Coco Chanel et Igor Stravinsky
de Jan Kounen
Au cinéma,
dans les salles le 30 décembre 2009
2 âmes, esprits de la rupture
Coco née en 1883 et Igor, né en 1882, sont deux âmes que tout rapproche, y compris l’âge. De la même génération, les deux créateurs portent en eux, l’idée créative de la rupture: la tentation de la nouveauté qui alimente les meilleures réalisations de modernité. Modiste et styliste hors normes, Coco Chanel détone évidemment. Stravinsky quant à lui, frappe un grand coup à Paris en 1913, lorsqu’âgé de 31 ans, le public découvre la musique du Ballet Le Sacre du printemps dans le cadre de la saison des Ballets Russes de Serge de Diaghilev.
Scandale et provocation mais musique du futur. Même oeuvre chez Chanel: écriture singulière et libertaire, indépendante et visionnaire qui concilie élégance et unicité.
Ces deux là devait forcément se rencontrer: se voir, se remarquer, puis s’aimanter en une relation passionnelle. Voilà l’intrigue du film de Jan Kounen, inspiré du roman de Chris Greenhalgh (Coco & Igor), auquel le film doit sa trame et son titre.
La touche de Karl Lagerfield
Le film permet une évocation du Paris de 1913, puis 7 ans après, date de la rencontre décisive, quand la passion embrase les deux créateurs, en particulier dans la villa de Coco, Bel Respiro, lieu central du film. Coco est alors marquée par la perte de son premier amour Boy Capel… Igor, compositeur russe réfugié à Paris, après la Révolution de 1917, recherche un asile propice à sa création. Mademoiselle Chanel lui propose alors de l’héberger dans sa villa à Garches, lui et sa famille, car le musicien est marié à Catherine…
Jan Kounen a choisi l’actrice Anna Mouglalis, par ailleurs, ambassadrice de la marque Chanel. Le cinéaste a aussi recueilli les conseils de Karl Lagerfield qui a donné son avis sur les attitudes de l’héroïne. La maison Chanel a même prêté des objets intimes de Coco, en particulier pour le tournage au Ritz.
Le Sacre reconstitué
Les amateurs de danse seront servis dès la première scène du film qui voit la reconstitution de la création explosive du Sacre au Théâtre des Champs Elysées, le 29 mai 1913. Même si le spectateur reconnaît Coco accompagnée de Misia dans l’assistance (petite liberté prise avec la vérité historique), Jan Kounen fait ressurgir les éléments exacts du ballet chorégraphié par Nijinsky: Dominique Brun qui a réalisé une reconstitution du Faune, a conçu les véritables épisodes de la création: la houle haineuse et criante des spectateurs confrontés au spectacle, Nijinsky hurlant le tempo à ses danseurs pour que le ballet se poursuive malgré le vacarme de la foule déchaînée qui couvrait l’orchestre (dirigé par l’imperturbable Pierre Monteux); le départ de Stravinsky, hors de la salle… Tout cela est recomposé, minutieusement monté entre les images prises sur place (au TCE avec près de 1000 figurants, 25 danseurs, 70 musiciens…) et les extraits en vidéo produits au moment des répétitions de l’oeuvre…
La séquence qui en découle, de près de 20 minutes, est le fruit d’un travail labyrinthique et précis, aboutissement de 3 jours de tournage au TCE puis 4 en studio. C’est la partie du film, explosive et collective, qui contraste naturellement avec la suite de la fiction, qui a demandé au cinéaste et à son équipe, le plus de travail. A l’écran, les images sont accompagnées par la version inédite du Philharmonique de Berlin sous la direction de Simon Rattle.
Coco & Igor. Coco Chanel et Igor Stravinsky, un film de Jan Kounen. Dans les salles le 30 décembre 2009.