CD, critique. WAGNER : TANNHÄUSER (Bayreuth 2014, Kober, Breedt, Kerl, Nylund… 2 cd Opus Arte). Encore une fois, s’agissant de cette production, on ne détaillera pas la mise en scène (affligeante et vulgaire signé Sebastian Baumgarten : Vénus enceinte, Elisabeth hystérique et suicidaire… comme s’il n’y avait que les hommes de moins pires quoique que le héros soit ici… fortement alcoolisé) ; une vision qui est réappropriation outrancière, qui a la vertu de plus en plus familière et courante à présent de dénaturer et manipuler l’opéra de Wagner. Intéressons nous surtout à la réalisation musicale dont témoigne ce coffret, rendant compte des représentations de l’été 2014.
Heureusement le disque nous épargne les délires visuels à tout va. Les chœurs maison sont… impliqués, justes. Mêmes les seconds rôles comme le pâtre, tous les chevaliers sans exception, suscitent des incarnations concrètes, convaincantes (entre autres, Thomas Jesatko en Biterolf ; Lothar Odinius en Walther von der Vogelweide.), autant de piliers de scènes de théâtre riche en passionnantes confrontations…
Rival impuissant de Tannhäuser et qui aime en secret la belle mais inaccessible Elisabeth, Wolfram von Eschenbach brille d’une âme sincère et tendre grâce au baryton Markus Eiche qui fait un poète éperdu, enivré dans sa sublime Romance à l’étoile…
Saluons aussi le Landgrave Hermann, basse spectaculaire et caverneuse à souhait de Kwangchul Youn.
Entité vénéneuse et plutôt attractive, genre sirène dominatrice, la Vénus de Michelle Breedt (qui chantait déjà en 2009 aussi Brangäne dans Tristan und Isolde ici même, et avec quel poids, quelle intelligence dramatique), se distingue par sa puissance et son intensité.
Plus droite et affirmée que souple et ambivalente, l’Elisabeth de Camilla Nylund s’accorde finalement bien de la vision hystérique et radicale que lui prête le metteur en scène. Il fallait faire avec. La soprano s’en tire très honnêtement.
Plus mesuré qu’à son habitude, le ténor Torsten Kerl incarne un Tannhäuser, passionné, parfois tendu, et même fatigué pour son récit, ultime prière, imploration d’une âme usée (effectivement elle l’est bien au sens littéral), mais d’une ténacité qui force l’admiration. Aspirant à l’extase solitaire, le poète qui a connu les délices charnels, s’embrase, se consume, de l’orgie initiale à la foi la plus épurée, désireux du renoncement, que seul Kundry dans le théâtre wagnérien (Parsifal), porte elle aussi à ce point de non retour. Le ténor s’efforce et réussit dans un rôle impressionnant. Qui exige et demande sur la durée, en intensité et en aplomb.
Dans la fosse, le chef Axel Kober explore l’appel à l’humilité et à la contrition, avec une élégance très souple, exploitant les qualités d’un orchestre maison, d’une plasticité expressive et ductile, à toute épreuve. Le maestro relève les défis d’une partition aussi lyrique que … symphonique. Et de ce point de vue, Wagner, quel orchestrateur. Convaincant.
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CD, critique. WAGNER : TANNHÄUSER (Bayreuth 2014, Kober, Breedt, Kerl, Nylund… 2 cd OPUS ARTE).
WAGNER : TANNHÄUSER (1845 – 1875)
Livret de Richard Wagner
Choeur du Festival
Chef de choeur : Eberhard Friedrich
Orchestre du Festival
Direction musicale : Axel Kober
Bayreuth, Festspielhaus, août 2014
Mise en scène : Sebastian Baumgarten