à plein, sans démagogie aucune. La direction très démonstrative d’Alexandre Bloch, précise, efficace, impose une dynamique et des phrasés remarquables. Jamais l’intérêt ne faiblit, des bois babillards aux passages les plus impressionnants de force. A réécouter impérativement sur France Musique.
La virtuosité diabolique qu’appelle le 3ème concerto de Prokofiev en a fait un des chevaux de bataille de tous les athlètes du clavier. Trop souvent, tout est mis en œuvre pour que le soliste occupe, seul, héroïquement, le premier plan comme le haut de l’affiche, l’orchestre étant réduit au rôle de faire-valoir. Ce soir, rien de tel. Ce dernier est partenaire à part entière, et chacun du soliste ou de lui, sait se montrer discret dans tel ou tel passage, voulu comme tel par Prokofiev, mais trop souvent oublié.  La virtuosité ne tombe jamais dans le travers du clinquant ou de la vulgarité de l’histrion. Elle sait se faire humble, toujours au service d’un romantisme puissant et contrôlé. Le chef enflamme l’orchestre dès le premier mouvement. Les formidables progressions et la précision font penser à Evgeni Mravinski, la subtilité, la transparence en plus. La puissance des accords, la vigueur rythmique, la souplesse  et les traits nous emportent, moins par la prouesse que par la vérité de ton. Le relief modelé, nerveux, incisif, comme les couleurs, la sonorité, franche, claire, les flux lyriques, les respirations, le legato forcent l’admiration. Tout autant, du très grand piano, puissant comme il se doit, mais aussi lyrique, subtil, gorgé de vie et d’humanité, ce qui est rare. Les traits fulgurants sont là, mais jamais démonstratifs, nerveux mais contrôlés. Les soli de l’andantino, dans leur apparente simplicité, nous émeuvent particulièrement. L’orchestre se hisse au plus haut niveau. C’est particulièrement vrai dans le finale qui nous emporte inexorablement dans son tourbillon ultime, au lyrisme éperdu, âpre ou sensuel, sans sur-jouer les contrastes, avec l’humour caustique de Prokofiev.  Simon Trpceski est un fabuleux pianiste macédonien installé Outre-Manche, où ses enregistrements font référence. Pourquoi est-il si rare en France ? Remercions d’autant plus le Festival de nous permettre de l’écouter dans les meilleures conditions.
Le Tombeau de Couperin, de Ravel, est un classique. Chaque orchestre l’a inscrit à son répertoire et s’eforce d’en donner sa lecture, renouvelée.  Ici, le prélude est fluide à souhait, avec des bois vaporeux, coquins parfois, des cordes soyeuses, dirigés avec un engagement permanent. L’élégance, le raffinement, la légèreté, l’inconscience de la forlane sont convaincants. Le menuet, comme le rigaudon, stylisés à l’extrême, aux lignes admirables, à la sensualité rare, à la vigueur singulière séduisent, mais la source chorégraphique qui les abreuve est délibérément gommée, nous laissant partagé.  Un orchestre au meilleur de sa forme.
On a le droit d’aimer les Fontaines de Rome, de Respighi, rarement données au concert. La partition est colorée, fraîche et chaleureuse, aux envolées paroxystiques, mais on se surprend à décrocher. Lassitude au terme d’un programme particulièrement riche ? Langage un peu suranné, et moins original que celui d’autres pages du même compositeur ? C’est surtout l’occasion pour le chef de montrer combien son orchestre est réactif, riche et soudé. Alexandre Bloch, dans toutes les œuvres écoutées ce soir, sait doser avec  une science peu commune les interventions de chaque pupitre. Ainsi maintenir les cordes dans les nuances les plus ténues pour valoriser les bois lorsque le passage l’exige. Il excelle aussi dans les mixtures les plus savantes, les plus complexes. Mais surtout, il communique à ses musiciens une formidable énergie, parfaitement maîtrisée, quelle que soit la nature du passage. Le lyrisme comme la puissance sont au rendez-vous. L’Orchestre National de Lille, phalange prestigieuse, retrouve une nouvelle jeunesse sous la baguette inspirée d’Alexandre Bloch.

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Compte rendu, concert. Montpellier, Festival Radio France-Occitanie-Montpellier, opéra Berlioz, le 21 juillet 2017, 20 h. ; « De Moscou à Rome » ; Roslavets : Aux heures de la nouvelle lune ; Prokofiev : concerto pour piano n°3 ; Ravel : Le Tombeau de Couperin ; Respighi : Les Fontaines de Rome.  Simon Trpceski, piano, Orchestre National de Lille, Alexandre Bloch.

Illustrations : Opéra Berlioz – Le Corum © Marc Ginot

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