CD, événement. Compte rendu critique. Julie Fuchs : Yes ! (Deutsche Grammophon 2015). Ce pourrait être l’ossature d’une revue musicale imaginaire à laquelle la jeune diva nous convie; déjà remarquée dans Ciboulette de Hahn (1923) où elle incarnait avec un angélisme déterminé et pétillant la lolita des halles parisiennes (présente ici évidemment : « C’est pas Paris, c’est sa banlieue »), Julie Fuchs abandonne ses vocalises néoclasssiques et triomphantes qui concluaient lumineusement l’opéra des Lumières, Renaud de Sacchini, pour un premier récital discographique, tout en savoureuse finesse. Son « j’ai deux amants » (L’amour masqué d’André Messager, 1923) pétille en vraie nouvelle diseuse après Yvonne Printemps ; féministe ce qu’il faut et plus encore, superbe actrice aux nuances délectables et à la prosodie précise et fluide, insolente et mordante, dans l’air de Thérèse des Mamelles de Tirésias (1917) ; les deux Kurt Weill – en français -, surprennent par leur profondeur et la réussite de l’alliance comédie grinçante, amertume cynique (complainte de Mackie, L’opéra de Quat’sous, 1928). Quand à Phi-Phi (ah, cher monsieur excusez moi, de Christine, 1918), la diva d’une articulation lumineuse là encore, revivifie le clin d’oeil à la Manon de Massenet.
Ce qui captive c’est la superbe couleur que la coloratoure sait insuffler à des aigus toujours couverts, tenus, porteurs d’une émotion sincère, d’une élégance très suggestive.
Sous couvert de la légèreté parfois grivoise (le « premier tirage » de Phi-Phi, le « ça » de Casimir Oberfled, 1932), la soprano cultive une finesse d’intonation de bout en bout enivrante. D’autant que son articulation et son intelligibilité demeurent deux qualités continûment préservées.
Opérette régénérée sous l’influence du music hall, du jazz et de la comédie musicale, l’époque et le répertoire que sert avec une subtilité très juste Julie Fuchs pour son première album, soulignent l’essor du spectacle musical à Paris marqué par une insouciance féconde propre aux années Folles.
Diseuse enivrée, d’une irrésistible séduction, la nouvelle diva française
Julie Fuchs dit Yes !
Il appartient aux jeunes talents du moment de nous étonner d’abord, de nous surprendre ensuite en dévoilant par l’affinité de leur voix et du répertoire choisi, tout un style expressif et la cohérence d’une sélection musicale, gageure énoncée et remarquablement réussie dans ce premier album qui nous épargne les sempiternelles premières éditions lesquelles souvent conçues comme des cartes de visite, abreuvent de pots pourris indigestes dans une auto célébration toujours décousue. Rien de tel ici tant la suave et facétieuse parenté entre chaque air et mélodie fait référence à une époque bercée de culture, de finesse, de fantaisie habile, d’une constante intelligence.
La cantatrice sûre, au goût affûtée, au style irréprochable sachant constamment jouer entre mélodie parodique et séditieuse et grand air d’opéra (sublime mélodie du Coq d’or de Rimsky de 1909 : le fameux Hymne au soleil, chnaté en français comme l’ensemble du programmes) nous enchante par une maîtrise savoureuse entre chant lyrique et opérette : une telle fluidité captive mêlant finesse et humour, ivresse et suavité … se filles tendres et faciles (qui ne cessent de dire yes) gagnentt une profondeur lyrique indiscutable et ses airs lyriques classiques (les deux Lehar) et surtout le Rimsky déjà cité, gravissent les marches de l’embrasement par un timbre de lyrique léger virtuose.
Chaque air lui va, chaque situation la valorise, dévoile un tempérament taillé pour l’intensité enivré du drame… L’instinct artistique s’affirme dans la finesse servie par une voix d’une ineffable séduction en rien artificielle et si profondément humaine : voilà qui nous change de bien des lolitas pour lesquelles chant signifie performance. Ici la musicalité entre comédie et sincérité confirme une somptueuse intelligence.
Magistral (écoutez l’insolente agilité de son Ravel : L’enfant et les sortilèges, 1925, exhortation délirante de l’animal/insecte vengeur). Pour finir le « Thé pour deux » (No no Nanette, Vincent Youmans, 1925) éblouit littéralement par son élégance suave. Un miracle de diction amusée piquante que n’aurait pas renié les plus exigeants parisiens, Cocteau et Guitry.
Alors face à tant de finesse enjouée et stylée que dire à cette nouvelle diva réjouissante qui a la super classe : ce qu’elle dit elle même ressuscitant le Maurice Yvain de 1928 : un immense » yes » ! C’est donc un CLIC de classiquenews pour septembre 2015.
CD, événement. Julie Fuchs : Yes ! (1 cd Deutsche Grammophon, enregistrement réalisé à Paris en avril et juin 2015). Yvain, Poulenc, Ravel, Honegger, Weill, Christiné, Youmans, Rimsky, Hahn… Orchestre national de Lille. Samuel Jean, direction.