vendredi 19 avril 2024

Compte rendu, concert. Dijon, le 23 septembre 2017. Tchaïkovski, Haydn… Orch Dijon Bourgogne. G.Tákács-Nagy, direction.

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tchaikovski Pyotr+Ilyich+Tchaikovsky-1Compte rendu, concert. Dijon, Cour de Flore, le 23 septembre 2017. Tchaïkovski : Souvenir de Florence, op.70 ; Haydn : Concerto pour violoncelle n°1 ; Bartók : Divertimento. Orchestre Dijon Bourgogne, Bruno Philippe, violoncelle, Gábor Tákács-Nagy, direction. Entourée de bâtiments du Palais des Ducs, la Cour de Flore est un écrin où, de nouveau, l’Orchestre Dijon-Bourgogne  a eu la bonne idée d’offrir un concert à la population ainsi qu’aux nombreux touristes. Fondateur du quatuor Tákács, le chef, chambriste, excelle dans ce programme, où il retrouve ses racines et des œuvres qu’il affectionne tout particulièrement. Trois œuvres pour cordes : le sextuor « Souvenir de Florence » de Tchaïkovski, le premier concerto pour violoncelle de Haydn, et le Divertimento de Bartók. Le temps estival, qui se prolonge, a incité un public nombreux à occuper les chaises bien avant le concert, les retardataires comme les promeneurs se sont vite agglutinés tout autour.

Heureux Dijonnais !

L’exécution à l’orchestre d’œuvres de musique de chambre, même validée par le compositeur, leur font souvent perdre de leur vigueur, de leur précision, au bénéfice de la puissance. Dès les premières mesures du sextuor de Tchaïkovski, on est heureusement surpris. On oublie le plein-air et les échos de la rumeur urbaine pour découvrir une interprétation vibrante, tonique, souriante et transparente. Certes, toute la fébrilité, l’hypersensibilité de Tchaïkovski sont  omniprésentes, mais sans jamais tomber dans un pathos, une boursouflure hyperromantique. Ainsi l’allegro initial, énergique, très écrit, comporte-t-il des moments où le lyrisme apaise quelque peu cette rage, l’adagio ne peut être que cantabile, avec sa parenthèse frémissante du moderato. L’allegro moderato nous rappelle que, malgré le titre, l’œuvre est russe, avec une rythmique toujours accentuée  qui se marie au lyrisme. Le double-canon, comme le canon et la fugue conclusive du dernier mouvement, attestent les qualités d’écriture de ce romantique à la sensibilité exacerbée. La dynamique où l’on passe du triple piano au triple forte en quelques mesures, dont il use très souvent n’en réduit-elle pas l’effet ?  Sans doute une des œuvres où les soufflets (cresc. et decresc.) abondent le plus, traduisant bien l’instabilité maladive du compositeur. Mais la direction, de Gábor Tákácks-Nagy, mains nues, où tout le corps participe, s’avère particulièrement efficace, installant une relation quasi charnelle avec les musiciens. L’élégance, la vigueur, les phrasés sculptés comme l’articulation, les polyphonies transparentes forcent l’admiration. Le finale est particulièrement hédoniste, jovial, un peu le cœur sur la main avec ce soupçon d’ivresse légère (dont le contrepoint sort indemne). Indéniablement le plaisir est la récompense.
Changement radical avec le tonique et enjoué premier concerto pour violoncelle de Haydn. Davantage encore que pour Tchaïkovski, le chef est chez lui : dans sa tradition musicale hongroise. Le soliste, le jeune violoncelliste, Bruno Philippe (souvent récompensé jusqu’à participer à la finale du dernier concours Reine Elisabeth) se sont rencontrés à Verbier et leur complicité est parfaite. Le rebond singulier qu’impose le chef à l’introduction, avec un orchestre ductile à souhait, fin, élégant et nerveux, racé pour tout dire, ce rebond va gouverner tout le concerto. La virtuosité, mais surtout le timbre, l’articulation et les phrasés du violoncelle ont toutes les séductions attendues. L’adagio, très classique, où il chante mieux que jamais, retient l’attention : le naturel, la simplicité, la pureté d’émission portent l’émotion.  Le finale, incisif, d’une joie débridée, nous emporte et l’on en oublie que les ritournelles sont abrégées, avec efficacité, pour participer à cet entrain auquel on est convié. Nous avons eu droit à beaucoup plus qu’un aimable divertissement ou à un prétexte à démonstration. Merci au chef, au soliste et à l’orchestre.  Un beau bis, la gigue de la 3ème suite de Bach, récompense les applaudissements du public.
Le Divertimento pour cordes de Bartók est un classique : sa force, la qualité exceptionnelle de son écriture, les conditions de sa rédaction, sa découverte au lendemain de la seconde guerre mondiale, particulièrement après la disparition du compositeur, ont contribué à sa célébrité. L’émotion qu’il dégage, fut-ce après de très nombreuses écoutes, ne s’émousse jamais.  N’était-il pas ambitieux de proposer cette œuvre à un public très mélangé, dans un plein air qui amoindrit la dynamique et les contrastes ? Très rares ont été les désertions et nous devons nous en réjouir. La direction magnifie les sources hongroises de l’ouvrage : les mélodies modales, la rythmique irrégulière, la métrique changeante. Le modelé des phrasés, la souplesse de l’articulation et des changements de tempo sont admirables. Tout juste regrette-t-on que l’acoustique lisse les contrastes et la sauvagerie des ponctuations à l’unisson. Le molto adagio est sans doute l’un des plus poignants jamais écrits, très retenu, avec une conduite admirable du crescendo du passage molto sostenuto. Le finale, allegro assai, renoue avec la vie, dansant, au fugato débridé, puis quelque peu élégiaque pour renouer avec l’influence tzigane et s’achever vivacissimo. La rusticité revendiquée par Bartók trop souvent aseptisée par un jeu ascétique, décharné, trouve ici son équilibre, son expression idéale.
Une initiative couronnée de succès et qui mérite d’être renouvelée.

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Compte rendu, concert. Dijon, Cour de Flore, le 23 septembre 2017. Tchaïkovski : Souvenir de Florence, op.70 ; Haydn : Concerto pour violoncelle n°1 ; Bartók : Divertimento. Orchestre Dijon Bourgogne, Bruno Philippe, violoncelle, Gábor Tákács-Nagy, direction.

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