CD, événement, critique. SALONEN : CONCERT POUR VIOLONCELLE / CELLO CONCERTO (Yo-Yo Ma / Los Angeles Philharmonic, Salonen, 1 cd Sony classical, 2018). Somptuosité instrumentale, parure scintillante comme peut l’être suspendue, la texture du Ravel de Daphnis, l’orchestre de Salonen saisit par sa constante quête de transparence, sa volupté supérieure, comme l’élucidation allusive d’un chant murmuré, qui se déroule dans le repli et l’intime (violoncelle dans le II, confinant au silence et à la perte de tout cadre établi).
Hédoniste et adepte du mystère, le compositeur finlandais est comme sa consœur Kaija Saariaho, porté pour le rêve, le songe, l’irréalité, la surréalité même, mais énoncée ici comme une prière énigmatique, la manifestation d’un équilibre entre l’infiniment grand et le petit, entre cosmos et microrésonance. Ici, le timbre conduit le cheminement.
En ce sens, le II est le plus envoûtant, véritable explosion de couleurs et de teintes qui fait imploser toute forme et tour cadre construit, pour que se déploie une effloressence sonore suprême qui peut s’entendre comme une révélation comme un persistant mystère (ligne des cordes étirées jusqu’à l’ultime souffle).
Sous la direction de l’auteur et de l’ancien chef qui en fut le directeur musical de longue date, le Philharmonique de Los Angeles démontre une finesse expressive constante. Dans ce vortex scintillant, qui développe l’ombre et la pudeur, le violoncelle solo affirme un chant furtif, syncopé, agité et près d’une transe filigrané (III), scandé par la percu du tam tam : le dernier épisode est le plus dansant, ivre, convulsionné et souple, plutôt que convulsif. Toujours finement dansant. Trépidant, et dans ses pointes orchestrales, magnifiquement éruptif, comme des bourrasques fugaces et élégantes. Par sa concision, son sens de la synthèse et d’un développement contenu mais régulièrement fulgurant, l’écriture de Salonen rejoint le perfectionnisme formel d’un … Sibelius. Le III, presque de la même durée que le I, apporte un élément d’équilibre en miroir, mais aussi d’un caractère différent, presque opposé aux deux précédents, diffuse une agitation qui lui est propre, des irruptions délirantes (clarinette), qui portent aussi jusqu’au solo du violoncelle, élément moins concertant que diffus, jamais opposé au contexte orchestral, mais plutôt soulignant les accents de la masse organique, et semblant comme en exprimer l’essence. La percu plus présente inscrit par ses éclairs concrets et sa rythmique instable, un élément de réalité plus mordant. Mais fidèle à sa pensée pudique, Salonen achève ce formidable triptyque dans le murmure. Comme un serpent sinueux rejoignant l’éternelle nuit du silence et du secret.
Plastique, toujours hyperélégante, et d’un esthétisme instrumental ciselé, l’écriture de Salonen se magnifie avec le temps. Son Concerto est le moins bavard qui soit, critique sur la forme, soucieux de sa propre énergie, exigeant quant à chaque développement. Sublime musique. CLIC de CLASSIQUENEWS de mars 2019.
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CD, événement, critique. SALONEN : CONCERT POUR VIOLONCELLE / CELLO CONCERTO (Yo-Yo Ma / Los Angeles Philharmonic, Salonen, 1 cd Sony classical, 2018). Enregistrement réalisé à Los Angeles au WAlt Disney Concert Hall, Los Angeles, février 2018.