10 ans après la création du premier opéra public à Venise (1637), Paris
reçoit la création du premier opéra italien, le 2 mars 1647.
L’entreprise a été organisée et voulue par le ministre Mazarin, hier,
premier amateur du théâtre italien, lorsqu’il servait les Barberini à
Rome. C’est une volonté politique à laquelle les parisiens se soumettent
de bonne et mauvaise grâce.
L’auteur profite de ce fait culturel, historique et esthétique pour
dresser un portrait technique et social de cette création parisienne:
l’Orfeo de Luigi Rossi qui dirige les musiciens, pourtant si délectable
grâce à la magie de ses mélodies, ne gagne guère le coeur des français
plus connaisseurs de belle danse que d’airs chantés dans une langue
inconnue.
Voici les conditions humaines et scéniques d’une représentation d’opéra
au XVIIè, en présence de la Reine Anne d’Autriche, Régente, et du
Dauphin le jeune Louis XIV (le Petit Louis) par encore en âge de
gouverner par lui-même: tout est là dans ce grand déballage étrange
autant qu’étranger (pièce à machines inventées par le grand faiseur de
spectacles: Torelli en personne), supporté plus qu’apprécié, d’autant
que princes et courtisans ont l’esprit échauffé: l’année suivante sera
marquée par leur indiscipline et leur arrogance vis à vis de la royauté
pendant la Fronde (1648-1653), un épisode que jamais Louis XIV
n’oubliera. Le souverain réutilisera d’ailleurs l’art du spectacle total
comme propagande personnelle pour servir ses ambitions et museler la
Cour.
Pour l’heure, dans la salle du Palais Royal, ce 2 mars 1647, les spectateurs se pressent
pour y être vus moins pour voir; il y fait une chaleur à suffoquer (à
cause des centaines de chandelles); il y règne une odeur de fauve
(insupportable). C’est un « air lourd et méphitique, très dangereux… on
y altère sa santé en voulant former son goût »… écrit Louis Sébastien
Mercier dans Tableaux de Paris, à propos des spectacles à la mode, dans la capitale à
l’époque de l’Orfeo de Rossi.
Point de vue des coulisses, défaillances et caprices des chanteurs,
organisation des changements de décors (à vue, à coup de sifflets qui
réveillent souvent les spectateurs assoupis…),nuisances diverses dont
les effets de fumées qui raclent les gorges et font paraître les
chanteurs tels des ombres sur la scène longtemps après qu’ils aient
commencé à chanter …
L’auteur cite aussi de nombreux témoins d’époque (Marolles, le
correspondant de la Gazette…) ou la contribution plus récente des
écrivains passionnés sur le sujet (Rolland). Rien n’est omis, ni
détails, ni anecdotes dans cette évocation très documentée qui
ressuscite l’une des soirées les plus importantes pour l’essor futur du
spectacle français plus tard conçu par Louis devenu le Roi-Soleil,
danseur et mélomane.
Christian Dupavillon: la naissance de l’opéra en France. Orfeo, 2 mars 1647. Editions Fayard, les chemins de la musique. 313 pages. ISBN: 978 2 213 65476 8. Parution: fin octobre 2010.