dimanche 6 octobre 2024

CD, compte-rendu critique. STRADELLA : SANTA PELAGIA (Andrea De Carlo – 2016, 1 cd ARCANA)

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stradella santa-Pelagia andrea de carlo ronerta mameli sergio foresti cd review cd compte rendu cd critique-1030x927CD, compte-rendu critique. STRADELLA : SANTA PELAGIA (Mare Nostrum, Andrea De Carlo, direction – sept 2016, 1 cd ARCANA). Le soprano âpre, mordant, très articulé de Roberta Mameli, diamant incandescent aux aigus précis, saillants,- restitue cette présence charnelle de la langue italienne, où jaillit le relief dramatique aussi porteur de sens et de passions exacerbées dans les récitatifs et dans les airs. Ce chant expressif et fin à la fois habite avec intelligence le portrait spirituel de la sainte, courtisane devenue repentie puis ermite. Sans ouverture, sans « lever de rideau » symbolique, l’auditeur plonge directement dans ce drame linguistique dont le nerf et l’acuité des situations psychologiques sont immédiatement exprimés, grâce à une distribution bien choisie : ces chanteurs sont des diseurs, soucieux du verbe incarné. Et les instrumentistes de Mare Nostrum, comme dans leurs précédents enregistrements dédiés à tout un cycle monographique sur l’oeuvre sacré dramatique de Stradella, affirment une compréhension des enjeux de chaque séquence de la vie de Sainte Pélagie (d’Antioche). La Sainte a marqué l’histoire religieuse italienne à la fin du XVIè quand les Pélagiens mené par le laïc Filippo Casolo, tentèrent de développer leur propre croyance et sensibilité religieuse depuis Milan (Oratoire de Sainte-Pelagie), essaimant dans toute la Lombardie et jusqu’en Vénétie : tel retentissement fut bientôt violemment réprimé par l’Inquisition romaine. Depuis, la nom de Pélagie fut bannie, et taboo même en raison de cet épisode hautement hérétique.
Avant la Thaïs portraiturée au XIXè par Massenet, la Pélagie d’Antioch, traitée musicalement par le génial Stradella, vit la même métamorphose spirituelle : courtisane, danseuse et prostituée d’Antioche, Pélagie se convertit au christianisme après avoir été saisie par un sermon de l’évèque Nonnus d’Édesse (ici, incarné par le ténor) : Pélagie se convertit et fut baptisée. Et la pêcheresse rejoint Jerusalem pour vivre en ermite dans une prison sur le Mont des Oliviers : plaisirs, délices sensuels puis ascétisme salvateur… Autant dire que la partition et les courts arias exigent expressivité, articulation, dramatisme de braise, en particulier pour incarner la Sainte, abandonnée à l’ivresse spirituelle, soit une palette inouïe de nuances et accents que Roberta Mameli affirme et cisèle avec un talent irrésistible : belle prouesse entre naturel, flexibilité, extase vocale.
La partition de l’oratorio de Stradella (connue par une copie d’époque conservée à la Bibliothèque Estense de Modène) est datée avant 1677, soit avant sa fuite de Rome pour Venise. Comme dans son oratorio Sainte Edith pour le prince romain Leio Orsini, Santa Pelagia convoque deux protagonistes Pelagie et Nonnus, et deux allégories abstraites (Religion et Monde). Ici, la Sainte est tiraillée entre Bien et Mal, d’autant que face aux tentations du monde sensuel et terrestre, les admonestations de la Religion (contralto) sont virulentes. Telle ma Madeleine, exténuée mais lumineuse par sa constance mystique, Pélagie rayonne par son embrasement croissant, malgré le tiraillement dont elle est la proie gémissante. Lelio Orsini, puissant très croyant aimait se délecter de partitions éclairant l’intensité d’un texte moralisateur où brille in fine, la vertu morale de l’héroïne ou du héros. Il est probable qu’Orsini, comme c’est le cas des oratorios stradelliens connus (Esther, Sainte Edith déjà citée, Saint Jean Chrysostome), ait écrit le livret de Sainte Pélagie. Sa réalisation évoque une audience restreinte, de lettrés et amateurs éclairés, dans un cercle de connaisseurs. L’oratorio ici brille par sa diversité et le nombre d’airs plutôt courts, où se font rares les sections à plusieurs (un seul duo, et un choeur des « Mondains » à quatre) ; le drame reste introspectif, comme un huit clos qui enserre peu à peu et tenaille l’esprit en souffrance de la courtisane qui doute, mais grâce à l’aide de Nonnus l’évêque, trouve la voie médiane et consolatrice, celle de l’amour en Dieu, en véritable âme sauvée, spiritualisée. Le soin apporté au texte, à son articulation, le relief millimétré et pourtant naturel des recitatifs en italien s’avèrent jubilatoires. On aimerait connaître de même tempéraments pour le Baroque français : les vrais chanteurs réellement intelligibles actuellement pour Rameau, Charpentier, Lully sont bien rares. Ici, en étroite complicité et action avec des instrumentistes virtuoses et habités, l’engagement des interprètes fait toute la valeur et le haut intérêt de cet enregistrement en tout point convaincant, à intégrer au sein de l’intégrale en cours des oratorios de Stradella, portée, inspirée par l’excellent chef et musicologue Andrea De Carlo.

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CLIC_macaron_2014CD, compte-rendu critique. ALESSANDRO STRADELLA (1639-1682) – The Stradella Project volume 4 : SANTA PELAGIA (Rome, avant 1677) (Mare Nostrum, Andrea De Carlo, direction – sept 2016, 1 cd ARCANA). Roberto Mameli, Pelagia – Raffaele Pe (Religione) – Luca Cervoni (Nonno / Nennus) – Sergio Foresti (Mondo). Ensemble Mare Nostrum. Andrea De Carlo, direction. Enregistrement réalisé à Nepi, 11-14 septembre 2016 – 1 cd Arcana A 431. CLIC de CLASSIQUENEWS

LIRE aussi nos critiques et comptes rendus développés des oratorios de Stradella précédemment enregistrés par Andrea De Carlo : La Forza delle stelle, San Giovanni Crisostomo, Santa Edita.

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