CD événement, premières impressions. BARTOLI / VIVALDI II (1 cd Decca). Presque 20 ans après son premier opus événement dédié à Vivaldi (1999), la mezzo romaine Cecilia Bartoli revient à ses premières amours et déclare à nouveau sa flamme baroque pour le génie dramatique et lyrique d’Antonio Vivaldi. Annoncé le 23 novembre prochain, l’album a séduit manifestement notre équipe de rédacteurs qui ont déjà pu écouter le programme dans sa totalité… Il en ressort que la diva confirme son excellent tempérament dramatique chez celui qui peine à convaincre encore les directeurs d’opéras : bien rares sont à présent les opéras de Vivaldi ou les festivals qui « osent » programmer ses ouvrages lyriques. Une situation qui est difficile à expliquer sinon par le manque d’audace des programmateurs, et aussi le manque de chanteurs capables comme « La Bartoli » de réussir en virtuosité, comme en intonations ciselées. Car il ne suffit pas de savoir techniquement bien chanter… il faut encore exprimer et transmettre ce supplément d’âme qui confère à chaque aria, son épaisseur voire son mystère émotionnel. De toute évidence, même accompagnée par un continuo et un chef parfois trop durs ou trop lisses, Cecilia Bartoli, 30 ans après, affirme toujours une étonnante santé vivaldienne… En témoignent ces 3 airs qui selon notre rédacteur Lucas Irom, demeurent emblématiques d’un programme ambitieux, très demandeur vocalement… qui en compte 10. Voici en avant première, un extrait de la critique complète qui sera éditée le jour de la parution de l’album BARTOLI / VIVLADI II :
… « D’emblée, en ouverture l’air agité du début de ce programme proclame sans fioritures ni hésitation la furià assumée de la partition, – cordes fouettées comme une crême liquide et souple ; voix très incarnée et engagée, laquelle a certes perdu de son élasticité comparée à 1999, avec des aigus parfois courts, mais dont l’économie des moyens (intelligence expressive) et la gestion de la ligne expressive architecturent le premier air de Zanaida (Argippo : « Selento ancora il fulmine ») avec un brio franc, naturel, contrasté et vivace, riche en vertiges et accents mordants dans la première section ; alanguis et murmurés dans la centrale, exprimant jusqu’à la hargne voire la frénésie hallucinée de cet appel à la vengeance. Plus loin, l’air de Caio d’Ottone in Villa (un ouvrage traversé par un souffle pastorale inédit) qui exprime la blessure d’un coeur trahi face à la cruauté de son aimée, est abordé avec une infinie tendresse, aux lignes amples et fluides ; la couleur vocale d’une torpeur triste mais ardente est idéalement soutenue, avec un éclairage intérieur qui renseigne tout à fait la douleur presque lacrymale du cœur en souffrance. Qui a dit que Vivaldi n’était que virtuosité mécanique ?
Parmi les arias les plus longs sélectionnés par Cecilia Bartoli, celui avec violon solo obligé, l’air de Persée : « Sovente il sole » (Andromeda liberata) demeure le clou de ce programme riche en contrastes et ferveur dramatique. La mezzo démontre sa maîtrise du cantabile rond et sombre, capable aussi d’une puissance émotionnelle inouïe, car Vivaldi, invente ici un chant traversé par le souffle de la nature, évoquant orage et tumulte mais aussi célébrant le mystère du sublime naturel. Dans cette analogie entre le cœur qui désire et se passionne, et la contemplation de la nature changeante, miroitante, naît un sentiment déjà … romantique. La justesse de l’écriture vivaldienne, ses accents et mélodies proche du caractère à la fois contemplatif et tendre du texte, ont un impact singulier. D’autant que soucieuse de l’énoncé du verbe, dont elle fait une véritable poésie chantante, la diva éclaire chaque section de la partition avec une sensibilité là encore introspective qui convainc totalement.
Dommage à notre avis que les instrumentistes autour d’elle ne partagent pas telle vision de l’implication et des couleurs du sentiment. Seule réserve dans cette collection d’incarnations très réussies. Car ce que Bartoli sait exprimer est moins l’éclatante et mécanique technicité virtuose, que l’introspection d’un Vivaldi… préromantique ? Voilà qui ne manque pas de saveur…. » A suivre.
Prochaine critique complète le jour de la sortie de l’album le 23 novembre 2018.