Cd, compte rendu critique. JUAN HIDALGO : Música para El Rey Planeta / Musique pour le Roi Planète. La Grande Chapelle. Albert Recasens, direction (1 cd LAUDA). Étonnante et captivante résurrection d’un vrai tempérament taillé pour le drame et l’éloquence poétique : Juan Hidalgo (1614 – 1685), bien que dans cette collection d’oeuvres ciselées comme des miniatures (pas de tableaux orchestraux avec choeurs fastueux), affirme ici un sens exceptionnel du texte et des situations poétiques; quil sagisse de textes profanes ou sacrés (Tonos a lo divino ou villancicos) … tous rayonnent dune suavité mordante et flexible, le point fort en étant donné dans les derniers épisodes dont la verve et l’expressivité théâtrale évoquent évidemment l’opéra; la question s’impose tout au long de l’écoute: ces mélodies séparées ne sont-elles pas à rattacher à un ouvrage plus ambitieux pièces isolées d’un drame à recomposer ? ; n’ isolons qu’une pièce emblématique de cette écriture palpitante et d’une plasticité souveraine : le numéro 16, « Bien que dans le pain du ciel / aunque en El pan del cielo « ; chaque couplet est d’une poétique dramatique particulièrement raffinée supposant des interventions vocales caractérisées, sur un texte à la fois plein d’images et de références, véritable leçon de vie et appel à la jouissance raisonnée comme à la pleine conscience des vanités terrestres; c’est aussi une claire invitation à la sagesse dans l’épreuve d’une vie terrestre composée d’humeurs comme de séquences contrastées (« pleurer, chanter, rire »). Pour ceux qui pensaient en termes ternes épurés austères, en liaison avec l’acétisme supposé de la Cour d’Espagne, le génie protéiforme et spécifiquement raffiné de Hidalgo s’affirme à nous en régénérant les fondamentaux esthétiques du premiet Baroque ibérique. Il est bienvenu d’avoir choisi Velasquez dont le sens de la couleur et ce réalisme poétique est aussi présent dans l’écriture musicale d’un Hidalgo, aussi dramaturge que fin coloriste.
Albert Recasens et sa Grande Chapelle exhume un auteur majeur du Siècle d’or
JUAN HIDALGO : génie du Baroque ibérique
Le geste des solistes de La Grande Chapelle réunis par le chef et directeur musical Albert Recasens enchante littéralement en une succession de villancicos en majorité enregistrés en première mondiale. … séquences vives et articulées d’une ivresse artistique réellement passionnantes; les passions humaines y sont très affûtées; le souci d’une théâtralité suave et naturelle, idéalement incarné. En outre, l’instrumentarium prend en compte la harpe omniprésente dans la carrière de Hidalgo lui-même harpiste intégrant la Chapelle royale madrilène des 1633 (clavi harpiste) ; puis maître de musique de la chambre royale à partir de 1645, Hidalgo conçoit et fournit la musique des divertissements et de toutes les célébrations dynastiques de la Cour espagnole, créant ainsi pour le monarque Felipe IV (puis Charles II), la musique du Roi Planète qui se rêvait aussi universel et glorieux que son corps temporaire Louis XIV. Bien après la mort de Hidalgo en 1685, le terrible incendie qui ravagea le Palais royal à la Noël 1734, détruisit une partie importante des partitions officielles dont celles de Hidalgo. Voilà qui rend d’autant plus précieuses les partitions aujourd’hui parvenues.
Cofondateur de la Zarzuela, Hidalgo nous paraît ici doué d’un sens du théâtre phénoménal que la sensibilité des interprètes rend vivant, nerveux, percutant.
Voilà qui donne évidemment envie d’approfondir notre connaissance des ouvrages plus ambitieux ; bientôt souhaitons un opéra de Hidalgo prochainement ressuscité et outre le plaisir de mesurer une écriture inédite enivrante, la satisfaction de compter enfin avec une personnalité majeure du Baroque ibérique. Merci donc au défricheur Albert Recasens à l’intuition juste visionnaire qui trouve les moyens d’éditer sous son propre label Lauda, les joyaux musicaux encore mesestimés du Baroque espagnole, fruits de ses recherches.
Cd, compte rendu critique. JUAN HIDALGO : Música para El Rey Planeta / Musique pour le Roi Planète. La Grande Chapelle. Albert Recasens, direction. Enregistrement réalisé à Madrid en novembre 2014, 1 cd Lauda LAU015. CLIC de Classiquenews d’avril 2016.