CD. Philippe Jaroussky : Carestini (Haïm, 2006) … Philippe Jaroussky impose sa maestrià. Construit comme l’album Vivaldi de Cecilia Bartoli, au succès que l’on sait, (et l’on voudra pour le présent album, le même engouement populaire), cet hommage Carestani demeure d’une exceptionnelle tenue.
Comment réagir à cet époustouflant récital vocal où l’agilité acrobatique le dispute à la rondeur éloquente de la ligne, quitte parfois à oublier pourtant l’essentiel du chant: l’expression et le dramatisme, lesquels distinguaient pourtant Carestini… d’un Farinelli? Les uns, admirateurs, retrouveront tout ce qui « fait aujourd’hui, le « son » Jaroussky: souffle souverain, musicalité sans faille, souplesse et ductilité des vocalises, cet angélisme d’une exceptionnelle lumière… Les autres, comme nous (trop exigents?), derrière la séduction de la voix, de son esthétisme tendre qui s’écoute souvent (pour ne pas dire tout le temps), regretteront l’absence (totale) de prise de risque, d’implication du verbe, d’engagement dans toute situation dramatique. La voix glisse sur toute aspérité, toute expression directe et franche d’un sentiment, toute syllabe… derrière son masque vocal (ainsi que le chanteur paraît sur le visuel de couverture de ce récital hommage à Carestini, castrat vedette du théâtre haendélien), on aimerait tant sentir le vertige, la profondeur, l’épaisseur, le sang et le nerf, la hargne, l’emportement vertigineux… autant de passions inscrites dans la palette du théâtre ici abordé. Le contre-ténor, presque trentenaire (il est né en 1978) glisse sur les textes, plus soucieux de performance et de beaux sons et d’esthétisme que de vérité…Pourtant, prémices à une évolution que l’on attend avec force, son Scherza infida (Ariodante) atteint parfois, mais trop rarement, la profondeur requise, la tempête émotionnelle inscrite dans la partition de Haendel. Les vocalises qu’opère Philippe Jaroussky, restent cependant une pure recréation, entre virtuosité et langueur hallucinées. Et lorsqu’à la subtile accentuation du verbe répond la fulgurance de la vocalità, Jaroussky donne son meilleur. D’autant que face à lui, Emmanuelle Haïm, visiblement sous le charme, semble galvanisée par le feu d’artifice vocal du soliste.En conclusion, tout repose sur une question d’esthétique. Chacun jugera selon sa propre conception du « beau chant ». A-t-on raison de demander en plus de l’exquise vistuosité, la justesse expressive requise? Construit comme l’album Vivaldi de Cecilia Bartoli, au succès que l’on sait, (et l’on voudra pour le présent album, le même engouement populaire), cet hommage Carestini demeure d’une exceptionnelle tenue. Parmi les perles de ce récital à couper le souffle, où figurent entre autres joyaux le Timante du Demofonte de Gluck, l’Orfeo de Graun, le Sesto de la Clemenza di Tito de Hasse, les trois personnages de Haendel (Arianna, Ariodante, Alcina, que d’ailleurs Carestini créa sous la tutelle du compositeur) demeurent les plus convaincants.Philippe Jaroussky: Carestani, the story of a castrato
Nicola Porpora: Siface. Giovanni Maria Capelli: I fratelli riconosciuti. George Friedrich Haendel: Arianna in Creta, Ariodante, Alcina. Leonardo Leo: Farnace. Johann Adolf Hasse: La Clemenza di Tito. Christoph Willibald Gluck: Demofonte. Carl Heinrich Graun: Orfeo.
Philippe Jaroussky, contre-ténor. Le Concert d’Astrée. Emmanuelle Haïm, direction
Nicola Porpora: Siface. Giovanni Maria Capelli: I fratelli riconosciuti. George Friedrich Haendel: Arianna in Creta, Ariodante, Alcina. Leonardo Leo: Farnace. Johann Adolf Hasse: La Clemenza di Tito. Christoph Willibald Gluck: Demofonte. Carl Heinrich Graun: Orfeo.
Philippe Jaroussky, contre-ténor. Le Concert d’Astrée. Emmanuelle Haïm, direction