dimanche 27 avril 2025

Chopin par Knut Jacques, piano et pianino Pleyel, 1834,18431 cd Paraty

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Le pianiste Knut
Jacques joue Chopin sur instruments d’époque dans le salon Pleyel de la
rue Cadet… à la vérité historique se joint la finesse allusive de
l’interprétation… cd événement

cd événement
Chopin révélé

Label des démarches exigeantes sur instruments d’époque (entre autres), Paraty
(dirigé par le chef et claveciniste Bruno Procopio) marque un grand
coup avec ce disque choc dont l’attrait spécifique révise totalement
notre connaissance du monde sonore de Chopin; en un jeu nuancé et
intérieur, le pianiste Knut Jacques restitue ce rapport ténu entre
pianiste,clavier,public; jamais la résonance et la couleur n’ont paru
plus ciselées; jamais lecture n’a semblé mieux réussir le pari délicat
et souvent suicidaire du jeu sur piano historique. Il en sort un Chopin
totalement inédit, surprenant, d’une infinie et presque étrange
(étrangère) sensibilité; l’expatrié, en transit en France, trouve ici
dans un jeu particulièrement évocatoire, une terre vierge et riche, un
paradis de sensations et de sentiments préservés, … un eden proustien
qui régalera les mélomanes, déjà conquis par Chopin. Disque événement.
La Ballade en sol mineur opus 23 porte la richesse et le
trouble d’un imaginaire vacillant à la croisée des expériences: Chopin
commence la composition de cette pièce maîtresse à Vienne, la termine à
Paris (1835); entre temps le Pologne s’est soulevée contre les Russes et
l’auteur sait qu’il ne reverra jamais plus sa patrie: histoire d’un
déracinement, chant d’une nostalgie ineffable, Knut Jacques réussit à
exprimer les vacillements opposés d’une partition admirée par Schumann
et Liszt: flux et reflux, eros et thanatos, désir et mort tout à la
fois. Les mondes intérieures de Chopin surgissent en un vertige très
subtilement maîtrisé.

Le chant d’un Chopin fraternel

Même lecture tout en envoûtements mesurés pour le Nocturne en si bémol mineur (dédié
à Marie Pleyel, épouse de Camille): mystère d’une intériorité secrète
dont la contradiction essentielle est certainement de s’adresser à
l’autre sans jamais sacrifier les moindres replis et joyaux indicibles
d’une identité préservée… le balancement se fait même douce hypnose et
langueur atemporelle qui est un vrai défi à toute idée de narration, de
temporalité, de dramaturgie; nous sommes bercés dans un monde flottant,
au coeur d’un climat personnel, au centre de la sensation la plus
cachée. Knut Jacques fait surgir de l’instrument une
voix d’enfance et d’innocence perdue, ce miracle musical qui se réalise
au revers et à rebours du temps, un instant de grâce qui fait toute la
réussite de ce programme enchanté/enchanteur.

Le choix de l’instrument et l’approche toute en pudeur du pianiste ne cessent de convaincre.
Saluons l’initiative du label Paraty, toujours soucieux de la sonorité,
de l’organologie: les instruments d’époque sont ici l’indice d’une
ligne artistique qui recherche le sens caché des oeuvres. Après le
Mendelssohn de Cyril Huvé (couronné par une Victoire de la musique
classique), ce Chopin par Knut Jacques sur instruments historiques
s’impose par la même rigueur musicale, un engagement égal. Au scrupule
du son, de la mécanique (si présente dans l’esthétique de ce disque
exemplaire), les producteurs ajoutent aussi la couleur du lieu et la
recherche de la mise en espace car l’enregistrement a eu lieu dans le
salon Pleyel, première salle de concert situé à l’étage des premiers
ateliers parisiens, dans l’actuel Hôtel Cromot du Bourg, (9 rue
Cadet)… C’est là que le jeune Chopin, protégé de l’incontournable et
suffisant Kalkbrenner, rencontre Camille Pleyel en novembre 1831. Très
impressionné par le public, et comme « asphyxié par l’haleine de la foule »
(il y a évidemment cette hypersensibilité palpable dans le jeu du
pianiste), le jeune Chopin joue dans le salon Pleyel de la rue Cadet, le
26 février 1832.

Hypnose musicale

Superbe jaillissement éperdu d’un si prodigieuse franchise dans le Grave – Dopppio movimento, entrée en matière de la Sonate n°2:
le Pleyel 1843 restitue le volume, les justes proportions et les
couleurs d’origine avec une sensibilité magistrale. Accusant par ses
aspérités magiciennes, ce balancement perpétuel du contraint et de la
détente, de la tension et du rêve où se dévoile comme jamais un Chopin
secret et pluriel. Sommet de la Sonate et coeur palpitant du cd, la marche funèbre
saisit par ce glas martelé avec un abandon digital là encore
somptueusement évocatoire. L’expression, la nuance, la richesse sont au
coeur de l’écriture de Chopin; ses contrastes aussi, que l’approche de
Knut Jacques sert avec un feu passionné d’un tact absolu. En quête d’une
magie sonore que George Sand a pû évoquer (la note bleue), le pianiste
trouve d’aussi justes accents dans le trio central qui par sa pudeur
murmurée fait couler les larmes. Quelle magie et quelle ivresse !

Après Cyril Huvé dévoilant Mendelssohn, et Ivan Ilic défenseur d’un
Godowsky oublié, ce Chopin par Knut Jacques prolonge le chemin parcouru
par le jeune label français: il couronne aussi une ligne artistique
d’une exceptionnelle finesse musicale. Ecouter ce Chopin sur deux
instruments historiques reste la plus belle expérience discographique
jamais vécue. On y retrouve comme une révélation qui s’adresse à
l’intimité du coeur, ce Chopin confidentiel et fraternel, l’antithèse du
Liszt rayonnant et mondain. Sublime récital.

Chopin: Nocturnes, Sonate n°2, Ballades. Knut Jacques,
piano (Pleyel 1843, pianino 1834). Enregistrement réalisé 9 rue Cadet à
Paris dans le salon Pleyel historique, en 2011. Voir le reportage vidéo
Knut Jacques joue Chopin dans le salon Pleyel de la rue Cadet à Paris. 1
cd Paraty 112110. Durée: 1h04mn. Sortie annoncée: le 10 octobre 2012.

vidéos
Chopin chez Pleyel (1)
Chopin chez Pleyel… En octobre 2009, le pianiste
et pianofortiste Knut Jacques enregistre pour le label Paraty, plusieurs
pièces de Frédéric Chopin. L’enregistrement est réalisé dans le salon
Pleyel à Paris, rue Cadet, où Chopin donna le 26 février 1832, son
premier récital public. Le pianiste joue un piano Pleyel 1843 et un
pianino de 1834. Reportage spécial (1/3)

sommaire des vidéos
« CHOPIN CHEZ PLEYEL« 

Chopin chez Pleyel… En octobre 2009, le pianiste et
pianofortiste Knut
Jacques enregistre pour le label Paraty, plusieurs pièces de Frédéric
Chopin (1/3)

Chopin chez Pleyel… En octobre 2009, le pianiste et pianofortiste Knut
Jacques enregistre pour le label Paraty, plusieurs pièces de Frédéric
Chopin (2/3)

Chopin chez Pleyel… Reportage
spécial (3/3). Entretiens avec Knut Jacques, Bruno Procopio, Adelaïde de
Place… Présentation des instruments, des conditions de
l’enregistrement, du salon Pleyel, au 9 rue Cadet à Paris… (3/3)

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